ANALYSES
GUERRE RUSSO-UKRAINIENNE
Alexandre Douguine, l’icône du nouveau traditionalisme impérial russe (1)

« L’empire est devenu notre destin. » Alexandre Douguine (2021)
Le plus célèbre des théoriciens du néo-eurasisme
Ses premiers articles de la revue Elementy – « revue eurasiste » fondée par lui en 1991 sur le modèle de la revue du GRECE, Éléments pour la civilisation européenne –, montrent que l’influence d’Evola – dont il a traduit en russe Impérialisme païen – a été déterminante dans la formation de sa pensée « métapolitique » (expression empruntée à Alain de Benoist, qu’il admire). Il s’en est expliqué en 1994 dans son essai intitulé « Julius Evola et le traditionalisme russe ». Mais il se réclame aussi des penseurs de la Révolution conservatrice allemande, et affirme, dans le bimestriel Lutte du peuple (n° 26, mars-avril 1995) – dirigé par Christian Bouchet –, qu’Evola fut « une des figures centrales de ce phénomène idéologique nommé la Révolution conservatrice ». En 1993, Douguine publie à Moscou un livre sur la Révolution conservatrice, qu’il connaît bien et qui le passionne. C’est en tant que traditionaliste, ou, si l’on veut préciser, en tant que traditionaliste révolutionnaire que Douguine fait ses premiers pas dans les mouvances d’extrême droite en Europe de l’Ouest. C’est ainsi que la revue de la Nouvelle droite belge, Vouloir, dirigée par Robert Steuckers (un ancien du GRECE), publie dans son numéro de janvier-février 1991 un « Entretien avec A. Douguine, éditeur traditionaliste à Moscou ». Il faut préciser qu’à l’initiative de Prokhanov, inspirateur du Front du salut national, Robert Steuckers et Alain de Benoist s’étaient rendus à Moscou pour participer à plusieurs rencontres publiques, patronnées notamment par Douguine[5].
On pouvait croire, au début des années 1990, que Douguine ne représentait qu’une variante russe de la Nouvelle droite franco-belge, en tenant compte notamment de l’influence exercée sur sa vision de l’empire eurasiatique par l’idéologue belge d’extrême droite Jean Thiriart (1922-1992) – qu’il avait rencontré en 1989 –, connu pour son projet de créer « l’empire euro-soviétique de Vladivostok à Dublin » (1981), dont se réclament certaines mouvances d’extrême droite qui se disent « nationalistes révolutionnaires ». Mais c’était là oublier les sources proprement russes de la pensée de Douguine, qu’il s’agisse de la tradition orthodoxe russe, de la pensée slavophile (Nikolaï Ya. Danilevski, 1822-1885, l’auteur de La Russie et l’Europe, 1869) ou des théoriciens de l’eurasisme – Nikolaï S. Troubetzkoy (1890-1938), Gueorgui V. Vernadski (1887-1973) et surtout Lev N. Gumilev (1912-1992). Douguine et Poutine ont repris à leur compte les deux concepts les plus célèbres forgés par Gumilev : celui du caractère multinational et multiethnique de la Russie, impliquant l’idée d’un destin historique commun des peuples eurasiens, et celui de la « passionarité » (ou de la « passionarité cosmique »), qui consiste à attribuer à chaque peuple une force vitale spécifique, composée d’énergie biocosmique et de force intérieure.
Rappelons, à la suite de Marlène Laruelle (2001), que le « postulat fondateur de la pensée eurasiste est le rejet de l’Occident[6] », ce qui se traduit, chez les idéologues traditio-nationalistes contemporains, par un rejet de l’occidentalisation ou de l’américanisation du monde, ou encore, ce qui revient au même, de la mondialisation ou du « mondialisme ». De la même manière, la critique radicale de l’européocentrisme par les slavophiles Léontiev et Danilevski fait partie du corpus idéologique du nouveau national-impérialisme russe, à côté de l’idée d’un destin unique d’une Russie entourée d’ennemis comploteurs, théorisée par Ivan Ilyine (1883-1954), cet admirateur du national-socialisme qui définissait en 1938 la révolution bolchevique, « fruit de la décomposition spirituelle européenne » et « enfant de l’athéisme européen » (ou produit de l’« infection antichrétienne » et du « matérialisme »), comme un « don mortifère de l’Occident à l’Orient puis au monde entier ».
