Fin 1968, je décide de quitter la France, dégoûté des Soixante-Huitarderies de mes congénères. Le ministère des Affaires étrangères, qui a besoin de personnel, me propose un contrat de deux ans à l’ambassade France à Panama. J’ai 26 ans et ce sera ma première expatriation, un évènement qui décidera de la suite de ma vie.

Mon premier réflexe est de me précipiter sur une mappemonde: tout le monde sait qu’il existe « quelque part » en Amérique centrale un canal transocéanique reliant l’Atlantique et le Pacifique, quelques uns ( les bons élèves d’histoire) se souviennent vaguement de Ferdinand de Lesseps et d’un scandale financier à propos dudit canal qui a fait des ravages dans le paysage politique français des années 1900, mais bien peu connaissent grand chose d’une petite « république bananière  » fondée à l’occasion de l’ouverture du canal, et encore moins de la main-mise quasi-totale des USA sur ce territoire…

Je lis tout ce que je trouve sur le Panama dans mes livres d’histoire (c’est à dire pas grand chose), et prépare mes bagages dans la plus grande hâte.

Bien entendu, ce genre d’affectation de dernière minute a toujours été réservé aux débutants. On m’expliquera, une fois le contrat signé, que je vais atterrir dans un pays arriéré, sans élites dignes de ce nom, rongé par la corruption, dirigé par une junte militaire, sans richesses particulières, sous l’influence quasi exclusive des Etats-Unis, dont il a d’ailleurs adopté la monnaie et dont il singe les moeurs tout en les haïssant.

Bon….Tout cela s’avèrera vrai, mais sans importance puisque pour moi, il s’agissait seulement de partir ! Et finalement ce petit pays si dédaigné par mes employeurs va me séduire par son étonnante diversité géographique, son patrimoine historique et son potentiel touristique, que confirmera totalement son développement ultérieur.

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Plages de rêve, archipels mystérieux, villages indiens dans la jungle, pêche au (très) gros, vestiges des Conquistadors et des pirates des Caraïbes, j’ai donc connu tout cela à une époque où le tourisme de masse n’avait pas encore sévi. A l’état brut, si je puis dire, bien avant que les ruines espagnoles aient été restaurées, les îles à cocotiers couvertes d’hôtels et les indiens «sauvages » entraînés à danser pour les caméras des groupes de touristes japonais.

Dès qu’on voulait quitter la capitale pour plonger dans l’arrière pays, on ne pouvait compter que sur soi-même: pas d’agences de voyages pour vous vendre des « treks », pas de 4×4 à louer pour une virée en montagne, il fallait tout organiser soi-même, se trouver véhicule, piroguier, guide, muletier…Et s’armer de patience. Mais le plaisir était au rendez-vous.

De 1969 à 1970, attaché d’ambassade dans ce petit pays alors quasi inconnu, (y compris de moi-même avant d’y débarquer), j’ai donc vécu ce qui fut la première vraie aventure de ma vie, deux ans absolument inoubliables qui demeurent le plus intense de mes nombreux souvenirs d’expatrié.

Je souhaitais partager ces émotions que rien n’a pu émousser.

Voici donc, accompagné de quelques réflexions et souvenirs, un stock de vieilles photographies ( presque cinquante ans !…) de cette belle époque de ma vie, dont certaines n’ont pas pris une ride, et d’autres subi, comme moi, «des ans l’irréparable outrage »….Ce sont bien sûr des photos argentiques scannées, avec tous les défauts inhérents à cette technique. J’y ai ajouté, en tant que de besoin, des clichés glanés sur le Web pour illustrer mon propos.

La plupart  de ces photos n’ont bas besoin de légende, elles « parlent d’elles-mêmes » comme disent les mauvaises publicités. Ce sont des moments saisis sur le vif par un oeil neuf, séduit par tout ce qui le changeait de la « Vieille Europe », fasciné par ce continent si nouveau pour lui. Par la suite, j’ai retrouvé un peu partout en Amérique latine les traits qui m’avaient tellement impressionné dans ce premier poste. J’ai vécu et travaillé au Mexique, au Brésil, en Equateur, beaucoup voyagé sur tout le continent, mais rien ne m’a laissé de marques aussi profondes que ce « Centro del Mundo, Corazon Del Universo » comme l’affirmait alors la devise du Panama avec une touchante et innocente outrecuidance.

En guise de commentaires, j’ai simplement repris par moments quelques extraits de mes notes de l’époque. Elles conservent pour moi toute leur saveur ; j’espère qu’elles en auront encore un peu pour le lecteur d’aujourd’hui.

 

Une (très courte) histoire de la République de Panama

– Les temps précolombiens :

« Le lieu où le poison abonde », telle serait la signification du mot Panama dans les langues pré-colombiennes. Ce qui est certain, c’est que l’or y a toujours abondé et que les tribus pré-colombiennes en usaient beaucoup. D’où une assez grande richesse archéologique , notamment en bijoux d’or, que l’on n’a pas, loin s’en faut, fini d’explorer. J’ai d’ailleurs eu lors de mon séjour la chance d’accompagner sur le terrain Reina Torres de Arauz , directrice du musée national, figure emblématique du Patrimoine panaméen, et de m’en rendre compte lors de quelques fouilles. Beaucoup reste à faire dans ce dernier lien de terre entre les grands blocs de l’Amérique du Nord et l’Amérique du Sud, point de rencontre entre les deux cultures Maya et Inca dont il a constitué les d’avancée extrêmes.

 

– La « Conquista »:

https://fr.wikipedia.org/wiki/Panama

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Vasco Nunez de Balboa

A l’origine, l’isthme de Panama est découvert en 1502 par Christophe Colomb qui en suit quelques temps la côte caraïbe lors d’un de ses voyages.

Il n’est exploré que plus tard par le conquistador Vasco Nunez de Balboa,  le premier européen à parvenir, en traversant à pied l’isthme, aux rivages du Pacifique, qu’il baptise « Mar del Sur ».

Lorsqu’il avait brièvement accosté en 1502 au nord du pays, Christophe Colomb avait remarqué que l’or y était plus répandu qu’à Hispaniola. Le Roi Ferdinand II d’Aragon baptise donc le nouveau territoire « Castilla del Oro ». La ville de Panama est fondée le 15  août 1519.

L’isthme va alors servir de point de transfert vers la métropole des richesses minières extraites du Pérou par le colonisateur espagnol. Or et argent sont ainsi convoyées chaque année par mer de Lima à Panama, puis par voie de terre le long du « Camino Real » à dos de mules ou en chariot à travers l’isthme jusqu’à la côte atlantique, et enfin par bateau à travers l’Atlantique jusqu’à Séville. On estime qu’environ 450 tonnes d’or et 35000 tonnes d’argent auront transité par l’isthme entre le début du XVème siècle et le milieu du XVIIIème.

Le transfert de telles richesses va faire de la région  le haut lieu de la flibuste. Tout ce que compte l’Europe de corsaires et de pirates va s’embusquer dans les îles des Caraïbes et piller à qui mieux mieux les galions espagnols chargés de métal précieux qui partent pour Séville. De légendaires figures vont apparaître, une fabuleuse saga va s’écrire, celle de Henry Morgan bien sûr, qui y gagnera d’être anobli, celles aussi de John Cox, du Hollandais Piet Hein, du Français Lasonde et de bien d’autres y compris le célèbre Français L’Olonais dont la légende veut qu’il ai fini dévoré par des cannibales dans le Darien…. Les objectifs de ces messieurs ne varient pas: Panama et Portobelo, les deux villes où sont stockés l’or et l’argent en partance pour l’Espagne.

