Chaque week-end, toute une vision du monde

 ABONNESJean-Christophe Buisson | par Jean-Christophe Buisson, le samedi 19 février 2022 
  
 Chers abonnés,L’ordre moral existe, mais il n’est pas celui que l’on croit. Chaque jour, ses promoteurs diffusent sur les ondes – télé et radio – leur parole sentencieuse et solennelle. Disent où est le Bien et le Mal. Établissent la Vérité et le Mensonge. Dénoncent les uns et félicitent les autres. Leurs noms ? Edwy Plenel – héraut de la cause terroriste palestinienne hier, ami de Ramadan aujourd’hui -, grand partisan de la censure pour les fachos, étant entendu que la définition du facho est, chez lui, aussi large que l’URSS en 1979 ; Aymeric Caron, qui, entre deux papouilles à ses frères les insectes, se dresse en rempart de la République façon Mélenchon (qu’il a rejoint juste avant Ségolène Royal, faisant ressembler la maison «insoumise» à une auberge espagnole !) ; Laure Adler, qui distribue mauvais points et mauvais points sur France 5 ; Rokhaya Diallo, victime professionnelle des hommes, des Blancs, de l’Histoire, de la police, de la nature, de la Ve République, et on en passe ; Jean-Michel Aphatie, qui voit du Zemmour et de l’islamophobie partout. Parce qu’ils pensent vraiment ce qu’ils disent, parce que l’antifascisme de salon est, dans l’audiovisuel (public, en particulier) un gage de reconnaissance sociale, parce que c’est un business au moins moral, ces cinq-là et d’autres se croient en croisade. Et ils ont décrété que ceux qui ne les suivent pas dans leur cavalcade sont des complices (au mieux) de cette extrême droite «nauséabonde» tapie dans l’ombre, prête à sauter à la gorge de millions de Français. C’est ainsi que de grands sociologues, philosophes, écrivains ou universitaires, majoritairement de gauche (Jacques Julliard, Sylviane Agacinski, Michel Onfray, Raphaël Enthoven, Céline Pina ou Paul Melun), se sont trouvés du jour au lendemain cloués au pilori. De gauche à droite : Laure Adler, Jean-Michel Aphatie, Rokhaya Diallo et Edwy Plenel. France Inter / France Inter / JACQUES DEMARTHON/AFP / JACQUES DEMARTHON/AFP / IBO/SIPA / IBO/SIPA / Jack Tribeca / Bestimage / Jack Tribeca / Bestimage Dans leur édifiante enquête, Pierre de Boishue, Guyonne de Montjou et Judith Waintraub leur ont justement donné la parole. Elle est d’or, comme est d’or le crayon de Xavier Gorce, ce dessinateur génial censuré au Monde pour avoir ironisé sur le sujet supposé le plus grave de notre siècle : le genre sexuel. Les conditions de sa mise à l’écart sont révélatrices du fonctionnement de ce que notre ami et confrère du Figaro François Aubel nomme La Dictature des vertueux, titre de l’essai percutant qu’il cosigne avec Soazig Quémener aux éditions Buchet-Chastel et dont nous publions l’extrait relatif à l’affaire Gorce. Le livre, à mettre entre toutes les mains, est riche de mille exemples frappants, qui montrent comment et pourquoi «le moralement correct est devenu la nouvelle religion du monde». À commencer, hélas par la France.En cherchant bien, les censeurs sachant chasser mentionnés plus haut finiront sans doute un jour par trouver des poux dans la tête de Gérard Depardieu. On accusera ce fils de carrossier castelroussin d’appropriation culturelle pour avoir joué un mineur, un Provençal ou un Gascon. Mieux (ou plutôt : pire), on le condamnera pour avoir incarné le colonialiste Christophe Colomb, dont on déboulonne désormais les statues en Amérique au nom de la «cancel culture» – pathétique époque. En attendant ce jour mais en priant pour qu’il n’advienne pas, continuons à admirer l’immense acteur qu’il est. Dans le grand film d’atmosphère Maigret, par exemple, où il incarne le célèbre commissaire devant la caméra très inspiré et presque expressionniste de Patrice Leconte. Les deux hommes, lecteurs passionnés de Simenon, se sont entendus comme larrons en foire pour mener à bien ce projet d’adaptation de Maigret