Une inquiétante géopolitique néo-eurasiste
C’est en 1997 que Douguine publie son traité de géopolitique eurasiste, Les Fondements de la géopolitique. L’avenir géopolitique de la Russie, considéré comme son principal ouvrage, ce qui, dans les années qui suivent, renforce son statut de conseiller de plusieurs leaders politiques, nationalistes ou nationaux-communistes. En 1998, il devient conseiller à la Présidence de la Douma pour les questions stratégiques et géopolitiques. Notons au passage que, dans son analyse approfondie de l’ouvrage, le politiste américain John B. Dunlop se réfère au « traité néo-fasciste » de Douguine. La question reste de savoir s’il est éclairant de catégoriser en tant que « néo-fasciste » un tel ouvrage, eu égard à l’absence de consensus, dans les milieux savants, sur le sens de cette expression d’usage polémique. C’est là faire paresseusement l’économie d’une réflexion sérieuse sur ce qui relève, dans le corpus idéologique douguinien, de la résurgence, de la métamorphose, de la réinvention ou de l’émergence. Qu’y a-t-il de « fasciste » dans les écrits de Douguine ? Telle est la question préalable à laquelle il s’agit de répondre sur la base d’une enquête, d’une analyse critique et d’un travail d’interprétation. Mais il convient d’abord de construire un modèle d’intelligibilité du « fascisme ». Vaste question !
Le slogan des premiers slavophiles du milieu du XIXe siècle, celui de « l’Occident pourri » (ou « qui pourrit »), est loin d’avoir disparu de l’imaginaire national russe, exploité par des intellectuels-prophètes (comme Ilyine ou Douguine) et des démagogues autoritaires (comme Poutine) dans le sens d’un nationalisme messianique. « L’Antéchrist approche ! » : l’avertissement pessimiste de Léontiev, avec ses accents apocalyptiques repris en 1905 par Sergueï A. Nilus, le principal diffuseur des Protocoles des Sages de Siondans la Russie tsariste, fait aujourd’hui l’objet d’infinies variations. Mais l’Antéchist est désormais incarné par l’Occident et l’occidentalisation. Douguine ne cache pas sa vision diabolisante de l’Occident, comme dans ce texte publié en 2006 :
« Les eurasistes regardent la situation présente depuis leur propre perspective. Leur ennemi principal est la civilisation occidentale. Ils unissent en eux-mêmes toutes les thèses anti-occidentales (…) et sont prêts à faire alliance avec tous les patriotes et tous les défenseurs d’une politique de puissance (de droite ou de gauche) pour le salut de l’originalité russe face à la menace de la mondialisation et de l’atlantisme. (…) Pour nous, les eurasistes, l’Occident est le royaume de l’Antéchrist, le “lieu maudit”. Toutes les menaces contre la Russie viennent de l’Occident et des représentants des tendances occidentales en Russie. (…) Notre idée eurasiste consiste à opposer au mondialisme planétaire unipolaire sous l’égide des États-Unis un modèle alternatif de mondialisation multipolaire : une mondialisation régionale. »
Dans la conception douguinienne de la « géographie sacrale », on trouve aussi la trace d’une influence de Madame Blavatsky, la principale théoricienne de la théosophie. Il faut rappeler ici que Douguine et son ami (et inspirateur) Djemal avaient été exclus de l’organisation Pamiat’ pour occultisme. En 1993, Douguine a publié à Moscou un livre intitulé La Théorie hyperboréenne. Essai de recherches ariosophiques. Cette inspiration occultiste n’est pas étrangère au goût de Douguine pour les explications complotistes, notamment lorsqu’il aborde le rôle des Juifs dans l’histoire. Prenons un exemple. Dans un texte sur « les Juifs et l’Eurasie » (2000), Douguine, après avoir souligné la sur-représentation des Juifs « parmi les principales élites bolcheviques et politiques de l’État soviétique », affirme que « le grand effondrement de l’État soviétique fut le résultat direct du retrait du lobby juif de la position bolchevique étatiste créatrice [sic], et de sa complicité directe ou indirecte avec l’Occident capitaliste atlantiste, anti-soviétique, hostile ». Tout se passe donc comme si les Juifs avaient trahi la Russie nationale-bolchevique pour se rallier au camp du capitalisme occidental et en devenir les agents les plus actifs. Pour Douguine, la disparition de la Russie soviétique, notamment en raison de la trahison ou de la désertion des Juifs, est un événement regrettable. On notera que cette analyse est parfaitement congruente avec la fameuse déclaration faite en 2005 par le président Poutine, ancien agent du KGB, selon laquelle la chute de l’Union soviétique en 1991 a été « la plus grande catastrophe géopolitique du XXe siècle », en ce que cet effondrement, comme il l’a précisé en 2021, a été « une désintégration de la Russie historique ». On comprend pourquoi, à partir de 2000, Douguine a apporté à Poutine un soutien oscillant, selon les circonstances, entre l’inconditionnalité et la critique modérée[7].
