Par Camille Vigogne Le Coat, publié le 23/10/2020 – L’EXPRESS

Pour la droite et l’extrême droite, le projet d’Emmanuel Macron visant à renforcer l’enseignement de l’arabe à l’école est devenu indéfendable.
« Ils décapitent nos professeurs. Nous, on va enseigner l’arabe. » L’attaque est venue de Robert Ménard, le maire de Béziers, proche du Rassemblement national, quelques heures à peine après l’annonce de la décapitation de Samuel Paty devant son collège de Conflans-Sainte-Honorine (Yvelines), vendredi 16 octobre. Deux jours plus tard, son constat était partagé par le député Les Républicains (LR) Éric Ciotti. « Quand je vois que la principale mesure du texte sur le séparatisme est la promotion de l’enseignement de l’arabe à l’école, je crois rêver ! », s’est exclamé dans le JDD ce spécialiste des questions de sécurité. Droite et extrême droite font ici référence à la mesure défendue par Emmanuel Macron, le 2 octobre, lors de son discours des Mureaux (Yvelines). Le président de la République présentait les grandes lignes du futur projet de loi contre les séparatismes, qui doit être présenté le 9 décembre en conseil des ministres. Selon le chef de l’Etat, enseigner l’arabe à l’école, « dans un périscolaire que nous maîtrisons », permettrait de limiter son apprentissage dans les mosquées, et donc les risques de radicalisation. « Quand nous n’enseignons pas [l’arabe] à l’école, nous acceptons que plus de 60 000 jeunes aillent l’apprendre dans des associations pour le pire et qui sont manipulés », a-t-il expliqué.
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La mesure a immédiatement suscité les critiques de l’opposition. L’idée est jugée « ridicule » par l’ancien ministre de l’éducation Luc Ferry, ou considérée comme « une lâcheté et une faute » par le député LR Aurélien Pradié. « Favoriser l’apprentissage de l’arabe, en focalisant qui plus est cet apprentissage dans certains quartiers spécifiques, cela revient à enfermer des enfants dans leurs prétendues « origines ». C’est le contraire de la République ! », disait alors le secrétaire général du parti Les Républicains dans L’Express. Les protestations ont redoublé depuis l’attentat ayant visé le professeur d’histoire-géographie. « Déjà, avant la décapitation, cette proposition était à côté de la plaque. Alors aujourd’hui, faire de cette mesure une réponse au mal-être de la société, c’est vivre hors sol ! », ne décolère pas Robert Ménard. Une analyse partagée par François Fillon, qui dans son interview à L’Express affirme : « Le contexte d’urgence justifie que l’enseignement de l’arabe ne soit pas une priorité de l’école publique. » L’ex-ministre de l’Intérieur Brice Hortefeux résume : « Nous considérons à l’unanimité que ce n’est pas la bonne direction : la langue française est le premier sujet d’intégration. L’attentat vient seulement confirmer les choses. »
Pour le gouvernement, « une mesure annexe »
La proposition d’Emmanuel Macron reste-t-elle d’actualité dans le climat d’émotion et de colère qui a envahi le pays ? « Il n’y a pas de débat », affirme à L’Express le ministère de l’Intérieur, tout en précisant que cette « mesure annexe » ne figurera pas dans le projet de loi sur les séparatismes, mais dépend du ministère de l’éducation nationale. A l’Elysée, on estime qu’il est difficile « de répondre par oui ou par non » à la question de savoir si la mesure reste prioritaire. « Des réunions ont lieu très régulièrement sur ces sujets : l’arsenal de mesures est à prendre dans sa globalité », élude un proche d’Emmanuel Macron, pas très à l’aise sur cette question.
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