et la jeune morte (en salles mercredi 23 février). En exclusivité pour Le Figaro Magazine, ils ont accepté de dialoguer longuement, dans la maison de l’acteur, à Paris, dans le VIe (nettement plus simenonienne que celle où j’avais interviewé le comédien pour la première fois, il y a vingt ans, dans le 16e…). Avec Clara Géliot, nous avons pu interroger les deux hommes sur leur manière dont ils ont appréhendé l’œuvre du maître du roman policier (publiée et régulièrement rééditée par les Presses de la Cité), mais aussi sur le cinéma contemporain, les grands écrivains d’hier et d’aujourd’hui, la télévision et sa médiocrité, la société et ses travers, ces «cons» d’acteurs qui jouent au lieu d’être, etc. Avec Depardieu, le spectacle est parfois aussi dans le texte… Gérard Depardieu et Patrice Leconte ont immédiatement partagé le même désir et la même vision de Maigret. Emanuele Scorcelletti Peu de chance de voir un jour Gérard Depardieu incarner un héros de James Joyce, auteur de romans très difficilement adaptables sur grand écran (voir les décevants Gens de Dublin et Finnegans Wake qui datent d’ailleurs de quelques décennies). Est-ce si grave que cela, docteur ? Au moins peut-on arpenter les rues de la capitale irlandaise en se faisant son propre film à partir des images nées de notre lecture des romans de l’écrivain. Parfois, on est un peu aidé. Pour le centenaire de la parution de son chef-d’œuvre, Ulysse (dont la première édition, cocorico, fut publiée à Paris), texte touffu conçu comme 24 heures dans la vie d’un homme, Dublin met les petits plats dans les grands. Visites guidées, installations, musées, reconstitutions, cafés transformés en salles de lecture : Joyce est partout ! Au point, assure Gautier Battistella qui, accompagné du photographe Eric Martin, s’est rendu sur les traces du romancier, que l’on devient assez vite joyced. Là encore, rien de grave, docteur ? Non, nous a assuré notre journaliste car «être joyced n’est qu’une maladie passagère être joyced c’est assumer l’omnipotence du créateur mélanger les sprachen retirer toute ponctuation passer au théâtre à l’opéra et tant pis pour ceux qui ne comprendront pas car d’autres perceront le secret oui d’autres sauront alors oui Joyce c’est moi mais ça peut être vous…». Nous avons néanmoins rapidement rapatrié notre reporter et lui avons offert des livres de Guillaume Musso pour qu’il redescende. James Joyce (ou l’un de ses fantômes) devant le Ha’penny bridge, la passerelle en fer forgé devenue le symbole de Dublin. ERIC MARTIN ET AUSSIL’image. Ne pas toujours se fier aux apparences. Là où vous croyez voir Jean-Luc Mélenchon accueillir dans ses vigoureux bras prolétaires la délicate Ségolène Royal, il faudrait plutôt voir Nicolas Bay et Jordan Bardella. Car ces deux vaillants varans photographiés dans un parc de Singapour sont en train de se battre. Si, si, regardez bien comme celui de gauche enfonce profondément ses ongles dans le dos de celui de droite. Ces deux varans d’une force et d’un tempérament apparemment similaires se livrent une lutte acharnée pour prendre l’ascendant l’un sur l’autre. Sans doute pour les beaux yeux d’une femelle à proximité. Then Chih Wey / Xinhua / Abaca Le portrait. Qu’il entre ou non au Panthéon (Macron est contre, Pécresse est pour), Molière sera fêté toute l’année. En particulier dans sa maison – quoi de plus normal ? Parmi les comédiens qui porteront cet anniversaire sur la scène de la Comédie-Française figure Guillaume Gallienne. Dès la semaine prochaine, il reprend Le Malade imaginaire avant d’enfiler l’épais costume du Bourgeois gentilhomme au mois de mai. Sa vie et sa carrière ne tournent certes pas autour du seul Poquelin : ce bourreau de travail est aussi en train d’adapter Cyrano de Bergerac en film d’animation… animalier, d’apprendre le chinois pour un projet mystère et d’écrire une transposition de la Recherche du temps perdu dans les années 