Après presque trois cents ans de ce trafic, lorsque ralentit le flux des métaux précieux vers l’Europe, l’isthme va trouver, entre 1849 et 1860, une seconde vocation: il va servir aux chercheurs d’or américains de la côte Est à se ruer vers la Californie à partir de 1849. Les « fortyniners » emprunteront le « Panama Railroad », chemin de fer tout nouvellement créé par des capitaux américains sur le parcours exact de l’ancien « Camino Real »: ainsi, après que l’or ait suivi pendant deux siècles ce chemin vers l’Est…ce seront les chercheurs d’or qui vont l’emprunter en sens inverse !…

 – Et enfin, le Canal…

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C’est avec le creusement du Canal interocéanique que le Panama va trouver sa vocation définitive. L’idée de percer un canal reliant l’Atlantique et le Pacifique qui permettrait d’éviter la redoutable route du Cap Horn est très ancienne : on en trouve la trace dès Charles V, qui voulait éviter à ses navires le long et périlleux contour de l’Amérique du Sud.

A la fin du XIXème siècle, le Français Ferdinand de Lesseps, ancien diplomate, glorieux constructeur du Canal de Suez, envisage le percement d’une voie d’eau à l‘endroit le plus étroit de l’Amérique centrale. On choisit, parmi plusieurs projets, l’isthme panaméen parce qu’il ne connait jamais de tremblements de terre et se trouve hors de la route des typhons.

On crée une Société financière ad hoc, on se lance dans l’aventure en vendant à tour de bras des actions du futur canal.

Mais on a fait le mauvais choix d’un canal à niveau, sans écluses.  Trop sûr de lui après sa réussite précédente à Suez, Lesseps échoue à terminer la construction d’un ouvrage bien plus complexe : il se heurte à un terrain bien plus difficile que le désert égyptien (forêts tropicales, roches dures, rivières boueuses…) et au climat humide où les glissements de terrain et la fièvre jaune déciment les ouvriers par milliers alors qu’il n’a pris aucune précaution sanitaire sérieuse. Après plus de 8.000 morts et neuf ans de travaux mal organisés, sa société fait une faillite colossale, ruinant ses milliers d’actionnaires et provocant le fameux scandale financier qui ébranle en France la Troisième République.

Les Etats-Unis, qui, au nom de la doctrine de Monroe, n’apprécient guère la présence européenne dans leur arrière-cour, interviennent alors.

Le Président en exercice est le fameux Teddy Roosevelt, l’homme au Big Stick, un homme décidé. Il rachète les droits du projet et le matériel de creusement, on commence par éradiquer le paludisme, et, ayant ramené les taux de mortalité « à ceux d’une ville moyenne », on termine l’ouvrage en 1903.

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Puis, pour s’en assurer à l’avenir le contrôle stratégique et politique, les Etats-Unis fomentent une sécession de la province colombienne sur laquelle se trouve le Canal. On envoie une flotte de guerre faire des ronds dans la baie de Panama, et une « révolution spontanée » (qui ne fait d’ailleurs aucune victime) soulève les habitants de la province contre «l’occupant» colombien; les Etats-Unis reconnaissent bien entendu le nouvel Etat dans les 24 heures ! De nos jours, les Panaméens, avec la vanité disproportionnée qui les caractérise, prétendent mordicus qu’ils ont conquis au bout du fusil leur indépendance sur la Colombie; laissons les dire.

Théodore Roosevelt écrira à la fin de sa vie dans son autobiographie: « La plus importante décision que j’aie prise en matière de politique étrangère a été, de loin, la construction du Canal de Panama ».

Pour résumer, selon cet expéditif document américain:

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Ainsi naît la petite République de Panama, si étroitement associée à son puissant protecteur du Nord que la monnaie en circulation en a toujours été le dollar américain bien qu’il existe officiellement un « Balboa », monnaie invisible dont jamais un seul billet ne sortit des presses.

C’est encore le Canal  qui décida de la suite: lorsqu’il devint trop étroit pour le passage des énormes super-tankers modernes et que se posa la question de son entière refonte ou du creusement d’un second canal au Nicaragua, et aussi lorsque »il devint indéfendable sur le plan militaire avec l’apparition des armes atomiques ou tout simplement des missiles à très longue portée, les USA jugèrent que leur création avait perdu de son intérêt, et, sous les apparences d’une « générosité » du Président Carter, acceptèrent  d’accéder à la vieille revendication des Panaméens qui réclamaient la propriété – et surtout les bénéfices, que le Canal représentait depuis sa création.

Jimmy Carter  remet donc, en plusieurs étapes à partir de 1979, la gestion et les bénéfices du canal au Panama. La fort négligeable « République de Panama », dont la courte histoire s’illustrait jusque là  essentiellement par d’innombrables coups d’états « à la Sud-américaine » et par les rocambolesques affaires de corruption de ses dirigeants successifs, prend alors en quelques années un essor incroyable. Elle devient un pays prospère, une grande place bancaire mondiale, un pays de tourisme et d’investissement immobilier, elle a créé une zone franche et une zone de services qui la fait à présent surnommer « le Dubaï de l’Amérique du Sud ».

Certes, le devenir du Canal est sujet à de nouvelles questions: malgré les remodelages de 2016 (qui ont coûté neuf ans de travaux) l’augmentation permanente de la taille des bateaux  du creusement d’un seconde voie d’eau plus au nord, au Nicaragua.  Mais cette fois, les dirigeants panaméens ont fait le nécessaire pour que le pays ne dépende plus  d’une unique source de revenus: la transformation est stupéfiante, même si les traditions en matière de corruption sont largement respectées…

De surcroit,  l’Amérique centrale est à présent devenue, suivant l’exemple de l’intelligente politique novatrice du Costa-Rica, un paradis des retraités en hiver, pour les Canadiens, les Américains et même nombre d’Européens.

Revers de la médaille: qui reconnaitrait à présent le tranquille petit pays dont j’ai gardé la nostalgie?

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« Mon » Panama, en 1969-1970.

1. Le « Casco Viejo » de Panama, au coeur de l’Histoire;

 

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À l’apogée de son influence, cette figure légendaire a commandé une flotte de 36 navires et plus d’un millier d’hommes.

