Pour Ursula von der Leyen, l’Azerbaïdjan est un « partenaire fiable »
ARTICLE. Lors de l’accord trouvé pour doubler ses importations de gaz en provenance d’Azerbaïdjan, l’Union européenne s’est bien gardée d’évoquer l’état de la démocratie dans ce pays du Caucase à l’origine de la guerre contre les Arméniens du Haut-Karabakh. La déclaration d’Ursula von der Leyen, pour qui l’Azerbaïdjan est un « partenaire fiable », peine à convaincre.

Une nouvelle farce européenne ? Alors que les Européens prospectent tous azimuts afin de trouver des partenaires pour lui fournir du gaz en vue de l’hiver prochain, un accord a été trouvé le 18 juillet avec l’Azerbaïdjan pour doubler en quelques années les importations de gaz en provenance de cette ex-république soviétique. Une manière de pallier la fermeture des vannes gazières par la Russie.
Dans une stratégie de diversification de ses approvisionnements énergétiques, l’UE a décidé de marchander avec un régime dictatorial qui menace à intervalles réguliers son voisin arménien, et ce depuis plusieurs années. Pis, la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen a fait le déplacement jusqu’à Bakou pour entériner l’accord. Un voyage d’allégeance ?
L’Azerbaïdjan, un des pires pays en matière de liberté de la presse
À l’heure actuelle, l’UE importe 8,1 milliards de mètres cubes de gaz naturel via le corridor gazier sud-européen (rassemblant plusieurs gazoducs partant d’Azerbaïdjan et passant par la Géorgie et la Turquie). « Nous voulons étendre sa capacité à 20 milliards de mètres cubes par an d’ici quelques années », a déclaré la présidente de la Commission européenne lors d’une déclaration à la presse conjointe avec le président azerbaïdjanais, Ilham Aliyev. Un objectif intermédiaire de 12 milliards de mètres cubes a été fixé pour 2023. Des chiffres toutefois bien en dessous des 155 milliards de m3 de gaz fournis par la Russie en 2021 à l’UE, mais qui pourraient bien être suffisant pour offrir à la Turquie d’Erdogan – traversée par le gazoduc – un levier de pression supplémentaire contre l’Europe.
Selon Ursula von der Leyen, les Azerbaïdjanais apparaissent comme « des fournisseurs plus fiables et dignes de confiance » qui seraient en mesure de « compenser les coupes dans les livraisons de gaz russe » et de contribuer de manière significative « à la sécurité d’approvisionnement de l’Europe ». De son côté, Ilham Aliyev s’est félicité de cet accord et a affirmé que l’exploitation de nouveaux gisements permettrait d’ « augmenter la production de gaz naturel dans les prochaines années ».
L’Azerbaïdjan, c’est bien ce pays classé en 2021 168e (sur 180 pays) du classement de la liberté de la presse conçu par Reporters sans frontières. La même année, le pays du Caucase se classait à la 128e place (sur 180) dans l’indice de perception de la corruption. De multiples cas de torture sont également rapportés par les associations sur place.
L’Azerbaïdjan, un « partenaire fiable » ?
La présidente de la Commission européenne, qui n’hésite pas à menacer de manière constante la Pologne pour « violation des valeurs fondamentales de l’UE », ferme les yeux sur les agissements de l’Azerbaïdjan au regard de l’importance des contrats signés. L’économie prime les principes moraux… dans certains cas.
Sur Twitter, Jean-Christophe Buisson, directeur adjoint du Figaro Magazine, qui s’intéresse de près à la situation au Haut-Karabakh, s’est gentiment moqué de cet accord. Le gaz azerbaïdjanais provient en effet du champ gazier Shah Deniz, consortium dont un des actionnaires est… le géant pétrolier russe Lukoil, propriétaire à 19,99% des actions du consortium.

Pour rappel, l’Azerbaïdjan s’était engagé en 2020 dans une guerre face à l’Arménie, en reprenant notamment le contrôle de territoires (peuplés majoritairement d’Arméniens) dans la région autonome du Haut-Karabakh/Artsakh. Peu après le cessez-le-feu du 9 novembre 2020, le président Ilham Aliyev, grand habitué des menaces et intimidations, avait exprimé sa volonté de conquérir la capitale arménienne Erevan. Dès 2012, il déclarait que les « principaux ennemis » de son pays « (étaient) les Arméniens du monde et les politiciens hypocrites et corrompus sous leur contrôle. »
L’Azerbaïdjan n’a pas hésité à attaquer les sites culturels ou historiques au Haut-Karabakh, contrevenant ainsi la Convention de 1954 pour la protection des biens culturels en cas de conflit armé. En août 2021, on comptabilisait ainsi 29 églises, monuments ou musées détruits.
En concluant un accord avec l’Azerbaïdjan, l’UE montre une nouvelle fois qu’elle ne sait pas sur quel pied danser. Selon Ursula von der Leyen, l’Azerbaïdjan est un « partenaire fiable », mais jusqu’à quand ?
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Publié le 20 juillet 2022