Ivan Rioufol: «Ne pas laisser passer l’heure des comptes!»

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Par Ivan Rioufol LE FIGARO

31 mars 2022

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CHRONIQUE – Seule la perpétuation de l’aveuglement sur l’état du pays peut faire gagner Emmanuel Macron. La diversion et le déni restent ses cartes gagnantes.

Incohérence: c’est le mot qui vient en observant les «élites» faire feu sur Vladimir Poutine. Pour punir l’agresseur de l’Ukraine, les voici disposées à sacrifier, par des embargos, les populations africaines les plus vulnérables. L’Union européenne est prête à pâtir des effets de ses sanctions. Quant à Emmanuel Macron, il prend le risque d’aggraver la crise économique et sociale et de relancer la colère française: à huit jours du premier tour de la présidentielle, le chef de l’État saborde son rôle fétiche de «président protecteur», en cautionnant la politique de la sanction-boomerang. Les bénéficiaires sont les États-Unis, qui poussent à la guerre sans la faire. Joe Biden, pyromane en chef, a déjà réussi à vendre son gaz de schiste aux Européens, ses avions de combat aux Allemands et à faire renaître, contre la Russie, l’«Otan en mort cérébrale» (Macron, novembre 2019). Poutine, lui, veut faire payer son gaz en roubles pour préserver son économie.

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Sanctionner l’autocrate va de soi. Le faire stupidement, sous la pression de stratèges insensibles aux vulnérabilités des faibles, relève de l’irresponsabilité. L’Ukraine et la Russie produisent 30 % des exportations mondiales de blé. La Somalie, le Soudan ou l’Égypte sont dépendants de ces productions et connaissent déjà des hausses du prix du pain. Des émeutes de la faim sont prévisibles, d’autant que la Russie exporte aussi de l’engrais azoté. Le secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, évoque un «ouragan de famines». Les embargos énergétiques touchent déjà l’Europe et la France des classes moyennes. Les va-t-en-guerre en chaises longues se flattent de batailler, via les réseaux sociaux. Mais aucun intellectuel médiatique n’ose rejoindre les brigades internationales ukrainiennes. N’est pas Malraux qui veut, lui qui s’engagea avec d’autres dans la guerre d’Espagne, en 1936.

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Tout est mal pensé, dans la riposte de l’Occident émotif, fasciné par l’image de résistant du président ukrainien Volodymyr Zelensky. Ce dernier est resté avec son peuple: il le fait savoir sur Facebook, Twitter, TikTok, etc. Le monde libre a fait de lui un héros par procuration. Mais Zelensky joue un jeu dangereux, en se prêtant à la surenchère et à la culpabilisation de l’Occident apeuré. Jean-Pierre Chevènement a poliment jugé «déplacés», dimanche, ses propos tenus, par vidéo, devant les parlementaires français: Zelensky intimait aux entreprises privées de quitter la Russie et accusait Renault, Auchan ou Leroy Merlin de «financer les meurtres d’enfants et de femmes, les viols». Israël a pris pareillement ombrage de sa comparaison entre le sort de l’Ukraine et la Shoah. Zelensky pousse son peuple au martyre, mais se dit prêt désormais à reconnaître la neutralité de son pays. Pourquoi ne pas l’avoir promis plus tôt aux Russes?

Une guerre absurde, qui déchire l’Occident, s’est engagée. Poutine, dans sa dérive dictatoriale, est le responsable. Mais l’Otan et les Américains ont été les incendiaires, en bombardant en 1999, sans mandat de l’ONU, Belgrade et la Serbie orthodoxes au prétexte de venir en aide aux séparatistes musulmans du Kosovo islamisé. Les annexions d’une partie de la Géorgie, de la Crimée puis du Donbass ont été les répliques de la Russie, arguant de récupérer à son tour ses «Kosovo» russophones. Jeter ce pays chrétien dans les bras de la Chine est un gâchis dont les États-Unis auront à répondre, comme d’avoir placé le monde musulman au centre du jeu. En effet, c’est au Qatar, banquier de l’islamisme, que l’Europe va devoir acheter son pétrole. La Turquie d’Erdogan, qui méprise la douceur européenne, est devenue l’interlocuteur dans les négociations de paix

Diversion et déni

Le moment est venu, plus généralement, de demander des comptes à tous ceux qui, depuis des décennies, gèrent la France sans discernement. Lundi, le candidat Macron s’est cru percutant en conseillant à Zemmour de se fournir en prothèses auditives, parce que ce dernier n’aurait pas entendu une partie de la foule crier durant 10 secondes, dimanche au Trocadéro, à Paris: «Macron assassin!». Le chef de l’État ferait mieux de se demander pourquoi il suscite une telle haine. Elle est le résultat de son mépris pour les «populistes», sous-citoyens coupables de s’inquiéter de leur survie dans une patrie qui se déglingue. C’est Macron qui n’a cessé de les insulter («foule haineuse», «lèpre qui monte», «antisémites», etc.). Ce sont les médias suiveurs qui ont contribué à marginaliser cette partie de l’opinion, coupable de s’écarter de la doxa.

Du meeting de Zemmour, impressionnant par sa mobilisation, la plupart des journalistes n’ont choisi de retenir que ce cri, censé décrédibiliser le rassemblement. Ils n’ont jamais rien dit quand La France insoumise promenait la tête de Macron au bout d’une pique ou accrochée à un gibet. La majorité des commentateurs défend un système à bout de souffle, en caricaturant les lanceurs d’alerte qui depuis trente ans décrivent le déclin de la France. Jean-François Kahn, qui a comme obsession de s’en prendre à votre serviteur, est de ces esprits faux qui continuent à bidouiller le réel. Ce sont les mêmes qui pérorent encore et donnent des leçons.

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Seule la perpétuation de l’aveuglement sur l’état du pays peut faire gagner Macron. La diversion et le déni restent ses cartes gagnantes. Tout sera fait, dans les rangs de la majorité, pour rendre inaudibles les angoisses des enracinés qui ne veulent pas disparaître. Toutefois, il va être de plus en plus difficile au président-candidat de ne pas entendre à son tour les déceptions des gens, leurs indignations, leurs craintes. Il est stupéfiant de constater que le thème de l’immigration, que la macronie s’emploie à évacuer, ne soit pas au centre des débats, avec celui du pouvoir d’achat. Comme l’a rappelé Pierre Brochand, ancien ambassadeur et ancien directeur de la DGSE«(…) Je tiens le type d’immigration que nous subissons depuis un demi-siècle pour un événement hors catégorie, sans précédent dans notre histoire. (…) J’avoue ne pas comprendre comment des esprits libres et éclairés peuvent encore sous-estimer sa gravité.» Puissent ces derniers jours inciter les citoyens à reprendre leur destin en main en allant voter.

Vers un «McKinsey gate»?

Le «McKinsey gate» sera-t-il à Macron ce que le «Pénélope gate» fut à François Fillon? On le sait: la société américaine a été généreusement rémunérée par l’État pour concevoir la stratégie vaccinale. Or McKinsey a également contribué, gracieusement, au programme 2017 de Macron. Conflits d’intérêts?

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