Dans un long entretien avec la journaliste Galia Ackerman publié à l’été 2014, alors qu’il était un proche du conservateur Sergueï Glaziev, conseiller de Poutine pour l’intégration eurasienne, Douguine résumait ainsi sa pensée politique, clairement anti-occidentale :
« L’eurasisme est une continuation de la pensée slavophile qui exalte l’originalité de la civilisation russe. C’est une vision du monde qui se base sur la multipolarité. Nous rejetons l’universalisme du modèle occidental, protestons contre le racisme culturel européen et affirmons la pluralité des civilisations et des cultures. Pour nous, les droits de l’homme, la démocratie libérale, le libéralisme économique et le capitalisme sont seulement des valeurs occidentales ; en aucun cas des valeurs universelles. (…) Les idées que je développe depuis trente ans sont à présent partagées par une partie importante de la société russe et se trouvent à l’origine de la création par Vladimir Poutine de l’Union eurasienne. »
En septembre 2014, sur le site d’Evrazija, Douguine publie un article intitulé « Géopolitique de la Novorossia : sauver Poutine » où il attaque avec virulence les États-Unis et l’OTAN, accusées de comploter contre la Russie, le peuple théophore par excellence selon lui. L’article se termine par cette profession de foi patriotique colorée d’impérialisme :
« Il faut constituer une nouvelle force patriotique pro-Poutine, pour la Novorossia, pour la Russie, pour la Grande Union eurasienne. (…) Non en l’attente de remerciements et d’honneurs, mais pour attaquer directement l’ennemi, le mal, la mort et ses réseaux. Pour Poutine ! Dieu est avec nous, nous sommes de Russie, entendez peuples, et soumettez-vous, car Dieu est avec nous. »
Quelques mois auparavant, Douguine concluait son entretien avec Galia Ackerman en appliquant sa vision géopolitique belliqueuse à la question de l’Ukraine :
« Les néo-nazis ukrainiens nous lancent un défi. Or la Russie s’est déjà déclarée garante de la sécurité de la population russe du sud et de l’est de l’Ukraine. Poutine est obligé d’intervenir militairement. Il n’a pas le choix. (…) La Renaissance russe ne peut s’arrêter qu’avec la prise de Kiev. Et encore… Une fois Kiev prise, la question se posera : faut-il s’arrêter ou bien continuer la marche vers l’Ouest ? Une décision trop modérée pourrait transformer la victoire russe en défaite (…). À l’instar de Caton l’Ancien (…), je suis prêt à répéter, inlassablement : “Poutine, il est temps de faire entrer nos troupes en Ukraine !” Ceux qui défient le peuple russe doivent être écrasés. »
Le « traditionalisme révolutionnaire » et expansionniste théorisé par Douguine à la suite d’Evola est la base doctrinale d’une nouvelle « religion politique » (au sens donné à cette expression par Eric Voegelin en 1938) ou un nouveau gnosticisme comportant une théorie de l’action, comme les totalitarismes du XXesiècle. Mais il peut aussi être compris, plus précisément, comme un nouveau fascisme, en prenant ce terme comme une catégorie classificatoire et non comme une étiquette polémique. On trouve en effet, dans Les Templiers du prolétariat, ouvrage publié par Douguine en 1997, un court chapitre titré « Le fascisme immense et rouge » qui se termine ainsi : « L’écrivain fasciste français Robert Brasillach prononça avant sa mort une prophétie étrange : “À l’Est, en Russie, je vois monter le fascisme, le fascisme immense et rouge.” Remarquez : non pas le national-capitalisme pâle, brunâtre et rose, mais l’aube éblouissante de la nouvelle révolution russe, le fascisme immense, comme nos terres, et rouge, comme notre sang. » En 2006, le journaliste russe Andreï Piontkovski décrivait sans fard l’idéologue « national-bolchevik » : « Douguine, ce fasciste qui ne cache pas son adoration pour l’esthétique et les pratiques SS, occupe les écrans des chaînes d’État à longueur de journée. Il est devenu l’un des idéologues officiels du régime. »
