Par Eugénie Boilait LE FIGARO
Publié le 28/07/2022
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Arrestation dans le quartier de la Guillotière, dans le 7ème arrondissement de Lyon. Maxime JEGAT/PHOTOPQR/LE PROGRES/MAXPPP
FIGAROVOX/ENTRETIEN – Pour Pierre Liscia, les mairies EELV ont dévoyé l’écologie pour en faire le paravent de leurs dérives idéologiques extrémistes. Ces dernières occultent les difficultés concrètes des riverains, argumente-t-il.
Pierre Liscia est conseiller régional d’Île-de-France et auteur de «La Honte» (Albin Michel, 2019).
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FIGAROVOX. – Lors des dernières élections municipales, EELV a remporté sept villes de plus de 100.000 habitants: Lyon, Strasbourg, Bordeaux, Besançon, Tours, Annecy et Grenoble. Dernièrement, elles font parler d’elles à cause de l’insécurité grandissante qui les gagne. Les mairies écologistes ont-elles une responsabilité dans cette aggravation de l’insécurité ?
Pierre LISCIA. – L’insécurité progresse en France dans des proportions assez inquiétantes, en particulier dans les grandes villes. Les communes gérées par des majorités écologistes n’en sont pas exemptes, bien au contraire, mais par dogmatisme et par idéologie, leurs élus persistent à nier la réalité de façon flagrante et irresponsable. Il n’est pire aveugle que celui qui ne veut pas voir. Quand une militante écologiste prétend qu’il suffit d’élargir les trottoirs d’un des quartiers les plus criminogènes de Paris pour enrayer l’insécurité, c’est du déni. Quand la maire EELV du 7e arrondissement de Lyon admet elle-même éviter le quartier de la Guillotière parce qu’elle craint pour sa sécurité mais qu’elle refuse de reconnaître une dégradation de la situation, son aveuglement est d’autant plus consternant.
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Comment les élus EELV pourraient-ils prétendre résoudre un problème qu’ils refusent de voir ? Encore aujourd’hui, les écologistes s’obstinent dans leur opposition à la vidéoprotection bien qu’elle soit essentielle dans la chaîne d’élucidation des crimes et des délits. À cet égard, n’y a-t-il pas une incohérence manifeste à ce qu’ils soient les premiers à saluer les bienfaits de la vidéo quand elle leur permet de dénoncer des violences illégitimes commises par des policiers mais, dans le même temps, à continuer à s’y opposer catégoriquement quand il s’agit de lutter contre les incivilités, la délinquance et les trafics ? Leurs postures idéologiques surannées les enferment dans un carcan mental simpliste, réducteur et truffé d’angles morts. Aujourd’hui, l’insécurité ne fait pas partie de leur logiciel. On ne gère pas une ville en dépit du bon sens, ni par idéologie.
Aujourd’hui, les écologistes n’ont malheureusement plus grand-chose à voir avec la préservation de l’environnement et l’urgence climatique.Pierre Liscia
Les campagnes de communication (sur les pistes cyclables non genrées, les cantines végétariennes, les sapins de Noël) ont-elles supplanté un travail sur les vraies problématiques urbaines ?
Je regrette que les écologistes aient dévoyé l’écologie pour en faire le paravent de leurs dérives idéologiques extrémistes: l’anticapitalisme, le wokisme, le communautarisme, le sans-frontiérisme, l’intersectionnalisme, l’indigénisme, le racialisme, l’antispécisme, la décroissance, etc. De l’aveu même de certains de leurs partenaires politiques de gauche, ils ont un problème avec les valeurs de la République. Aujourd’hui, les écologistes n’ont malheureusement plus grand-chose à voir avec la préservation de l’environnement et l’urgence climatique. Quant à leur gestion quotidienne des communes et l’amélioration de la qualité de vie de leurs administrés, ils ne sont pas à la hauteur des attentes.
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De bonne foi, les électeurs ont voté EELV dans l’espoir d’avoir un meilleur cadre de vie, pour eux et leurs enfants, plus respectueux de la nature, plus apaisé, avec des services publics de proximité de qualité. Au lieu de cela, ils se retrouvent avec des ayatollahs politiques qui défilent aux côtés de militants islamistes notoires, qui financent les islamistes du Milli Gorus ou du CCIF, qui défendent le port du burkini dans les piscines municipales, qui revisitent l’histoire de France en déboulonnant des statues, qui criminalisent les plus modestes qui n’ont pas les moyens de remplacer leur véhicule thermique ou de changer de chaudière et qui culpabilisent les enfants qui rêvent encore de féérie à Noël ou qui mangent de la viande à la cantine. Cette mascarade n’a que trop duré.
