Guerre en Ukraine : les alliés s’inquiètent de la dissémination des armes livrées

Scroll down to content

Plusieurs pays occidentaux regrettent un manque de « transparence » de la part des Ukrainiens sur la traçabilité des livraisons, en particulier sur les munitions et les armes de petits calibres. 

Par Elise Vincent. 28 juillet 2022 LE MONDE

Article réservé aux abonnés

Du matériel, dont un lance missile anti-char et une mitrailleuse lourde PKM 7.62, appartenant aux parachutistes du 81e bataillon aéromobile arrivé à Seversk après avoir combattu contre les troupes russes avançant vers Lyssytchansk, le 5 juillet 2022.



Photo Laurent van der Stockt pour Le Monde

 

Avec la multiplication des envois d’équipements militaires et d’armes en Ukraine, un certain nombre de pays alliés s’inquiètent, depuis plusieurs mois, de leur possible dissémination hors du théâtre ukrainien par le biais de groupes criminels ou du marché noir. Même si, à ce stade, aucun élément public ne permet d’étayer ce phénomène qui s’était produit à la fin des années 1990 avec les guerres de Yougoslavie et nourrit encore les trafics en Europe de l’Ouest, ce risque fait l’objet aujourd’hui d’une préoccupation grandissante, à Paris, au sommet de l’exécutif.

« C’est un des points sur lesquels on pousse fortement les échanges avec les Britanniques, les Américains et aussi au niveau européen », confirme un haut responsable français pour qui il faut améliorer « la traçabilité » des armes acheminées. Pour les équipements militaires les plus imposants tels que les chars, les lance-roquettes multiples ou les obusiers, comme les canons Caesar français, cette traçabilité n’apparaît pas trop compliquée à mettre en place. Le renseignement de terrain et l’observation satellitaire peuvent permettre de les localiser relativement facilement.

Les difficultés concernent plus les munitions et les armes de petits calibres, notamment celles qui ont permis aux Ukrainiens de faire la différence vis-à-vis des Russes durant la première phase de la guerre. « Les Javelin, les Stinger, c’est un sujet », considère ainsi la même source française. En clair, toutes ces armes portatives au maniement aisé, capables de neutraliser un blindé à plusieurs centaines de mètres de distance ou pouvant atteindre des hélicoptères et des avions de combat à basse altitude.

« Une page blanche » sur la localisation des armes

La plupart des armes occidentales « atterrissent dans le sud de la Pologne, sont expédiées à la frontière [ukrainienne], puis sont simplement réparties dans des véhicules pour traverser : camions, camionnettes, parfois des voitures privées, ont ainsi confié des responsables occidentaux au Financial Times, le 12 juillet. Or, à partir de ce moment-là, c’est une page blanche qui s’ouvre sur leur localisation et nous n’avons aucune idée de l’endroit où elles vont, où elles sont utilisées ou même si elles restent dans le pays. » Depuis son entrée en fonctions, l’administration Biden a donné à l’Ukraine l’équivalent d’environ 8 milliards de dollars d’armes et d’équipements militaires.

« Les Etats-Unis prennent très au sérieux leur responsabilité de protéger les technologies de défense d’origine américaine et de prévenir leur détournement ou prolifération illicite », a confirmé Bonnie Denise Jenkins, sous-secrétaire américaine au contrôle des armes et à la sécurité internationale, lors d’une visite à Bruxelles, mi-juillet. Plusieurs capitales se sont inquiétées du manque de « transparence » de la part des Ukrainiens. Une inquiétude relayée aussi par Europol, l’agence de police européenne, dans un communiqué, le 22 juillet : « La prolifération des armes à feu et des explosifs en Ukraine pourrait entraîner une augmentation du trafic vers l’UE par des itinéraires de contrebande ou des plates-formes en ligne. »

Face à la hausse de ces préoccupations et au risque de débordement politique, notamment au Congrès américain, où la sénatrice républicaine Victoria Spartz s’est emparée du sujet mi-juillet, Kiev tente de donner des gages. Alors que jusqu’au début de la guerre, l’Ukraine était considérée comme une plaque tournante de nombreux trafics, les autorités ukrainiennes ont fait adopter un texte, le 19 juillet, prévoyant la mise en place d’une commission spéciale temporaire composée de 15 parlementaires et chargée, durant un an, de surveiller la réception et l’utilisation de l’aide logistique internationale, y compris les armes. Cette commission publiera un premier rapport d’état des lieux d’ici six mois.

Logiciel de traçage de l’OTAN

Au-delà de cette initiative, un certain nombre de responsables ukrainiens, notamment le ministre des affaires étrangères, Dmytro Kuleba, se sont plaints de ces soupçons gonflés, selon eux, par une campagne de « désinformation russe » qui aurait débuté au printemps. « Nous avons besoin de survivre (…). Nous n’avons aucune raison de faire sortir clandestinement des armes d’Ukraine », a ainsi déclaré Oleksiy Reznikov, ministre ukrainien de la défense, lors d’une intervention, le 19 juillet, devant l’Atlantic Council, un puissant cercle de réflexion américain. Il a précisé que l’Ukraine utilisait pour cela depuis le début un logiciel de traçage de l’OTAN, mais que la coopération allait malgré tout être renforcée afin de rassurer tous les « partenaires ».

La Commission européenne en a profité, le 11 juillet, pour lancer un centre de soutien contre la contrebande en Moldavie, pays voisin de l’Ukraine et autre plaque tournante de nombreux trafics, en particulier d’armes. Un centre censé servir de point d’appui pour du partage de renseignement, notamment à travers Europol, et ainsi muscler la coopération sur le contrôle aux frontières en général alors que la Moldavie a officiellement obtenu, fin juin, le statut de candidat pour rejoindre l’Union européenne.

Elise Vincent

Votre commentaire

Entrez vos coordonnées ci-dessous ou cliquez sur une icône pour vous connecter:

Logo WordPress.com

Vous commentez à l’aide de votre compte WordPress.com. Déconnexion /  Changer )

Image Twitter

Vous commentez à l’aide de votre compte Twitter. Déconnexion /  Changer )

Photo Facebook

Vous commentez à l’aide de votre compte Facebook. Déconnexion /  Changer )

Connexion à %s

%d blogueurs aiment cette page :