Une campagne publicitaire de la Conférence sur l’avenir de l’Europe soulève, une fois de plus, la question du voile islamique. François-Xavier Bellamy demande son retrait.

Par Emmanuel Berretta LE POINT
Publié le 14/02/2022
Une fois de plus, le « voile islamique » crée la discorde en Europe. Cette fois, il s’agit de l’un des dix-sept visuels d’une campagne promouvant la participation citoyenne à la Conférence sur l’avenir de l’Europe. On y voit une jolie jeune femme coiffée du hidjab, appuyée sur l’un des escaliers – pour les connaisseurs – qui bordent le Berlaymont, siège de la Commission européenne. L’image est accompagnée de ce message : « Faites entendre votre voix, l’avenir est entre vos mains. » On peut retrouver toutes les images sur le site du Parlement européen.

ne fois de plus, le « voile islamique » crée la discorde en Europe. Cette fois, il s’agit de l’un des dix-sept visuels d’une campagne promouvant la participation citoyenne à la Conférence sur l’avenir de l’Europe. On y voit une jolie jeune femme coiffée du hidjab, appuyée sur l’un des escaliers – pour les connaisseurs – qui bordent le Berlaymont, siège de la Commission européenne. L’image est accompagnée de ce message : « Faites entendre votre voix, l’avenir est entre vos mains. » On peut retrouver toutes les images sur le site du Parlement européen.
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« Ce n’est pas une affiche de promotion du hidjab » (Clément Beaune)
La Conférence sur l’avenir de l’Europe (Cofoe, selon son acronyme anglais) est organisée et coprésidée par les trois institutions de l’UE, la Commission, le Parlement et le Conseil. Mais l’image elle-même a été choisie par le Parlement européen et fait partie de cette banque d’images servant au soutien de cette campagne de mobilisation. Le Parlement européen fait partie des institutions les plus « inclusives » du paysage européen. Et à ce titre, il n’est pas très surprenant qu’une jeune femme voilée soit présentée comme l’avenir de l’Europe.
Du fait de la présidence française de l’UE, Clément Beaune, le secrétaire d’État aux Affaires européennes, assure actuellement, au nom du Conseil, la coprésidence de la Conférence sur l’avenir de l’Europe au même titre que l’eurodéputé Renew Guy Verhofstadt pour le Parlement et Dubravka Suica pour le compte de la Commission. Interrogé par Le Point, Clément Beaune n’entend pas alimenter la polémique, même si, à titre personnel, il n’aurait « pas choisi » cette photo. « Ce n’est pas une affiche de la promotion du hidjab comme la campagne que j’ai fait retirer », indique Clément Beaune. En novembre 2021, le Conseil de l’Europe (à ne pas confondre avec l’Union européenne) avait en effet diffusé une campagne intitulée « La liberté dans le hidjab ». Quelques jours plus tard, la France est intervenue et la campagne a été retirée.
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Le voile, contraint ou librement accepté ?
« Le voile n’est pas interdit ni en France ni dans les 26 autres pays, souligne le secrétaire d’État aux Affaires européennes. Il ne faut pas tout mélanger, sinon on tombe de l’autre côté. »
Dans son courrier, François-Xavier Bellamy insiste sur le fait que « le port du voile est aujourd’hui imposé, y compris par la contrainte et la violence, dans bien des pays musulmans, et trop souvent, hélas, dans de nombreux territoires au sein même de nos pays européens ». En Iran, l’avocate Nasrin Sotoudeh, colauréate en 2012 du prix Sakharov, a été arrêtée le 13 juin 2018 pour avoir retiré son voile et avoir défendu des femmes refusant le hidjab. Cette infraction a été considérée en Iran comme une « insulte au guide suprême » et une « incitation à la débauche »… Nasrin Sotoudeh a été condamnée à douze ans de prison et 148 coups de fouet.
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La question de l’entrisme des organisations islamistes
Dans ces conditions, comment les institutions européennes peuvent-elles se projeter dans l’avenir à travers le visuel d’une femme voilée ? « Comme coprésidents de cette Conférence, considérez-vous que votre responsabilité soit de normaliser ce qui reste un signe d’oppression pour des millions de femmes dans le monde ? » interroge François-Xavier Bellamy qui soulève un autre problème : l’entrisme d’organisations proches des Frères musulmans auprès des institutions européennes.
« Des universitaires et chercheurs reconnus ont mis au jour, au cours des dernières années, les stratégies déployées par des organisations islamistes, comme les Frères musulmans, pour bénéficier de fonds européens, orienter des programmes de recherche, agir sur les institutions et leur communication – à l’instar de l’association Femyso ou de différents comités nationaux « contre l’islamophobie », porteurs d’un agenda politico-religieux clairement identifié. Des organisations de ce type touchent-elles des subventions dans le cadre de la Conférence sur l’avenir de l’Europe, ou de la part d’institutions européennes ? » demande l’eurodéputé LR qui réclame naturellement le retrait de cette affiche.
En France, on se déchire sur le port du voile dans les compétitions sportives
À la suite de la publication de notre article, Assita Kanko, une eurodéputée belge de la N-VA, du groupe souverainiste ECR, s’est jointe à la demande de retrait de François-Xavier Bellamy. « J’ai honte de cette Europe soumise à l’islamisme, alors que notre liberté s’est construite dans la sueur et le sang, nous écrit-elle. J’ai honte de cette Europe qui abandonne les femmes musulmanes et voit le symbole de leur domination comme un accessoire folklorique. Je ne soutiendrai jamais une telle hypocrisie. Je serai toujours du côté de la liberté et de l’égalité. L’avenir de l’Europe doit s’incarner dans les valeurs des Lumières et non dans l’asservissement des femmes. […] Cette affiche doit être retirée et le Parlement mérite une explication. »
Ce débat fait écho à l’autre polémique du moment sur l’interdiction du voile dans les compétitions sportives en France. Le 19 janvier, les sénateurs ont voté un amendement interdisant les « signes religieux ostensibles » lors de toute compétition sportive. Les députés LREM ont annulé cette disposition. Éric Ciotti, conseiller de Valérie Pécresse, a dénoncé une « soumission » à l’islamisme de la majorité et du gouvernement Castex.