Ivan Rioufol: «Ce vieux monde qui s’effraie du populisme»

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Par Ivan Rioufol

LE FIGARO. 17 février 2022

CHRONIQUE – Peut-on parler d’extrémisme ou de populisme quand près de la moitié des électeurs semblent souhaiter une rupture avec l’ordre établi?

Faut-il craindre le populisme? Valérie Pécresse l’assure, à la suite d’Emmanuel Macron. «Je fais frontière étanche avec l’extrême droite»,explique la candidate LR (RTL, lundi), en visant Marine Le Pen et Éric Zemmour. En cas de duel final entre le président et l’un de ces deux candidats, la voix de Pécresse n’ira pas de ce côté droit. Francis Kalifat, le président du Crif (Conseil représentatif des institutions juives de France), explique pour sa part (L’Opinion, lundi) le choix de ses invités au grand dîner annuel du 24 février: «À la table des républicains, les extrêmes n’ont pas leur place.»Mélenchon, Le Pen et Zemmour seront «indésirables». Le problème est que ces trois représentent plus de 40 % des intentions de vote. Peut-on, dès lors, parler d’extrémisme ou de populisme quand près de la moitié des électeurs semblent souhaiter une rupture avec l’ordre établi?

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L’ancien monde n’en finit pas de mourir d’inadaptation au réel. La gauche n’est plus qu’une ombre. Or un sort semblable menace les Républicains s’ils persistent dans leurs réflexes d’exclusion qui les éloignent d’une société en mutation. Ce n’est pas tant la mauvaise prestation orale de Pécresse lors de son premier grand meeting parisien, dimanche dernier qui risque d’entraver son parcours: les beaux parleurs ne sont pas les plus sincères. Est ressorti, plus gravement, un manque d’originalité dans les idées et les propos. Tout sonnait faux dans son discours, prêt à flatter l’aile la plus à droite de son parti sans effrayer pour autant les plus centristes. De cet équilibre impossible sont ressortis des propos décousus empruntant aux populistes leur proposition d’un référendum d’initiative populaire ou leur expression d’un «grand remplacement», tout en se gardant de reprendre la radicalité des proscrits: des paroles sans les actes.

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L’erreur est de voir le populisme comme un danger: il est l’écho utile d’un peuple déconsidéré. Ce dernier craint de disparaître sous la mondialisation, son brassage, ses remplacements. L’expression «extrême droite», pareillement, ne veut plus rien dire quand le cliché désigne désormais une approche sans œillères, partagée par de plus en plus de citoyens. Si la démocratie est menacée, c’est par ceux qui veulent faire taire les voix qui annoncent le grand chamboulement conservateur. Les insanités sont proférées par ceux qui hurlent au retour de l’antisémitisme avec le populisme, sans voir que ce poison est porté par l’islam suprémaciste et judéophobe. Parlant de Zemmour, dimanche sur Radio J, l’écologiste Yannick Jadot a déclaré, avec l’approbation de l’animateur Frédéric Haziza: «Il est le juif de service (…). Il porte des pulsions de mort et le poison de la division.» La gauche ni le Crif n’ont rien trouvé à redire à ces propos.

Dans une démocratie libérale, le peuple ne peut être l’ennemi. C’est pourtant en intrus qu’ont été reçus à Paris, le week-end dernier, les participants aux «Convois de la liberté», venus de toute la France. Des véhicules blindés ont été mobilisés, samedi soir sur les Champs Élysées, pour dissuader ces gens modestes, minoritaires, de manifester contre le passe vaccinal et leur condition de sous-citoyens méprisés des élites. Des protestataires ont été contrôlés parce qu’ils arboraient un drapeau tricolore. D’autres ont été aspergés de gaz lacrymogène afin de casser les rassemblements. Jamais une telle mise en scène guerrière ne s’est vue dans les cités «sensibles», ces contre-sociétés qui détestent la nation et où les armes à feu circulent librement. Cette guerre aux populistes est révoltante.

Le roi est nu

L’ancien monde agonisant radote ses excommunications contre les «extrêmes». Or ceux-ci disent que le roi est nu et le pays, vulnérable. De plus en plus d’électeurs deviennent insensibles aux caricatures des pandores de la pensée. Cela fait des décennies que ces esprits faux dissimulent leur lâcheté et leur paresse intellectuelle derrière des leçons de morale. Ils ne cessent de diaboliser ceux qui parlent d’abord de la France et de son peuple. Quand Xavier Bertrand vient solidairement en renfort de la candidate LR affaiblie (Europe 1, mardi), il explique avec raison que «le quinquennat qui s’ouvre devra être celui des classes moyennes».

Il est urgent en effet que la politique redécouvre ce que vivent ces Français trop français: ils ne bouclent pas les fins de mois et sont méprisés par des dirigeants acquis à la préférence immigrée. Les «quartiers populaires» désignent ceux de la nouvelle France. Cependant, le peuple oublié dont parle Bertrand se reconnaît plutôt dans les discours que lui-même rejette. Le nombrilisme idéologique est une impasse quand il s’interdit de se mêler aux populistes qui écrivent l’histoire. La conversation téléphonique de trente-deux minutes, lundi, entre Donald Trump et Éric Zemmour est de ce point de vue un atout pour le candidat. «Ne cédez rien, tenez bon», lui aurait conseillé l’ancien président des États-Unis, qui a su réveiller un électorat populaire désabusé. La dynamique que Zemmour semble avoir enclenchée s’inspire du même élan patriotique.

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Non seulement le populisme n’est pas la menace fascistoïde décrite par ses adversaires décontenancés, mais sa défense des libertés le place, au contraire, en rempart de la démocratie exténuée. C’est le même système finissant qui tente de se protéger des critiques en multipliant les interdits de dire ou de penser. L’Ordre hygiéniste, instauré par Emmanuel Macron le 12 juillet, a maltraité les droits individuels et la solidarité nationale, au prétexte d’instaurer une protection collective et des devoirs moraux. La passivité du monde politique arrive-t-elle à son terme? Lundi, dans Le Figaro, vingt sénateurs LR ont signé une tribune réclamant la suspension immédiate du passe vaccinal. Les sénateurs écrivent: «Il est urgent de redonner la liberté aux Français avant que le pays ne replonge à nouveau dans le désordre (…). Le gouvernement doit arrêter d’“emmerder les Français” avec des mesures politiciennes dissimulées derrière des prétextes politiques.» Cette première alerte politique est bienvenue. Les parlementaires sont-ils prêts à être enfin les garants des libertés publiques?

Dette irresponsable

«Un irresponsable n’est plus un citoyen», avait lancé Macron le 5 janvier, parlant des non-vaccinés. Mais qui est irresponsable, sinon celui qui a accru la dette publique de 560 milliards d’euros au nom du «quoi qu’il en coûte»! Mercredi, la Cour des comptes a sonné l’alarme. Qui s’en soucie?

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