L’arrogance des terroristes du politiquement correct et du climatiquement moral prend des proportions inacceptables. Nos soi-disant élites se rendent coupables d’une n-ième trahison des clercs en apportant soutien et publicité à des manoeuvres d’intimidation et de basse propagande.
La problématique de l’environnement n’est pas, de toutes façons, seulement entre les mains de l’Occident.
Tout ceci pue la décadence…
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«Greta Thunberg: quand l’écologie préfère le culte de l’indignation à la science»
Par Olivier Babeau
TRIBUNE – La fascination qu’exerce la jeune militante est symptomatique d’une société fondée sur l’émotion, qui ne prête plus attention aux discours scientifiques, analyse Olivier Babeau, président de l’Institut Sapiens. L’urgence climatique mérite mieux que ces discours apocalyptiques.
Personne ne pourra échapper à l’image de cette jeune fille qui vient faire la leçon à un aréopage de parlementaires contrits. Greta Thunberg promène son courroux sur toutes les estrades où l’on veut bien d’elle. Certains voient, derrière la dérangeante inexpressivité de son regard, la colère salutaire d’une génération venant réveiller les adultes. Osons, tant qu’il est encore possible, le blasphème écologique d’une critique.
Invitée d’honneur des questions au gouvernement à l’Assemblée nationale, cette jeune militante est d’abord le symbole d’un pays où l’émotion prend le pas sur la raison. Étrange époque que la nôtre où l’on reçoit en chef d’État une adolescente répétant les mantras que des adultes manipulateurs lui ont glissés. La ferveur quasi religieuse entourant cette prophétesse de la fin du monde est l’autre face d’une société qui est devenue, sous l’effet des réseaux sociaux, une sorte de théâtre hystérique enchaînant bûchers des vanités, tribunaux révolutionnaires et exécutions rituelles.
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Les psychoses collectives comme celle sur le tritium dans l’eau (rumeur d’une supposée contamination radioactive de l’eau, en réalité bien en deçà des seuils autorisés) prospèrent sur un terreau d’ignorance et de communications biaisées des médias. L’ère de l’info-divertissement est logiquement celle où l’esthétique d’une idée pèse beaucoup plus que son exactitude. Une nouvelle doit impressionner, et même choquer. L’excès est ce qui plaît, car l’audience est à la clef.
Vivre dans un environnement dont la biodiversité est préservée, respecter les autres formes de vie, minimiser les rejets nocifs: tout le monde s’accorde désormais sur ces objectifs de bon sens. Mais la réalité des enjeux et des mécanismes écologiques est incroyablement complexe. Les facteurs sont nombreux et les contraintes infinies. Les oracles comminatoires de celle qu’on serait tenté d’appeler Notre Dame de l’indignation ont le mérite de l’extrême simplicité: «Nous exigeons de diviser au minimum par quatre notre consommation énergétique d’ici à 2050, une transition vers 100 % d’énergies renouvelables produites de manière décentralisée et la fin du nucléaire pour 2030». Ils flattent ceux qui ont du mal à penser cette complexité et se contentent d’idées à la séduction facile mais en pratique inopérantes, voire catastrophiques.
Le succès de Greta Thunberg exprime aussi la faiblesse d’un vieil Occident cultivant l’autodépréciation avec passion. On pense à la fable de La Fontaine Les Animaux malades de la peste: le pauvre baudet est probablement le plus innocent de tous, mais il est le seul à reconnaître ses fautes. Haro sur lui donc. Les fleuves de plastique ne viennent pas de chez nous, mais d’endroits sur terre où les systèmes de collecte et de traitement des déchets n’ont pas l’efficacité des nôtres. Quant aux émissions de gaz à effet de serre, la France n’en représente que 1 %, mais il est plus facile d’administrer ses imprécations à un peuple masochiste qu’à une Chine moins encline à boire goulûment les insultes jusqu’à la lie.
La troisième clé de lecture de l’intérêt déclenché par la jeune Suédoise est politique. L’écologie a subi une double confiscation. Une extrême gauche en mal de crédibilité y a vu le moyen de justifier son combat contre la liberté et le marché. Constitués en efficaces lobbys, des industriels souhaitant vendre leurs solutions «vertes» ont rejoint le mouvement. Ensemble, ils ne reculent devant aucune manipulation pour effrayer les populations, assurer que la fin du monde est imminente, instrumentaliser des enfants, fanatiser des jeunes influençables par une propagande incessante. Ils martèlent à l’envi sur les plateaux ce qui est leur postulat premier: le libre-échange, la consommation démocratisée, le confort pour le plus grand nombre ne seraient tout simplement pas compatibles avec l’écologie.
Abusés par une communication millimétrée où les bilans carbone désastreux des pseudo-solutions miracles telles que les éoliennes sont soigneusement cachés, la plupart des gens ne se rendent pas compte que le but de tant de discours alarmistes est tout simplement de justifier une dictature. Un vieux projet badigeonné de chlorophylle. Il serait urgent, selon les zélotes de la décroissance, de réduire à presque rien sa consommation énergétique, de vivre chichement et de revenir à une économie de subsistance fondée sur des circuits courts. Dans le monde idéal qu’ils dessinent, les voyages en avion seront réservés aux apparatchiks du parti vert, chacun aura son propre potager pour vivre en autosubsistance et nous porterons des habits en toile de jute. Une perspective qu’on a le droit de trouver peu réjouissante, d’autant plus que la décroissance ne peut qu’être en même temps, par définition, un mouvement réprimant l’innovation et limitant la recherche scientifique.
Plutôt que de se prosterner naïvement devant l’égérie des «effondristes», notre Parlement devrait résonner des discours des meilleurs scientifiques et faire de ces derniers leurs conseillers permanents. Nos gouvernants devraient déclarer l’état d’urgence scientifique pour mieux répondre aux défis climatiques et transformer notre pays en fourmilière de chercheurs attirant les meilleurs cerveaux du monde. Nous n’avons pas besoin d’un nouveau culte de Gaïa mais de solutions efficaces pour maîtriser nos pollutions et de pilotage pragmatique pour accomplir la transition vers une économie décarbonée.
Chaque époque a les modèles qu’elle peut. C’est dans la salle Victor-Hugo que la jeune Suédoise sera reçue. L’illustre poète, au XIXe siècle, avait été un formidable héraut de la cause du peuple et de la République. En ce début de siècle, c’est une jeune fille en rupture d’école qu’on présente à l’admiration des foules. Difficile de penser que l’on gagne au change. «Malheur à toi, dit l’Ecclésiaste, pays dont le prince est un enfant.»
* Essayiste, il a notamment publié Éloge de l’hypocrisie, Éditions du Cerf (2018).