À leurs yeux, la préservation du cadre de vie, l’entretien de la voirie, l’exigence de salubrité publique, la défense de la propriété privée, le respect de la tranquillité publique et la restauration du patrimoine ne sont que des obsessions de petits-bourgeois.Pierre Liscia
On déplore également beaucoup de dégradations et de pollution visuelle. Quelles sont les politiques des Verts vis-à-vis de l’aménagement des espaces et de la propreté ?
À leurs yeux, la préservation du cadre de vie, l’entretien de la voirie, l’exigence de salubrité publique, la défense de la propriété privée, le respect de la tranquillité publique et la restauration du patrimoine ne sont que des obsessions de petits-bourgeois.
Dès lors, il n’est pas surprenant que les villes gérées par les écologistes se délabrent et que la qualité de vie s’y dégrade: sous couvert de biodiversité et de défense de la cause animale, ils exigent la bienveillance à l’égard des nuisibles et des rats qui pullulent et qu’il convient désormais d’appeler «surmulots» pour ne pas les stigmatiser ; sous couvert d’embellissement urbain et de réappropriation de la ville, ils encouragent des aménagements urbains à l’esthétique douteuse ; sous couvert de végétalisation, ils s’extasient devant la prolifération des mauvaises herbes et vantent les bienfaits des micropotagers en pots de bétons qui deviennent d’immenses dépotoirs, faute d’être entretenus ; sous couvert d’agriculture urbaine, ils construisent des serres artificielles et énergivores sur les dernières parcelles de pleine terre disponibles ; sous couvert de ville inclusive et durable, ils déploient un mobilier urbain soi-disant écologique qui n’est en réalité qu’un enchevêtrement désordonné de palettes ou de rondins qui deviennent très rapidement des épaves urbaines ; sous couvert de lutter contre la pollution, ils s’engagent dans une croisade antisociale contre les automobilistes, à grand renfort de restrictions de circulation qui accentuent la congestion automobile et donc les pollutions sonores et atmosphériques ; sous couvert de préservation des espaces naturels, ils s’opposent au développement de nouvelles lignes de transports en commun pourtant écologiquement vertueuses ; et enfin, ils brandissent le droit au logement social pour surdensifier la ville en bétonnant les derniers espaces de respiration encore accessibles. Ce sont des escrologistes qui n’ont rien d’écologistes.
Cela fait bien longtemps que EELV a perdu le monopole de l’engagement environnemental et climatique.Pierre Liscia
Le bilan des mairies écologistes n’est-il que négatif ?
Il n’est pas négatif, il est inexistant. Cela fait bien longtemps que EELV a perdu le monopole de l’engagement environnemental et climatique. Aujourd’hui, tous les maires, quelles que soient leurs appartenances politiques, ont une ambition écologique pour leur commune. C’est une exigence démocratique et une nécessité climatique. Les présidents de région de droite comme Valérie Pécresse, Laurent Wauquiez ou Christelle Morançais, ont fait bien plus pour la cause environnementale en un mandat que certaines majorités écolo-socialistes en 15 ans.
En Île-de-France par exemple, les écologistes ont continué à acheter des bus diesel jusqu’en 2015, les transports en commun étaient dans un état de vétusté et de délabrement avancé, rien n’avait été fait en matière d’agriculture bio, de promotion des circuits courts, de gestion des déchets, de développement de l’économie circulaire, pas plus qu’en matière de recherche et d’innovation environnementale, d’urbanisme, de logement, de mobilités douces et décarbonées, de préservation des espaces naturels et de défense de la biodiversité. Depuis 2015, un euro sur deux du budget de la région Île-de-France est consacré à l’environnement. C’est inédit. Face à l’écologie punitive qui sanctionne et qui taxe, nous faisons le pari d’une écologie de la croissance durable et responsable, qui encourage, qui incite et qui accompagne les Français dans la transition écologique. Nous le faisons avec pragmatisme, bienveillance et sans idéologie. C’est comme cela que nous relèverons le défi climatique.