J’étais ce qu’on appelait à l’époque un « VSNA », ou Volontaire du Service national Actif, c’est à dire un jeune homme (j’avais 26 ans) qui devait faire son service militaire (alors obligatoire) avant d’entrer dans la vie active. Les VSNA étaient en principe exclusivement des diplômés de l’enseignement supérieur envoyés par l’Etat dans un pays en voie de développement pour y animer un projet de coopération. Mais le Ministère des Affaires étrangères avait vite trouvé le moyen de détourner à son profit un certain nombre de ces postes de VSNA  pour faire effectuer leur service militaire à ses propres agents tout en continuant à les employer: il les envoyait sur des postes budgétaires de VSNA remplir des tâches…de fonctionnaire d’ambassade et c’est ainsi que j’avais atterri au Panama comme attaché de presse. D’un côté, une belle économie pour le Ministère, qui s’offrait pour deux ans un « vrai » attaché pour un salaire de VSNA (environ six fois moindre) , et de l’autre, une façon pas du tout désagréable pour un jeune agent de faire son « service militaire » dans un pays intéressant et un environnement plus enviable qu’une  caserne. Avec le vocabulaire d’aujourd’hui, on dirait que c’était une opération « gagnant-gagnant »…sauf évidemment pour les vrais projets de coopération au développement !…

L’ambassade de France où je travaillais étant située dans le « Casco Viejo », le coeur historique de la capitale, j’ai hanté ce quartier quotidiennement pendant mes deux ans de séjour. La statue de Lesseps trônait sur la « Plaza de Francia » en souvenir de la construction du Canal, elle est d’ailleurs toujours là, et je la voyais depuis les fenêtres de mon bureau, à travers les fleurs rouges des grands flamboyants. Le souvenir de la flibuste rôdait au coin des ruines proches du « Vieux Panama ».

C’était un endroit populaire, et même pauvre, mais habité par tous les souvenirs de la période coloniale. Les voitures étaient souvent de vieilles américaines qui n’avaient rien à envier à celles de Cuba, on y croisait les marchands ambulants de « raspado » , copeaux rafraîchissants tirés à l’aide d’un rabot d’une barre de glace et arrosés d’un sirop au choix du client. Les petits cireurs de chaussures en raffolaient, c’était le Gelato Italiano avant l’heure…

J’aimais beaucoup arriver à mon bureau tôt le matin (le seul moment de fraîcheur des redoutables journées panaméennes) alors que les « camaroneros », les bateaux pêcheurs de crevettes, aux grands filets d’une élégance de papillon, se balançaient dans la baie. Là s’arrêtait d’ailleurs le romantisme : les égouts de la ville se jetant directement dans la baie répandaient tout le long de l’avenue Balboa et sur les remparts une puanteur inouïe et les vieilles maisons donnant directement sur le rivage, aujourd’hui résidences fort recherchées, menaçaient de crouler parmi les détritus encombrant le sable noir.

Mais tout cela avait un parfum (c’est le cas de le dire) de temps héroïques, de pirates et de conquistadors qui fouettait l’imagination : c’était là que le redoutable flibustier Henry Morgan avait débarqué pour piller les réserves d’or de la Couronne d’Espagne, poussant devant lui pour se protéger du feu des défenseurs les nonnes espagnoles capturées dans un couvent voisin…C’était là (ou pas loin) que le Gouverneur de la ville, affolé, faisait jeter dans le Pacifique par dessus les murailles des tonnes d’or et d’argent (dont on assure que beaucoup y sont encore) afin de les préserver du pillage….

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Morgan à Panama, gravure de 1887.

Avec l’engouement contemporain pour les lieux chargés d’histoire, le « Casco Viejo », de quartier pauvre, est devenu ces dernières années le coin des gens chics, bohèmes et cultivés, on dirait en France des « bobos », panaméens comme étrangers.

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Un rude « Service militaire », en vérité ….

 

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Panama-City, la ville « moderne » dans les années 1970:

 

Chivas et  « Diablos Rojos »…

Impossible d’évoquer Panama-City sans en dire quelques mots !…

Une grande tradition panaméenne, ces « chivas », des autobus en général délabrés, peinturlurés au goût délirant de chaque propriétaire, conduits par des chauffeurs « déjantés » qui aimaient se lancer des défis et se faufiler partout à toute allure, bien souvent au détriment de leurs passagers. Au point qu’on fini par les surnommer « Diables Rouges »… A l’époque, le seul moyen de transport pour qui ne possédait pas de voiture. Aujourd’hui, modernisés, mis au goût du jour, ils continuent néanmoins d’afficher les délires, oniriques ou autres, de leurs équipages mais servent de plus en plus d’attraction touristique…

D’autant qu’on a construit un métro à Panama !!!

Et surtout les chauffeurs se sont calmés. On dit cependant que leurs jours sont comptés, ce qui n’aurait rien d’étonnant compte tenu d’une histoire ….assez chargée.

 

2. « El Interior »… pour voyageurs pas pressés!

Si se déplacer dans Panama-City en bus tenait du défi au bon sens, voyager dans « l’intérieur » supposait au contraire du temps, de la patience et un véhicule adapté. Les destinations ne manquaient pas dans ce pays si divers: des rivages du Chiriqui (aujourd’hui classées meilleurs « spots » de pêche au gros d’Amérique du Sud) aux pentes du grand volcan Baru à 3.475 mètres sur la frontière avec le Costa Rica ou aux jungles inexplorées du Darien. Jusqu’aux pistes infernales menant à Bocas del Toro, un dédale d’îlots paradisiaques sur la côte Atlantique. Paradisiaques, mais qu’il fallait mériter, avec au moins deux jours de voyage depuis la capitale quand aujourd’hui une petite heure d’avion vous y dépose près de bungalows sur pilotis « les pieds dans l’eau »…

Sur ces chemins « de mala muerte » comme devaient pester les soldats castillans étouffant dans leurs armures aux avant-postes de l’Empire, la modernité n’avait rien arrangé et il fallait parfois, du fait des multiples embarras de la route, presque autant de temps en automobile qu’au XVIème siècle à dos de mulet !…

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Mais l’intérieur de ce pays de collines verdoyantes recélait mille merveilleux petits villages et d’admirables petites églises baroques dont l’atmosphère me charmait.

 Mes notes de voyage:

 » A Pénonomé, en pays indien, un jour de fête. Sur la place devant l’église du XVI ème siècle blanchie à la chaux, s’alignent sous les toldos couverts de palmes les longues tables où on déguste tamales et autres empanadillas au coude à coude avec les guajiros affublés de leur drôle de petit chapeau relevé par devant. De l’autre côté de la table, les matrones préparent les plats sous vos yeux dans de grands poëlons de grès, un peu en retrait les jeune filles rapent légumes et maïs sur des « petates » de roche volcanique dont certains doivent remonter aux temps précolombiens. Au coin de la place, que traversent au pas de leurs petits chevaux nerveux les rancheros, une banda traditionnelle, sans doute venue de la ville, enchaîne les danses locales, tamboritos et cumbias. Les paysans se pressent autour. Impassibles en apparence malgré une musique qui vous prend aux jambes et les bouteilles de seco qui se vident. Etonnant manque de vie, comparé au balancement qui s’empare des métis et des noirs des villes dès que commence la musique. La mer de drôles de chapeaux relevés se fend pour laisser passer un fermier sur un grand cheval à selle cloûtée, aussi noir que son propre costume et son chapeau bordés à la mexicaine d’oeillets d’argent. Il porte un long fouet de cuir au manche gaîné du même métal. Sans doute quelque latifundero descendu se montrer en ville pour l’occasion. On s’écarte.

Les indiens, eux, sont venus à pied des hameaux et des plantations voisines, parfois à plusieurs heures de marche. Ils vendent au petit matin les produits de leur basse-cour, quelques totumas (calebasses), quelques chemises de coton tissé, passent là tout le jour à regarder en silence, repartent chargés des quelques outils ou ustensiles nécessaires à leur maigre vie dans les collines.

