Jean-Paul Brighelli CAUSEUR
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2 mars 2022
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Il est fort étrange que face à un conflit, notre premier réflexe soit de prendre parti — ceux-ci sont les bons, ceux-là sont les méchants. Et si tous les conflits — et le dernier en date en est l’illustration parfaite — étaient à torts partagés ?
C’est entendu,
« Depuis six mille ans la guerre
Plaît aux peuples querelleurs,
Et Dieu perd son temps à faire
Les étoiles et les fleurs.
Les carnages, les victoires,
Voilà notre grand amour ;
Et les multitudes noires
Ont pour grelot le tambour.
La gloire, sous ses chimères
Et sous ses chars triomphants,
Met toutes les pauvres mères
Et tous les petits enfants… »
C’est dans les Chansons des rues et des bois, publiées par Hugo en 1865.
Donc, la Russie attaque l’Ukraine. C’est très mal. Un vieux réflexe nous fait croire que l’attaquant (rebaptisé « agresseur ») a toujours tort : cela remonte à l’époque où la République en danger était envahie à l’Est par des armées coalisées. Mais la vérité, c’est qu’au final celui qui a tort est celui qui perd, tant il est évident que, comme le claironnait Clausewitz, la guerre est une façon de continuer à faire de la politique par d’autres moyens.
Et à ce stade, il n’est pas évident de savoir qui perdra. La Russie l’emportera nécessairement au niveau militaire — mais les guerres ne se jouent pas uniquement sur les champs de bataille. L’Europe et les États-Unis prétendront avoir gagné, en soumettant les Russes au régime sec. Les Ukrainiens seuls seront les dindons de la farce, amputés de deux ou trois provinces qui, à la vérité, n’ont jamais été ukrainiennes : il est intéressant de voir les Occidentaux défendre bec et ongles des donations territoriales opérées par Lénine et ses successeurs. À strictement parler, l’Ukraine n’a jamais été qu’une principauté autour de Kiev.
Sans compter qu’un pays sur lequel ont déferlé des armées met un certain temps à s’en remettre, et les promesses faites aujourd’hui n’engagent que les Ukrainiens qui y croient.
Ceux qui hier préconisaient d’attaquer la Serbie, allié historique de la France, parce que les Allemands désiraient renouer avec les gentils Oustachis, et pour permettre, à terme, tous les trafics d’armes, d’organes et d’hommes à partir de la Bosnie… Ou qui ont voulu attaquer la Libye, pour qu’un flot de jouets guerriers tombe entre les mains des islamistes africains… Ceux-là ont bonne mine à se draper dans les grands principes. Il en est qui demandent que Sarkozy soit le médiateur de la France dans le conflit russo-ukrainien.
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