Poutine sort l’organisation de sa « mort cérébrale »

Mériadec Raffray  CAUSEUR

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14 mars 2022

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OTAN, le retour?
Vladimir Poutine est l’invité du sommet de l’OTAN de Bucarest, 4 avril 2008 © AP Photo/Andreea Balaurea/SIPA

L’alliance fondée par les Américains pour défendre l’Europe contre une agression soviétique a raté sa reconversion après la chute du communisme. Au lieu de saisir la main tendue par la Russie au début des années 2000, l’OTAN a multiplié les provocations stratégiques. Les Ukrainiens paient au prix fort trois décennies d’erreurs.


Fin janvier, au début du nouveau pic de tension dans la crise ukrainienne – devenue la guerre d’Ukraine depuis le 24 février –, Washington met en alerte 8 500 hommes et projette 3 000 d’entre eux en Europe de l’Est pour renforcer leurs 68 000 camarades en séjour long de ce côté-ci de l’Atlantique, dans le cadre de l’OTAN. Berlin et Londres lui emboîtent le pas en envoyant chacune quelques centaines de militaires en renfort dans les Pays baltes et en Pologne, où elles arment depuis 2017 des forces de « présence avancée renforcée » – « enhanced forward presence » (« eFP ») dans le jargon otanien. La France prend sa part avec les 300 hommes et 12 chars lourds Leclerc de son groupement Lynx en Estonie. Un contingent symbolique.Pour ne pas être en reste, au moment où il s’envole vers Moscou avec l’intention d’arracher au maître du Kremlin les voies et moyens d’une désescalade à la frontière russo-ukrainienne, Emmanuel Macron annonce l’envoi d’un détachement en Roumanie. Il faut dissuader Poutine pour qu’il plie, explique-t-on alors à Paris, à l’unisson du la émis par Washington. À ce niveau de dissuasion, sourient les experts, c’est de l’esbroufe. La suite l’a prouvé. « C’est nous qui avons fabriqué le Poutine qui vient de reconnaître et d’envahir le Donbass. Nous n’aurions jamais dû en arriver là. Au début de son mandat, le même Poutine avait fait des appels du pied à l’OTAN pour nouer un partenariat, et on l’a ignoré », a rappelé Hubert Védrine lorsque le Kremlin a franchi le Rubicon, le 21 février, en reconnaissant l’indépendance des républiques autoproclamées du Donbass puis, trois jours plus tard, en envahissant l’Ukraine.

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Ces « eFP » de l’OTAN ont vu le jour à la suite d’une décision prise à l’unanimité de ses membres au sommet de Varsovie de 2016, dans la foulée du précédent pic de tension entre Moscou et Kiev. Un épisode au cours duquel l’OTAN, déjà, avait tout fait pour convaincre les chancelleries et les opinions occidentales que Poutine voulait mâter son ex-satellite avec ses chars. L’OTAN, c’est-à-dire les États-Unis : à Mons, en Belgique, au QG militaire du dernier dinosaure survivant de la guerre froide, le big boss s’appelle le général Tod D. Wolters. Cet officier de l’US Air Force est le patron du commandement américain pour l’Europe (« Eucom »). À ce titre, il occupe le fauteuil du « Saceur », le « commandant suprême des forces alliées en Europe ». Depuis la création de l’Alliance en 1949, il en a toujours été ainsi. Tout passe par celui qui a la haute main sur les opérations et le renseignement. À l’automne 2016, l’ancien chef du renseignement militaire français (la DRM), le général Christophe Gomart, aujourd’hui reconverti dans le privé, avait confié lors d’une intervention à l’École militaire à Paris : « Tous les renseignements en notre possession contredisaient ceux fournis par l’OTAN, ainsi que leurs conclusions alarmistes… »

Prophéties autoréalisatrices

Cinq ans plus tard, le contexte politico-militaire a radicalement changé. Pas un pas de plus en direction de l’Ukraine, ou bien ce sera la guerre, répète Vladimir Poutine à ses visiteurs et lors de ses allocutions publiques au cours des semaines qui précèdent la guerre. À la frontière russo-ukrainienne, la concentration de ses troupes est massive, visible. 170 000 hommes, 1 500 chars, des centaines de batteries d’artillerie, des flopées d’hélicoptères, de chasseurs, de bombardiers. En mer aussi : jusqu’à 80 navires décomptés au large de la Norvège et 140 en Méditerranée orientale à la mi-février. En mer Noire, un lac russe, la marine de Moscou a installé un blocus le long des côtes ukrainiennes. Pendant ce temps, l’Amérique multiplie les livraisons d’armes à Kiev et aux capitales alliées voisines. Sur le ton des prophéties autoréalisatrices, elle annonce que Poutine déclarera la guerre à l’Ukraine le 16 février et l’hôte de la Maison-Blanche lâche à plusieurs reprises que ses soldats n’iront pas se battre en Europe pour défendre le président Zelensky et ses supporters… Chacun sait que l’Ukraine n’étant pas membre

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