La journée s’étire, les bouteilles de bière vides s’accumulent à même le sol, par milliers. La musique s’essouffle, les paysans traînent ce qui semble un profond ennui. Quelques uns s’attarderont à la cantina, en beuveries qui souvent dégénèrent, libèrant une énergie jusqu’alors cachée. Le Lundi matin, les feuilles à sensation de Panama-City, méprisantes, relateront avec force détails les rixes de la journée sous des titres alléchants:  « De un machetazo le parte el corazon », photos grandguignolesques à l’appui.

Tout le nord de l’isthme possède de ces petites villes coloniales construites autour de leur église. On y parvient par des routes détrempées, encombrées, souvent bloquées par d’invraisemblables embouteillages. Rues droites de terre battue bordées de maisons basses à toits de tuile, peintes de couleurs vives, collées les unes aux autres en seul long bâtiment bariolé, l’avancée des toits permettant aux passants de marcher, sur un trottoir surélévé, à l’abri des orages tropicaux. Petit air de village « western  ».

Derrière les volets de bois à jalousie, pas de vitrages mais des rideaux de raffia. Le soir, après la pluie, on sort les chaises sur ce trottoir couvert, à la fraîche, pendant que les enfants jouent dans les flaques. De la cantina émane quelque musique étouffée, les buveurs cachés aux yeux du public vertueux, clergé sourcilleux oblige, par une porte en chicane. La vie est contrôlée par la Guardia Nacional et dirigée par les Jésuites espagnols et l’Opus Dei, tout puissants dans le pays. »

 

 

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3. « El Volcan », près du Costa-Rica.

Surprise, surprise: tout au Nord, le long de la frontière avec le Costa-Rica, le Panama recèle un trésor pour les amateurs de montagne, de marche, de nature foisonnante. Le volcan Baru (« El Volcan », pour les indigènes), atteint la respectable altitude de 3.475 mètres, ce qui ne peut surprendre quand sait que l’Amérique Centrale est constituée d’une chaîne quasi-ininterrompue de « montagnes de feu », dont la plupart est en éruption permanente. Sur les pentes d’El Volcan, on peut marcher des heuresEl_valle2 dans une fraîcheur qui délivre des touffeurs tropicales du reste du pays, au milieu de la luxuriante végétation tropicale de montagne et d’oiseaux merveilleux.

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4. « El Camino Real », la voie de l’or  !…

Au temps de la colonisation espagnole, du XIVème au XVIIIème siècles, l’or et l’argent extraits des mines du Pérou et de Bolivie devaient être acheminés jusqu’à la Castille. C’était là un des problèmes majeurs auquel se heurtaient les conquistadors dans leur exploitation de l’Amérique. Le convoyage en bateau par le Sud, à travers le détroit de Magellan ou par le Cap Horn étaient trop dangereux pour la navigation précaire des lourds galions, presque incapables de remonter au vent.

Les Espagnols choisirent donc de transporter leur butin vers le Nord. Les métaux précieux des mines de Potosi étaient amenés par le Pacifique des ports du Pérou jusqu’à Panama; ils étaient alors chargés à dos de mulet et traversaient l’isthme en suivant le cours du Rio Chagres (celui la même qui sera choisi plus tard pour le tracé du Canal) par le « Camino Real », une piste qu’on avait fait paver par les esclaves indiens. Parvenus sur le côté Atlantique de l’isthme, l’or et l’argent étaient stockés à Portobelo, ville fortifiée fondée par les Espagnols sur la côte caraïbe. De là, galions et caravelles l’embarquaient enfin pour l’Espagne. Les registres de la « Casa de Contratacion » qui gérait le Nouveau Monde depuis Séville, indiquent que 100 à 200 tonnes d’Or et d’argent passaient chaque année par le « Camino Real » et prenaient les galions vers l’Espagne.

On imagine aisément que Panama et Portobelo, lieux de stockage de si grandes quantités de métal précieux, ne pouvaient manquer d’exciter la convoitise. Ce fut là l’origine de l’établissement de colonies de corsaires et de pirates dans les Antilles.

La tactique habituelle était d’attendre le passage des galions au large de Cuba ou de Saint-Domingue et de leur fondre dessus par surprise à bord de navires plus petits et moins armés, mais rapides et très manoeuvrants : une bordée de canons, un abordage hurlant et le tour était joué.

Mes notes:

 » Nous sommes venus à Portobelo plonger sur les lieux de l’ancien Fort San Lorenzo, où Jean veut depuis longtemps faire une reconnaissance; il y aurait selon le Musée national, qui n’a pas les moyens de s’en occuper, un trésor sous à peine quelques mètres d’eau. Jean m’explique: Fort San Lorenzo est totalement isolé du reste du pays depuis plus de dix-huit ans, après que le pont sur le rio ait été emporté par une crue; même les autorités n’y vont pratiquement jamais. Le seul moyen d’y arriver est de s’embarquer à Colon dans un des petits bateaux de pêcheur qui longent la côte, pour un voyage de huit à dix heures que personne n’entreprend volontiers sur ce coin de mer toujours agitée.

Ou de faire comme ce malade de Jean, et se poser n’importe où avec sa machine volante. Un tour au ras des cocotiers pour chasser quelques chevaux qui traînent sur la petite piste défoncée qui longe la mer, et nous voila repartis pour un de ces atterrissages que trente ans plus tard, je n’ai toujours pas digérés. Arrêt cahotant, le nez quasiment sur un tronc de cocotier ; comme à son habitude l’ami Jean rit de son rire silencieux et comme d’habitude moi je me demande comment on fera pour redécoller.

Mais il y a mieux à faire pour l’instant et nous gagnons les murailles du fort, escortés par la moitié de la population du lieu, qui s’est aussitôt offerte pour transporter le matériel de ces deux fous tombés du ciel. Le village est tout petit, une trentaine de baraques de brique séchée et de tôle ondulée. Arrêt obligatoire a la « cantina », car il y en a une même dans ce trou, et palabre préliminaire. Les gens nous entourent; ce sont tous des noirs d’origine africaine, beaucoup de vieux, des femmes, des enfants. J’imagine que les hommes jeunes sont à la pêche. (…)

Et là, dans ce bout du bout du monde, à l’endroit où je m’y attends le moins, un très émouvant: nous entendant parler français, des vieillards se précipitent, nous sautent littéralement au cou, nous submergeant tous à la fois sous un sabir d’espagnol et de notre propre langue; et des questions qui reviennent: « Qui c’est, vous ? Qui c’est, vous? » Estomaqué d’entendre parler français, j’explique qui je suis; au mot « ambassade » l’un d’eux repart et revient à toute allure en brandissant triomphalement un document délavé. Emotion intense : il s’agit d’un passeport-sauf conduit délivré en 1912 à Monsieur Antoine Lemarié, fils d’Amédée, citoyen français !!! J’ai devant moi un descendant des ouvriers martiniquais importés dans l’isthme au début du siècle par De Lesseps pour la construction du Canal...Antoine, qui va sur ses 75 ans, a pieusement gardé le papier, et j’apprends que tous ces gens se considèrent toujours comme français, que les vieux, qui parlent encore notre langue -en l’écorchant outrageusement-, organisent toutes les semaines des « cours » pour la transmettre au plus jeunes; qu’on fête comme on peut le 14 Juillet, qu’on a une chorale en français….On me met en face d’une petite fille qui me récite « Dos pidgeons y s’aimaient d’amouw’ tend’we, l’un d’eux s’anuyait-t-au lodgiss »… Ces gens sont là depuis près de soixante dix ans, isolés et sans aucun contact avec leurs îles d’origine ni avec quoi que ce soit de francophone, et ils se sont accrochés à un mythe. Rentré à l‘ambassade, je signalerai leur existence et m’arrangerai pour qu’on leur envoie régulièrement de vieux journaux, des livres, quelques disques. Enfin, notre attaché culturel ayant obtenu du ministère les fonds nécessaires, on offrira à l’un d’entre eux un voyage aux Antilles, qui fût la grande affaire de sa vie.