70, 80 et 90 ! Mais il a confié à Clara Géliot combien interpréter les personnages de Molière lui procurait toujours le même enthousiasme, renforcé par le sentiment d’en découvrir chaque fois une richesse supplémentaire. Dans le Figaro Hors série (re)mis en vente en kiosques la semaine prochaine, l’immense Fabrice Luchini ne dit pas autre chose. Son entretien est une cure d’altitude mentale, au même titre que les évocations de sa relation avec Louis XIV par Jean-Christian Petitfils, ses ennuis avec les dévots par Philippe Maxence ou sa rivalité avec Corneille par Martin Peltier. Molière, homme de l’année ! Guillaume Gallienne. Robert Jean-Francois / modds Dans le Figaro Hors série (re)mis en vente en kiosques la semaine prochaine, l’immense Fabrice Luchini ne dit pas autre chose. Son entretien est une cure d’altitude mentale, au même titre que les évocations de sa relation avec Louis XIV par Jean-Christian Petitfils, ses ennuis avec les dévots par Philippe Maxence ou sa rivalité avec Corneille par Martin Peltier. Molière, homme de l’année ! Le Figaro Hors série «1622-2022. Quoi de neuf ? Molière ! La comédie humaine de Jean-Baptiste Poquelin» (re)mis en vente en kiosques la semaine prochaine Le Figaro La séquence gastronomes. Jamais rassasiée, Clara Géliot ne s’est pas contentée cette semaine de grignoter des chouquettes avec Gérard Depardieu et de s’empiffrer de nourritures spirituelles avec Guillaume Gallienne : elle a fait passer à table Glenn Viel, qui intègre le jury de «Top Chef», qui entame sa treizième saison (M6). Il faut dire que ce diable de Breton installé aux Baux-de-Provence avait des choses à raconter : fils de gendarme, atteint enfant d’une lourde dyslexie, il se rêvait humoriste et se retrouve prince de la tarte à la tomate, du rouget de roche agrafé et du pigeonneau dans un lit de foin. Des plats divinement cuisinés qui sont devenus un peu ses signatures et qui lui ont permis il y a peu de rejoindre, à seulement 40 ans, la confrérie des chefs triplement étoilés. Parmi eux la surdouée Anne-Sophie Pic, dont Laurence Haloche a exploré les nouvelles recettes au Four Seasons Hotel de Megève, où «la dame de Pic» a pris ses premiers quartiers d’hiver. Au menu : omble chevalier mariné à la bergamote, café acidulé, chevreuil mariné au whisky des Hautes Glaces, gavottes chocolatées, mousse au café d’Éthiopie, crème glacée à la feuille de cannelier. Vous n’avez pas soudain un peu faim, vous ? Glenn Viel Virginie Ovessian/SDP C’était dans Le Figaro il y a 100 ans.Deux colonnes pour se féliciter que la proposition de loi interdisant les duels n’ait pas été retenue. Elle eût été inutile, précise le chroniqueur (un certain Mermeix) puisque, déjà en février 1922, «le duel de journalistes est passé de mode». Qui a dit hélas ?Une suggestion alors que se prépare la panthéonisation de Gambetta : en faire autant pour… Molière. Où l’on voit que l’idée ressurgit donc tous les cent ans.Publication en feuilleton du merveilleux roman d’Henri Pourrat, Gaspard des montagnes. Tiens, et si on ressuscitait l’idée en 2022 ? (à condition que ce ne soit pas des romans de Christine Angot).Un coup de griffe d’une mauvaise foi assumée à Sherlock Holmes qui n’est pas fichu d’utiliser dans ses enquêtes les techniques des laboratoires de la police scientifique de l’époque (sur les empreintes digitales, notamment).Un peu d’anglophobie, enfin, pour dénoncer le refus obstiné de la Fédération anglaise de rugby de renoncer au repos dominical sportif imposé de l’autre côté de la Manche et de disputer des rencontres contre la France le dimanche (jour alors réservé aux sports illégaux comme les combats de… coqs). Apparemment, ils sont restés accrochés à leur tradition puisque le France-Angleterre du tournoi des six nations 2022 aura lieu un samedi (le 19 mars)…Rugbystique ou non, je vous souhaite un excellent week-end.

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