Ce qu’Emmanuel Macron dissimule de la réalité du macronisme derrière sa stratégie de communication tous azimuts

« ET EN MÊME TEMPS »

Les déclarations politiques et la stratégie d’Emmanuel Macron fluctuent souvent d’un entretien à l’autre et en fonction des médias auxquels le président de la République s’adresse.

La récente vidéo avec McFly et Carlito, à destination des jeunes, participe également à la segmentation des publics auxquels le chef de l’Etat s’adresse.

Emmanuel Macron cherche-t-il à offrir finalement à chacun ce qu’il veut entendre ?

Arnaud Benedetti. ATLANTICO. 31 mai 2021

Atlantico : Un jour dans la presse Emmanuel Macron tape du point sur la table à propos de la sécurité puis une semaine plus tard, on le retrouve en « influenceur » avec McFly et Carlito. En segmentant les publics auxquels il s’adresse dans la presse, Emmanuel Macron cherche-t-il à offrir finalement à chacun ce qu’il veut entendre ?

Arnaud Benedetti : Il veut envelopper le spectre en développant une stratégie du tout-marketing. À chaque segment, son discours, quitte à se contredire, mais ce risque de contradictions il le gage sur l’amnésie des opinions dévorées par la culture de l’immédiateté qui est le contexte naturel de la société de consommation. Il n’entend pas nourrir un discours argumenté avec ses articulations, ses cohérences, ses zones de recouvrement mais il abonde en affects, en émotions pour s’attacher au gré de la conjoncture l’adhésion d’une catégorie donnée.

Le macronisme est d’abord une théâtrocratie. Le fil de sa communication consiste à produire un personnage qui intériorise pour chaque scène les attentes de son public. Ce laboratoire vise à fabriquer des impressions qui se déposent ainsi dans le système de convictions propre à chacun d’entre nous et pour que chacun s’y retrouve. Ce nomadisme communicant ne cherche pas tant à convaincre qu’à séduire.

Emmanuel Macron promeut une vison de la société qui correspond à celle d’une sociologie spécifique (cadres supérieurs, professions libérales, résidents des grandes métropoles , seniors des CSP plus) mais qui ne capte qu’une part du marché électoral.

Pour se maintenir au pouvoir, il doit aller au-delà de cette zone de chalandise et le meilleur moyen de forer dans d’autres couches reste un usage circonstancié du marketing pour couvrir plus largement au-delà de celles et ceux qui ont directement intérêt à voter pour lui.

Cette communication « don-juanesque » ne se soucie pas de la logique ; elle privilégie une empathie sur-jouée, notamment à l’adresse des jeunes dont le Président surinvestit les codes de manière quasi-publicitaire: il ne désespère pas de les convertir électoralement mais s’en sert également comme des prescripteurs susceptibles de créer un halo, une atmosphère favorable autour de sa personnalité. 

Après quatre années de présidence, est-on capable, à travers les différentes interviews d’Emmanuel Macron de déterminer quelle est son opinion tranchée sur les sujets qu’il aborde ?

Macron est techno-libéral. C’est-à-dire qu’il pense la politique en technicien et qu’il ne conserve du libéralisme que la dimension économique, même si la crise sanitaire a détricoté une large part de son corpus idéologique. Il n’a pas renoncé à cette conception, mais il s’adapte à la situation et à ses effets.

Une fois réélu, il réinitialisera son logiciel originel; tout au moins s’efforcera-t-il d’y procéder. Sa ligne de fond, qui n’est pas fondamentalement différente de celle de ses prédécesseurs, n’est autre que l’acculturation de la France à la globalisation. Il espère se maintenir au pouvoir en utilisant les ressources de l’Etat-Providence qu’exige la crise sanitaire, s’il veut amortir les conséquences économiques et sociales de la pandémie; mais son projet demeure. Sa réélection éventuelle sera l’occasion de le réactiver. Dans l’attente, comme à son habitude, il use de la com’ comme d’un instrument de diversion pour se recréer une image passablement abîmée après un quinquennat où il a plus subi que dominer les événements.

Au-delà du « en même temps » qui semble toujours le caractériser, Emmanuel Macron a-t-il une réelle et constante personnalité politique ou n’est il qu’un produit marketing ?

Il est le produit des élites dominantes de son temps.

Sa relation au national, à ce qui fait nation est toute d’ambiguïtés.

Les rares fois où il prend position pour la solidité de notre imaginaire, lorsqu’il refuse par exemple le déboulonnage des statues ou qu’il finit à l’arrache par commémorer Napoléon, il s’y range parce qu’il est pressé par les courants profonds de la majorité culturelle de droite dont il a compris qu’elle lui était indispensable pour asseoir son pouvoir.

Néanmoins lorsqu’il est à l’étranger ou qu’il s’adresse à des médias étrangers, loin de porter haut et fort, il ironise (« les gaulois réfractaires ») , il se repent (au Rwanda encore récemment ou en Algérie durant la campagne présidentielle de 2017 où il assimile la présence française à un « crime contre l’humanité »), il entend déconstruire l’histoire comme il le professe devant CBS…

Les premières paroles sont souvent, hélas, les bonnes. Lorsqu’en pleine compétition électorale en 2017, il assène qu’il n’existe pas de culture française, son inconscient parle.

Il déploie une vision irénique de la société qui valorise l’archipélisation au détriment du modèle unitaire français. La France est à ses yeux un ensemble plastique, composé de clientèles ; il opère en planner stratégique, et non en President de la République, oubliant que sa fonction n’est pas d’exalter par différenciation mais de transcender les différences et de rassembler. Or toute sa communication consiste à valoriser la fragmentation au détriment de l’unité. Il est de ce point de vue le point d’aboutissement ultime de la subversion de la politique par le marketing.

En définitive, qui est Emmanuel Macron ?

Encore une fois, il y a une ossature politique chez lui. Je ne crois pas à son indétermination; il représente une sociologie qui s’exprime parfaitement dans son électorat. Il n’est dans le « en même temps » que dans sa communication mais pas dans sa  vision, ni dans son projet.

Cette manière d’être partout à la fois n’est qu’un filtre ou une mince pellicule communicante. Le réduire à sa communication c’est d’abord entrer dans son jeu, c’est ensuite oublier que la politique reste la politique avec ses rapports de forces, ses stratégies parfois dilatoires, et surtout ses constantes sociales.

Il nous incite à décrypter sa communication comme pour nous divertir, au sens pascalien du terme, c’est-à-dire capter notre attention au-delà de l’essentiel.

Peut-être faudrait-il arrêter de parler de sa com’, car c’est y prendre part, et par trop la créditer.

Emmanuel Macron est trop sérieux pour en être réduit à ses stratégies communicantes.

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