Du fort lui même, il reste une porte monumentale et quelques courtines mangées par l’humidité du tropique, avec ça et là un canons de bronze vert de grisé. La vue est très belle sur la petite baie bien abritée où les galions étaient chargés par des cohortes d’esclaves indiens, surveillés de près par les reîtres espagnols suant sous la cuirasse et le morron.

Harnachés, nous nous mettons à l’eau avec des bouteilles au pied même des murailles. Le fond est assez trouble, nous sommes un peu sur la défensive, on aime bien voir loin dans ces eaux mal fréquentées. Après deux fois quarante cinq minutes de plongée, la durée de nos réserves d’air, nous sortons de l’eau avec trois pièces recueillies en fouillant avec peine dans une vase épaisse et grasse (la mienne, frappée au nom de Philippe V, me sera dérobée par une domestique plus tard au Brésil….) Il y donc réellement là un trésor qui sommeille, mais il faudrait une suceuse et des équipements de tamisage, donc beaucoup d’argent, pour le renflouer. »

 

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5.  Las Perlas: au paradis des pêcheurs…

(En souvenir de Jean Canavaggio, pêcheur d’exception, pilote audacieux et ami fidèle).

Je lis aujourd’hui que le Panama est un des hauts lieux mondiaux de la pêche au gros, notamment dans la Bahia de las Pinas et autour de l’ïle de Coïba. Les amateurs du monde entier s’y donnent rendez-vous pour des prises parfois phénoménales.

A l’époque de mon séjour, l’ïle de Coïba était un bagne politique interdit aux visiteurs et la baie de las Pinas, perdue vers le Sud près des côtes colombiennes, absolument hors d’atteinte pour le commun des mortels.

Mais il n’était pas besoin d’aller si loin pour trouver des pièces énormes comme le « pargo » dont il va être question un peu plus loin. L’archipel des Perlas, à quelques encablures à peine de Panama-City, offrait amplement de quoi satisfaire les plus exigeants (et fort rares) pêcheurs sous-marins. Je doute fort que ce soit encore le cas avec les hôtels et ports de plaisance qui ont défiguré ce paradis…

Nous y allions en « avioneta », c’est à dire avec un petit avion privé, celui d’un personnage pittoresque du Panama de l’époque, un Français établi là au lendemain de la seconde Guerre Mondiale, un homme remarquable dont j’ai eu la chance d’être l’ami. Jean Canavaggio aimait reconnaitre les coins poissonneux en volant avec sont Cessna au ras des vagues et posait son appareil avec maestria (et pas mal de culot) sur des bouts de terre battue vraiment bien courts à mon humble avis…Il n’avait pas d’égal pour transformer les arbalètes Champion (les meilleures de l’époque et qu’on faisait venir de France) en redoutables machines de guerre à quatre bandes au lieu de deux et pour dénicher les énormes « pargos » du tropique, c’est à dire des mérous géants colorés de rouge qui pullulaient dans les « patates » de corail. J’ai vu dans « La Estrella de Panama », le grand quotidien local, des photos de lui devant un pargo de quatre mètres de long, un monstre de plusieurs centaines de kilos.

 Mes notes de séjour, encore :

« Un jour, nous épinglons à deux un pargo d’au moins deux cent livres. Après une bataille sous-marine épique, nos flèches tordues comme de vulgaires fils de fer, emportés par la passion, nous l’achevons à coups de couteau dans les ouïes, les mains glissant sur la peau visqueuse du grand poisson, un véritable carnage avec des flots de sang dans l’eau. Grande imprudence: les requins commencent aussi sec à s’intéresser à l’affaire, et notre panga est restée à terre. Moi je laisserais volontiers tomber, mais Jean, devenu enragé, tient absolument à repartir avec sa prise. Nous tirons tant bien que mal l’animal sur un rocher à demi immergé, Jean arrive à en détacher les filets qu’il roule et attache à nos bouées. Encore un peu plus de sang. Nous nous remettons à l’eau en tirant notre butin, direction la côte, à grands coups de palmes pressés. Nous n’avons pas fait trente mètres que l’océan nous tombe sur la tête: un maelstrom nous met sens dessus dessous, il y a des requins partout, qui tirent, déchirent, arrachent comme des forcenés les quartiers de pargo vite en lambeaux. Heureusement, cela se passe à quinze mètres derrière nous, mais nous sommes attachés aux maudites bouées, secoués comme des pruniers…je ne fais ni une ni deux, je découpe à toute allure le câble qui me relie au maudit engin. Ce fanatique de Jean, lui, défend son bien et flanque un coup de harpon à un des « White Tippers » , lequel fait demi-tour et disparait vers le fond, emportant avec lui le fusil de Jean, arraché de ses mains, la ligne et la bouée avec les restes du fameux pargo. Les autres charmantes bestioles tournent à toute allure autour de nous, il y en a de toutes les tailles, c’est l’affolement général, à commencer par le nôtre: je reçois à deux reprises des coups énormes dans le dos, un ventre me passe littéralement au ras du nez. Quand, ayant probablement battu le record du monde de nage avec palmes, nous sortons de l’eau comme des diables, marchant pour aller plus vite sur un tapis d’oursins sans la moindre hésitation, Jean a perdu son harpon, sa bouée, moi la mienne, plus une palme et mon tuba, je ne sais pas encore comment. Mais nous avons gagné en échange une superbe collection d’épines d’oursins tropicaux, longues et urticantes, dont l’extraction douloureuse va nous occuper plusieurs jours. »

 

 

6. L’archipel des San Blas: au paradis tout court…

En regardant les documents actuels disponibles sur internet, j’ai l’impression que l’archipel des San Blas  est l’endroit du Panama le moins atteint par l’industrie touristique. Mais il ne faut bien sûr pas se fier aux photographes, qui s’arrangent toujours pour trouver l’angle le plus avantageux pour leurs clichés…

Il n’y avait qu’un moyen dans les années 1970 de se rendre dans l’archipel: le bateau. Pas de lignes régulières bien sûr, mais des embarcations de pêcheurs ou un des rarissimes yachts privés qui fréquentaient ce petit paradis. A l’ambassade, nous avions une connection avec un sympathique Américain retraité de la Compagnie du Canal connu sous le nom de « Jungle Jim ». Il était propriétaire d’un joli petit ketch d’une quinzaine de mètres basé à Panama -City et vous amenait, moyennant rémunération, à peu près où vous vouliez sur la côte atlantique.

