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ATLANTICO BUSINESS
Pour plus des 2/3 de gouvernements de la planète (y compris la Chine) et pour la quasi-totalité des milieux d’affaires internationaux, la guerre en Ukraine est insupportable. Pour en sortir, ils planchent sur 3 scénarios possibles.
Jean-Marc Sylvestre. ATLANTICO. 5 mars 2022
Ukraine : Les milieux d’affaires internationaux formulent 3 scénarios possibles pour sortir de la crise et surtout de la guerre
avec Jean-Marc Sylvestre
Un coup d’Etat, une révolution de palais, une destitution… Toutes les hypothèses sont désormais sur la table. Quand on fait le tour des grandes organisations politiques internationales, l’ONU, le FMI, l’OCDE, mais aussi des milieux d’affaires économiques et financiers, les gouvernements, les centres d’études et de réflexions liées aux grandes universités ou aux think tank les plus influents (des ONG au forum de Davos), tout ce beau monde considère que l’attitude de Poutine est tellement illisible qu‘il n’y a guère de solutions non-violentes pour sortir de cette impasse.
Le vote très clair et net des membres des Nations Unies, en début de semaine, résume assez bien le désaveu général de la guerre menée par Vladimir Poutine en Ukraine. Plus des 3/4 des pays de la planète ont demandé expressément l’arrêt des combats. Y compris la Chine qui, désormais, fait état des plus grandes réserves à l’encontre de Vladimir Poutine, parce qu’elle considère que les risques que porte l’évolution de ce type de conflit ne correspond pas à ses intérêts. Le modèle économique chinois a besoin d’une mondialisation équilibrée et sécurisée.
Maintenant, si tout le monde travaille à trouver une solution de paix, le logiciel qui permettrait d‘y arriver n’a pas été découvert.
En fait, quand on épluche tout ce qui est écrit par les experts gouvernementaux et par les dirigeants des plus grandes entreprises mondiales, on peut dire qu’il y a quatre scénarios possibles. Mais dans l’état actuel, ils ne sont pas réalisables.
Le 1er scénario, c’est la négociation avec Vladimir Poutine. Tout le monde voudrait y croire et la majorité des chefs de gouvernement approuve évidemment l’obstination d’Emmanuel Macron à continuer à parler avec le chef d’état Russe. Tout le monde a compris que Poutine était seul, sans aucun contre-pouvoir en interne. Ses objectifs sont flous et irréalistes et son obstination dangereuse, parce que personne ne sait ce qu’il pense. Le maintien d’un lien reste évidemment nécessaire pour cerner le personnage, les psychologues et les analystes du comportement d’un chef d’Etat n’ont jamais autant travaillé sur la paranoïa des hommes de pouvoir.Mais en l’état actuel, la négociation n’a d’impact que sur la communication d’un côté comme de l’autre. Ce qui n’est pas inutile. Personne ne peut dire quel va être le pouvoir de la Chine pour que Vladimir Poutine modifie son logiciel. Mais le poids de la Chine va être très important. Les dirigeants chinois ne peuvent pas prendre le risque d’être banni des grands marchés internationaux.
Le 2e scénario passerait par une révolte de la rue à Moscou ou à Saint-Pétersbourg qui pourrait alors convaincre Vladimir Poutine à changer de politique ou même le contraindre à quitter le pouvoir. C’est évidemment l’effet que les Occidentaux essaient de provoquer par la multiplication des sanctions économiques et financiers qui vont avoir pour objet d’asphyxier la vie quotidienne. Ceci dit, il n’y a aucune structure d’opposition forte en Russie, aucun contre-pouvoir. La montée en puissance d’une résistance populaire sera très longue à émerger. La chute du rouble et l’inflation généralisée vont mettre du temps pour fissurer la société russe. Les populations russes ne comprennent pas en quoi l’Ukraine peut être dangereuse pour les Russes (ce sont leurs frères), surtout que la propagande des médias russes leur raconte une autre histoire en leur assénant que c’est l’Ukraine qui choisit d’attaquer leur pays.
Le 3e scénario, c’est de parier sur une révolte de palais par les oligarques qui réussiraient à écarter Poutine ou plus probablement à l’éliminer. Les oligarques forment une caste à part au sein du pouvoir à Moscou. Ils se sont considérablement enrichis en mettant la main sur les entreprises que la Russie a privatisées après la chute de l’empire soviétique à partir des années 1990. Mais ces oligarques ont aussi participé à installer Vladimir Poutine au pouvoir, avec l‘aide de l’armée, de façon à protéger le système, mais aussi avec l’idée d’inscrire le système russe dans le système mondialisé. La Russie avait d’immenses réserves en matières premières et en énergie fossiles, l’Occident en avait besoin. Les liens commerciaux pouvaient se nouer et ils se sont noués pour le plus grand profit des oligarques.
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Seulement voilà : la guerre en Ukraine, décidée par Vladimir Poutine, a changé les conditions d’équilibre du pouvoir. Les oligarques sont en risque de perdre leur source de revenus parce que leurs entreprises sont, compte tenu des sanctions, en difficulté…Et par ailleurs, ils sont en risque de perdre leur fortune personnelle et leur style de vie international. Ils vivent entre Moscou et Londres en passant par Paris, Nice ou Courchevel où ils ont installé leur famille. Le groupe des oligarques est le seul groupe social russe qui pourrait agir sur Poutine et même éventuellement lui trouver un successeur.
Le grand point d’interrogation, c’est l’attitude de l’armée et notamment des généraux, ils ne peuvent pas durablement rester engagés dans cette guerre dont ils ne savent pas la finalité.
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Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l’information économique sur TF1 et LCI jusqu’en 2010 puis sur i>TÉLÉ.
Aujourd’hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.
Il est aussi l’auteur du blog http://www.jeanmarc-sylvestre.com/.