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ÉDITO. Les populistes européens ont souvent pour point commun la proximité avec l’hôte du Kremlin. Mario Draghi en a fait les frais. Il n’est pas le seul.

Par Luc De Barochez. LE POINT
Publié le 26/07/2022 à
L’été a bien commencé pour Vladimir Poutine. Ses adversaires en Europe tombent les uns après les autres. Le 20 juillet, Boris Johnson délivrait son discours d’adieu à la Chambre des communes. Le lendemain, à Rome, Mario Draghi jetait l’éponge après dix-sept mois à la présidence du Conseil. Il n’y a pas de rapport entre ces démissions sinon que, dans les deux cas, le despote du Kremlin profite de l’aubaine. Johnson et Draghi, quoi que l’on pense de leurs politiques respectives, comptaient en Europe parmi les dirigeants les plus déterminés à aider l’Ukraine à repousser l’invasion. L’ancien président russe Dmitri Medvedev a posté avec délectation sur la messagerie Telegram une image montrant Johnson, Draghi et une silhouette noire assortie d’un point d’interrogation. Qui sera le prochain contradicteur de Poutine à mordre la poussière ?
Si Johnson ne doit sa chute qu’à lui-même, Draghi, lui, est tombé dans une embuscade. Les trois politiciens qui ont uni leurs forces pour provoquer son départ – Giuseppe Conte, chef du Mouvement populiste 5 étoiles, Matteo Salvini, leader des populistes de droite de la Lega, et Silvio Berlusconi, patron de Forza Italia – ont en commun d’avoir des accointances de longue date avec Poutine. Draghi, à l’inverse, a joué ces derniers mois un rôle clé pour forger l’unité occidentale et pour mettre au point une batterie de sanctions sans précédent frappant la Russie. On peut parier sans grand risque que son successeur au Palais Chigi à Rome sera plus accommodant avec Moscou.
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Les électeurs français aussi ont apporté leur écot à la bonne fortune de Poutine. En affaiblissant Emmanuel Macron, les législatives ont mis une sourdine à l’une des voix dominantes de l’Union européenne. Et elles ont envoyé à l’Assemblée nationale la chambre la plus eurosceptique depuis celle qui avait torpillé en 1954 le projet de Communauté européenne de défense. Les 88 députés du Rassemblement national et les 75 élus de La France insoumise représentent deux partis qui ont, parmi leurs points communs, celui d’avoir longtemps entretenu des complaisances coupables avec l’hôte du Kremlin.
Saper l’unité européenne
En Hongrie, à l’inverse, les électeurs ont de nouveau donné, en avril, une majorité écrasante à Viktor Orban, le principal allié de Moscou au sein de l’UE. À sa modeste échelle, le Premier ministre hongrois œuvre depuis lors à saper l’unité européenne. Le 21 juillet, par exemple, il a envoyé son ministre des Affaires étrangères à Moscou pour commander 700 millions de m3 de gaz supplémentaires pour son pays, à contre-courant du reste de l’Europe.
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La Hongrie pourrait bientôt ne plus être seule dans son tropisme poutinien. En Allemagne, la coalition au pouvoir donne des signes de division devant l’ampleur des dommages économiques que va causer au pays le sevrage brutal de la dépendance au gaz russe. Le parti social-démocrate du chancelier Olaf Scholz, en particulier, est tenté par l’apaisement. Malgré ses protestations de solidarité avec Kiev, le pays le plus riche d’Europe ne cesse de mégoter sur l’envoi d’armes lourdes à l’armée ukrainienne.
Après le début de la guerre en Ukraine, on avait loué un peu hâtivement la résilience et l’unité du Vieux Continent. Aux sommets qui ont rassemblé, à la fin du printemps, le G7 en Bavière puis l’Otan à Madrid, l’autocongratulation régnait, sous l’œil satisfait du président américain Joe Biden. Aujourd’hui, la flambée des prix, les menaces de pénurie d’énergie et la récession qui se profile mettent à l’épreuve la cohésion de l’UE et de l’Otan. Les partis populistes et extrémistes pourraient bien tirer profit du mécontentement qui va gronder à travers l’Europe à l’approche de l’hiver. Poutine n’a peut-être pas fini de se frotter les mains. À Kiev le 16 juin, Emmanuel Macron avait assuré au président Volodymyr Zelensky : « L’Europe est à vos côtés ; elle le restera jusqu’à la victoire. »
La deuxième partie de la phrase reste à prouver.
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