Les indiens Kuna, habitants et propriétaires de l’archipel, sont des gens très intéressants, en fait le seul exemple en Amérique latine d’un passage non destructif de la société tribale à la société moderne. Ils sont issus d’une migration de leurs ancêtres depuis la province de Darien (Est de Panama) et du Nord de la Colombie jusqu’à l’archipel de San Blas. D’autres petits groupes Kuna vivent encore au Darien et en Colombie. En 1925, ils se sont révoltés contre le gouvernement central de Panama et ont obtenu un statut de territoire à autonomie interne qui leur permet notamment d’organiser leurs échanges commerciaux avec l’étranger, principalement la Colombie, et de gérer leur éducation. Ils alors ont élaboré un système politique de type occidental en créant une confédération constitutionnelle, reconnue par les lois panaméennes.

Cependant, les pratiques sociales sont restées très conservatrices : la base de l’organisation du ménage reste la famille matrilocale, les équipes de travail se font entre beaux-pères et beaux-fils, et l’habillement féminin reste traditionnel, et comporte encore, par exemple, le port d’un anneau nasal. Ce mélange de gestion moderne et traditionnelle a jusqu’ici préservés et ils ont pu conserver leur mode de vie.

En 1970, les Kuna étaient environ 25.000. Ils cultivaient le coprah pour le vendre à la Colombie voisine. On disait qu’ils avaient envoyé certains de leurs enfants, soigneusement choisis, à l’université de Panama pour y apprendre la gestion commerciale…

Les femmes Kuna fabriquent traditionnellement des mola, une sorte de sculpture sur tissus qui constituent les plastrons de leur vêtement traditionnel. Elles sont faites de plusieurs couches de tissus de couleurs différentes assemblés par couture puis découpés aux ciseaux, selon la technique dite de l’appliqué inversé, connue ne Europe depuis le XVI ème siècle et peut-être introduite par les colons espagnols aux Amériques. Ces dessins sont souvent inspirés de la nature ou des légendes Kuna. Les femmes sont seules autorisées à produire et à commercialiser, à leur seul profit, ces pièces, dont les anciennes sont recherchées par les collectionneurs.

 

 

7. Le « Tapon » (bouchon) du Darien: la route fantôme…

https://fr.wikipedia.org/wiki/Route_panaméricaine#Panama

En 1960, l’Organisation Inter-américaine accordait une forte subvention au Panama pour la construction du tronçon final de la « Route Interaméricaine » qui devait relier l’Alaska à la Terre de Feu. Les crédits s’évaporèrent dans le brouillard de la politique locale et finirent en pots de vin et autres mystères du tropique de sorte que pas un kilomètre de goudron ne vit le jour.

Plus récemment, les édiles panaméens se sont repris et ont enfin commencé la mise en oeuvre du projet. Un premier tronçon a été terminé, mais les suivants devraient traverser des territoires dévolus aux tribus indiennes et des systèmes écologiques fragiles: les voilà suspendus jusqu’à une date inconnue…

A l’époque de mon séjour, nous avions avec quelques compagnons tenté une petite expédition en pirogue vers la Colombie. A l’époque, on allait en bus de brousse de Panam-City à Yaviza, le dernier village au bout de la route panaméricaine, on y affrétait un piroguier qui allait vous amener plus haut sur le Rio Bayano et calculait son tarif en jours de navigation. Il fallait apporter tout son matériel de couchage, sa nourriture et son eau potable. On y ajoutait au moins un fusil, non pour la chasse, mais en guise de dissuasion contre les « bandidos cimarrones». C’étaient des descendants d’esclaves Noirs échappés ( en français: « nègres marrons ») qui s’étaient établis dans cette partie de jungle  et de marécages assez impénétrables entre Colombie et Panama à la fin du XIXème siècle. Ils s’étaient organisés en groupes solides, avaient même été assez puissants pour mener des expéditions armées contre des postes militaires des deux pays et étaient encore redoutés.

Notre « expédition » tourna donc très vite à la simple promenade dominicale devant le  refus obstiné de la Guardia Nacional au premier poste de contrôle; pas question de laisser ces jeunes fous de « gringos » s’aventurer plus haut que le dernier village Kuna. lesquels étaient en train de refaire le toit de leurs huttes et nous réservèrent un accueil assez froid…

Je dois à la vérité de dire qu’au fond, nous ne fûmes pas vraiment mécontents de. cet échec: après trois jours de pirogue et trois nuits dans nos hamacs de jungle de l’US Army, sortes de sarcophages étouffants en caoutchouc destinés à se protéger des moustiques, nous n’en pouvions plus. Une poignée de dollars aurait certainement pu nous aider à endormir la vigilance des miliciens: c’est généralement le cas en Amérique latine, comme je pus le constater des années plus tard en Equateur ou au Brésil. Mais nous prîmes prétexte de la présence de l’épouse d’un d’entre nous pour reprendre en sens inverse le chemin du retour et de nos appartements. climatisés.

Nous avions cependant rencontré des villageois intéressants, en particulier une femme « Kuna de Tierra firme » (voir photo) arborant un extraordinaire pectoral de pièces de monnaie espagnole anciennes, dont des doublons d’or, que nous dûmes bien entendu nous contenter de photographier…en échange d’une serviette de bain dont elle avait apprécié les couleurs. Mais mission accomplie, nous rentrâmes à Panama-City munis des preuves photographiques de nos aventures sous le tropique.

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Aujourd’hui, on a construit un barrage hydroélectrique sur le Rio Bayano, on a créé un lac avec un port de plaisance, des agences vous amènent faire des excursions de pêche à la « corvina » ou visiter des grottes…Bref, le progrès fait rage.

8. Au coeur des choses, le Canal et la toute puissante « Canal Zone »…

Un navire allant de New-York à San Francisco par le canal parcourt 9 500 kilomètres, moins de la moitié des 22 500 kilomètres du voyage par le cap Horn.

Pour tout dire, la Canal et la Canal Zone étaient la principale raison pour laquelle nombre de pays entretenaient une ambassade dans ce coin perdu de tropique.

Le Canal était le rouage essentiel de la forte présence américaine dans l’hémisphère sud et l’objet de toutes les attentions par ses « usagers », dont la France. Les USA en tiraient de très substantiels bénéfices qui finançaient en partie leur présence politique et militaire du Mexique à la Terre de Feu. La « Zone du Canal », qui s’étendait sur plusieurs kilomètres de part et d’autres de la voie d’eau internationale, abritait le « Southern Command » d’où Washington surveillait et contrôlait (plus ou moins selon les époques) la vie politique et militaire du sous-continent. C’est là qu’on entraînait dans la jungle les militaires américains ou sud-américains chargés de contrer sur le terrain les tentatives incessantes d’intrusion directes ou indirectes de l’URSS ou de Cuba dans « l’arrière-cour » des USA. C’est là qu’on prépara entre autres (mais apparemment fort mal) les volontaires cubains en exil qui devaient renverser Fidel Castro et finirent à la Baie des Cochons…

Nous, Français, étions de ceux pour qui ce Canal comptait beaucoup car nous y faisions transiter entre Atlantique et Pacifique nos navires militaires chargés de poursuivre nos expériences nucléaires dans le Pacifique-Sud: dans les cales, pièces de rechange, matériel secret et probablement matières fissiles gagnaient les lieux des expériences françaises, expériences que tous ne voyaient pas du tout d’un bon oeil, tant nos alliés européens qu’américains que -a fortiori, nos adversaires Russes…

Le canal permettait de rallier Mururoa sans faire le tour du Cap Horn, et notre ambassade était chargée de relayer à nos navires fonds, messages et instructions  » de la main à la main »  quand ils arrivaient de France.

Comme nous n’étions que quatre agents dont seulement trois habilités, j’en ai convoyé plus d’une fois en grimpant , de nuit comme de jour, les échelles de coupée de nombreux navires dont bien entendu la fameuse « Jeanne d’Arc ».

– La « Canal Zone » a influencé les destinées du Panama mais aussi de toute l’Amérique latine de 1905 à 2000, c’est à dire pendant près d’un siècle. Autant dire que son importance fut hautement stratégique. Ce n’était pourtant qu’une assez mince bande de terre de 16 milles , mais entièrement contrôlée par les Etats-Unis au nom du traité de 1903. Ceux-ci y avaient installé, au fil du temps, plusieurs bases navales, ,aériennes et de l’armée de terre.

Et qu’elle le demeure, alors que le Canal est désormais régi par une compagnie chinoise…

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Bien qu’ils doivent aux Etats-Unis l’existence même de leur pays, qui fut, on l’a vu, taillé « sur mesure » dans une province colombienne, autour du canal, les Panaméens voulurent très vite « récupérer » et exploiter à leur profit le canal qu’ils n’avaient ni financé ni  construit et qu’ils avaient par traité donné aux USA à titre perpétuel: la nature humaine est ainsi faite…

Tout au long des 99 ans que dura le mandat américain sur la Zone, des agitateurs  « nationalistes » poussés en sous-main par les politiciens opportunistes de la capitale et l’URSS organisèrent à intervalle réguliers des tentatives de soulèvement et même, une fois, un semblant de guerrilla qui n’eût pas de suite.

Mais les USA tinrent bon car l’enjeu militaire était pour eux majeur: la facilité de faire passer leurs flottes de guerre d’un océan à l’autre, ce dont la guerre avec le Japon démontra vite l’intérêt.  L’enjeu  économique n’était pas non plus négligeable, avec les revenus qu’engendrait le Canal. S’y ajouta assez vite, au lendemain de la seconde Guerre Mondiale, la nécessité de déjouer les innombrables tentatives de Moscou, qui, s’appuyant sur le Cuba de Castro, multipliait les tentatives de déstabilisation en Amérique du Sud et Amérique Centrale, zones que les USA considéraient à juste titre comme leur intouchable arrière-cour stratégique.

La Canal Zone devint donc dès les années 1950 un atout majeur dans cette vaste partie du chat et de la souris entre les deux super-puissances: on y entraînait les Special Forces et les Marines à la guerre de jungle, on y formait à l’anti-guérilla les spécialistes sud-américains des pays alliés des Etats-Unis. On y entretenait  plusieurs bases aériennes, deux bases navales, des commandos, des services spéciaux et bien d’autres moyens de lutte anti-subversive. On y entraîna même les astronautes américains comme John Glenn qui prirent part à la première expédition vers la Lune…

Bien entendu, la gauche du monde entier hurlait d’une seule voix  contre Washington, qui n’en avait cure compte tenu de l’importance des enjeux. C’est donc dans la Canal Zone que furent préparées des opérations comme celles de la Baie des Cochons, la reprise du Chili aux forces marxistes d’Allende, les contre-guerrillas au Nicaragua, au Guatemala, etc…sans compter la lutte quotidienne face aux réseaux terroristes du sous-continent telles que le Sentier Lumineux du Pérou ou les Farc de Colombie.

C’est au président Jimmy Carter, connu pour ses prises de décisions fortement teintées d’idéologie, qu’on doit la fin de la présence américaine dans la Canal Zone. En 1977, il signa  l’accord Torrijos-Carter de dévolution du Canal à la République de Panama.

Un an auparavant, le Gouverneur de Californie Ronald Reagan, futur Président, avait pris de son côté une position bien différente:

 » Well, the Canal Zone is not a colonial possession. It is not a long-term lease. It is sovereign United States Territory every bit the same as Alaska and all the states that were carved from the Louisiana Purchase…We bought it, we paid for it, we built it, and we intend to keep it. »

Chaque politicien agit selon sa conscience…ou son idéologie.

Aujourd’hui, les perspectives ne sont pas forcément très encourageantes: ainsi l’exemple de la dictature marxisante vénézuélienne, qui se rapproche actuellement de Pékin. N’oublions pas non plus qu’une crise majeure comme celle des missiles de Cuba en 1962 peut toujours être tentante pour une puissance à vocation maritime comme l’est devenue la Chine. Une Chine qui se positionne fortement dans le Pacifique ( à partir des îlots annexées récemment de la Mer de Chine du Sud) et dont on ne devrait pas oublier l qu’elle cherche le contrôle de points de transit stratégiques dans le monde entier: elle vient d’ouvrir une base militaire à Djibouti, tout près du détroit d’Ormuz et a acquis à travers sa compagnie Hutchison Port Holding le « management » de ports stratégiques en Argentine, aux Bahamas, Mexique, Hong Kong, Indonésie, Corée, Malaisie, Myanmar, Pakistan, Thailande, Vietnam, Australie, Belgique, Allemagne, Italie, Pologne, Espagne, Suède, Pays-Bas, Grande-Bretagne, Egypte, Oman, Arabie Saoudite, Tanzanie et UAE.On peut donc se demander si les USA ne regretteront pas un jour la décision « généreuse »  de Jimmy Carter. En matière de géopolitique, rien n’est plus dangereux que l’idéologie.

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10. Rio Verde, la maison sur la falaise:

Mais revenons à nos souvenirs, bien plus sympathiques. Nous n’étions que quatre jeunes gens envoyés par le Ministère des Affaires étrangères au Panama. Trois étaient enseignants à l’Université, j’étais comme je l’ai dit attaché de presse à l’ambassade. Nous avions trouvé notre petit coin de paradis rien qu’à nous au nord de la capitale pour y passer les week-end où nous n’étions pas à courir les routes ou en pirogue sur les rivières…

« Laissant sur la route principale les petits vendeurs de chicha qui attendent tout le jour le passage d’un véhicule, étendus dans la fraîcheur relative d’un fossé sous leur chapeau de paille, on quittait l’ Interaméricaine à hauteur de Rio Verde pour une piste qui piquait droit à l’ouest vers la mer. Sur une falaise déserte, apparaissait bientôt la maison entourée de flamboyants et de champs d’ananas. C’était la « maison de plage » que nous, les pauvres coopérants, avions tout de même les moyens de louer à l’année à un médecin local encore plus désargenté que nous parce qu’honnête. C’était une petite « finca » pour les fins de semaine, une construction carrée sans grand confort, murs de parpaings et toit de tôle ondulée, bordée sur tout son pourtour d’une véranda où s’accrochaient les hamacs de la sieste. Un peu à l’écart, une rangée de bidons formaient réservoir et douche. Pour l’eau potable, on devait aller au puits tirer sur l’antique pompe.

Mais de partout, une vue extraordinaire à 180 degrés surplombait des kilomètres de plage déserte.

Un escalier taillé dans la falaise descendait à travers les bananiers jusqu’au sable très blanc et très fin, brûlant sous le pied. A droite et à gauche, à perte de vue, des palétuviers le long du rivage immense et désert; le plus proche village abritait quelques cahuttes de pêcheurs à vingt minutes vers le nord en suivant la plage.

Droit devant, à quelques encablures, une île rocailleuse et déserte où personne n’ira jamais pour cause de requins, et le spectacle des escouades de pélicans plongeant dans l’océan de hauteurs vertigineuses, réapparaissant incroyablement plus loin, une prise argentée dans la besace sous leur long bec. Spectacle inlassablement contemplé, à l’abri du toldo de palmes érigé au bord de la falaise.

A Rio Verde, la journée passe en baignades, lectures, observation des oiseaux, promenades vers nos voisins les pêcheurs qui pour une poignée de dollars vont nous vendre des orgies de langoustes et de poissons à griller.

Le meilleur est le bain du soir. Quand le soleil disparaît dans le Pacifique, la lumière subsiste pendant encore une bonne heure; c’est le moment où les vêtements tombent et, nu, on se laisse glisser dans la tiédeur de l’eau bleue, goûtant le silence immense, rythmé à peine par le discret ressac de cet océan calme. Parfois une brise légère fait frissonner d’aise la peau nue et tendue par le sel; chacun savoure en silence et pour lui même. Apaisé par la caresse de l’eau, je m’étends les bras sous la tête dans un hamac, bien calé dans la toile qui épouse le corps, doucement bercé; les yeux s’entrouvrent, deux oiseaux mouches tournoient un instant autour d’un hibiscus, refermer les yeux, un soupir d’aise. Dure façon de passer son service militaire…. Heure précieuse et éphémère, prolongée à souhait, avant que les moustiques ne viennent saluer de leur musique nos lumignons à gaz. Nous dînons le plus souvent en bas sur la plage, autour d’un feu nourri des bois nombreux que charrie l’océan. Ni radio ni lecture, parfois un peu de ma guitare, les soirées sont de conversations a mi voix sous l’immensité de la voie lactée. Nous sommes quatre compères, heureux de profiter égoïstement de notre thébaïde. Daignant parfois y admettre quelque étranger, surtout s’il s’agit d’une étrangère. Avec des succès divers: un beau soir, nous avons organisé avec bien des arrières pensées une « petite fête » et réussi à entraîner (rude tâche dans ce pays pudibond ) quelques demoiselles jusqu’à notre repaire. Commis aux boissons, j’ai préparé des litres de ponch et de sangria, mais en forçant peut-être un peu trop sur les proportions. Barbecue, libations, guitare, danse – et nous espérons beaucoup plus. Mais aucun des invité(e)s n’arrivera à remonter l’escalier de la falaise jusqu’à la maison et nous nous réveillons tous le lendemain le nez dans le sable, nos intentions dragueuses enfouies sous un sérieux mal de crâne. »

 

 

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 11. Le marquage des bêtes…

Une série de clichés pris sur le vif du travail des « cow-boys » panaméens, bien moins exaltant que ce qu’on nous montre au cinéma.

Des amis de la bonne société locale possédaient dans « l’interior » une « finca » (ferme) d’élevage où ils m’emmenèrent un jour assister au marquage de leurs vaches et du grand buffle blanc reproducteur qui assurait la relève…

J’eus droit à une scène étrange où personne ne se souciait, dans la chaleur écrasante, de bousculer les bêtes et où les animaux eux-mêmes n’essayaient même pas de lutter vraiment pour éviter la morsure du fer à marquer. Un western au ralenti, en quelque sorte…

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12. La foi du charbonnier…

On ne peut  dissocier l’Amérique latine de la pratique religieuse et de l’influence des églises, même si le catholicisme n’a plus forcément aujourd’hui son influence traditionnelle (ce sont  en effet les évangélistes qui, sous l’influence anglo-saxonne, semblent se développer à présent le plus vite dans les campagnes, j’ai eu l’occasion de le constater de visu en Equateur dans les années 2000). Mais un demi-siècle en arrière, l’église catholique tenait une place essentielle. Au Panama, le patrimoine religieux était ancien, considérable compte tenu de la petite taille du pays, le clergé nombreux et très écouté.

J’ai le souvenir de deux anecdotes qui illustrent le poids de la religion dans la vie quotidienne, sociale et politique: je m’étais lié d’amitié avec une famille de la bonne société dont au demeurant la fille ne me laissait pas indifférent. On m’invita un jour à la messe dominicale, signe d’appréciation non négligeable dans ces milieux, car la famille avait son banc à l’église et l’apparition d’un jeune étranger à ce banc ne passerait pas inaperçue du « beau monde » local. Agnostique et ne souhaitant pas m’afficher, je déclinai poliment .

La réaction attristée de la mère de famille fut immédiate :  » Tu ne vas pas à la messe? Mais alors, tu es communiste ? »

L’autre anecdote concerne un pays voisin, le Guatemala, à la même époque: lors de la Semaine Sainte, les curés de quelques paroisses de « l’interior » local organisaient la Passion du Christ en dimension réelle avec le concours de leurs villageois. On déguisait certains en soldats romains, d’autres en Philistins, il y avait un Judas et un Ponce Pilate, les deux voleurs, etc… et bien sûr un jeune homme du village prenait la place du Christ, subissait (en douceur) le fouet, était jugé, condamné, puis parcourait le chemin de croix jusqu’au sommet d’une colline ; là, on l’attachait à la croix avec des cordes, le tout dans la ferveur générale, les pleurs des…pleureuses, les prières et lamentations, sous la haute direction du curé du village.

Mais voilà qu’au cours d’une de ces reconstitutions populaires, emportés par la ferveur, ou l’élan, ou la folie d’une foule, allez donc savoir, les esprits s’échauffèrent au point que le malheureux fut non pas attaché…mais cloué au bois du supplice. Il n’en mourut pas, et l’affaire ayant été mise sous le boisseau, je n’ai jamais su exactement comment les responsables du coin avait pu ainsi se laisser dépasser par les évènements.

Et pour terminer, CARNAVAL !!!!…

Incontournable en Amérique latine, le carnaval ! Celui-là était à la mesure d’un petit pays d’un million et demi d’habitants, souvent organisé avec les moyens du bord, « familial », mais le coeur y était…A présent que le Panama a fait fortune, les choses ont bien changé: on veut se donner des airs de Rio…Mais ceci est une autre histoire, qui ne me concerne plus.

 

 

************************************************************************************

Et voilà. C’était il y a presque cinquante ans…Je referme ma nostalgie et ma boite de vieilles photos. En espérant que tout cela vous aura donné envie d’aller voir ce petit pays séduisant par sa diversité géographique et son patrimoine culturel. Mais attention ! Il ne ressemble plus beaucoup à ce que vous venez de voir. De tous les pays où j’ai vécu, et il y en a une douzaine, le Panama est en effet celui qui a connu la plus spectaculaire transformation au cours des cinquante dernières années.

La preuve ? Une photo de Panama-City aujourd’hui:

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Mais que cela ne vos décourage pas: Panama a toujours de quoi très largement satisfaire vos envies d’exotisme !

Quelques sites pour plus de détails:

http://www.sagapanama.fr   (L’excellent blog d’un français du Panama).

http://www.axl.cefan.ulaval.ca/amsudant/panama.htm

https://www.paxnouvelles.com/nouvelles/archives/article/43514

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