L’année suivante, dans son livre sur le néo-eurasisme dans la Russie contemporaine, La Quête d’une identité impériale, la chercheuse Marlène Laruelle notait que Douguine était « devenu l’un des penseurs les plus à la mode, diffusant, selon des circonstances difficiles à suivre, le mythe d’une grande puissance russe, accompagné de présupposés impérialistes, racialistes et ésotériques euphémisés dont la portée reste encore imprécise mais qui ne peuvent être sans conséquence ». Mais cette popularité de Douguine en Russie ne fait pas de lui le « guide spirituel » de Poutine (ou encore « le Raspoutine de Poutine »), encore moins le « cerveau de Poutine », comme on ne cesse de le répéter dans la presse occidentale malgré les mises en garde des spécialistes de la Russie poutinienne. Le fait qu’il partage telle ou telle vision politique ou géopolitique avec Poutine ne permet pas non plus de le caractériser comme un « proche de Poutine ».
Douguine, qui reconnaît en Poutine un « réaliste pragmatique » d’esprit conservateur s’inspirant de divers courants idéologiques (à commencer par l’eurasisme), s’est clairement et activement rallié à l’autocrate qui a pris la décision d’envahir l’Ukraine pour l’intégrer dans le nouvel empire russe qu’il rêve de créer. Interviewé par la revue Éléments en juin 2022, Douguine n’a pas hésité à déclarer, reprenant les « mots » de son « grand ami Jean Parvulesco » (écrivain traditionaliste auquel il avait consacré une grande émission sur Radio Moscou en 1997) : « L’entrée de l’armée russe en Ukraine relève de ce qu’il appelait la “marche dogmatique des choses”, l’équivalent de la Providence dans la tradition chrétienne, ou de la ruse de l’histoire selon Hegel. » Et d’ajouter : « Cette opération devait avoir lieu parce qu’elle s’inscrit dans une vision géopolitique logique : le retour de l’Ukraine comme partie organique de l’État impérial. » Ladite « opération militaire spéciale » doit selon lui être « comprise comme un pas décisif pour établir la Russie comme une civilisation, comme un pôle souverain dans un monde multipolaire », en vue de pulvériser le « monde unipolaire libéral ». C’est pourquoi l’affrontement étant compris comme une figure du conflit fondamental entre « la puissance de la Mer, la thalassocratie anglo-saxonne, et la puissance de la terre, la puissance tellurique eurasiatique[8] », il « s’agit d’une question de vie ou de mort pour les Russes », comme il l’affirme en juin 2022 : « Sans la victoire, c’est l’existence de la Russie qui serait remise en cause. (…) Poutine est désormais dans une situation où il n’y a qu’une issue possible : la victoire. Et encore, est-ce là le grand minimum. »
Sans être « le cerveau de Poutine », comme on l’a souvent qualifié dans les médias, Douguine n’a cessé d’appeler à mettre au pas l’Ukraine pour l’intégrer dans l’empire russe et l’espace eurasiatique de ses rêves. Sur ce point, il y a bien convergence entre leurs visions géopolitiques. Mais il serait hasardeux de considérer Douguine comme exerçant une influence directe sur Poutine, au point d’être son « guide spirituel », notamment en ce qui concerne la décision d’envahir l’Ukraine. On sait qu’il n’a jamais rencontré le président russe en tête-à-tête, ce qui devrait empêcher de le présenter comme un « proche conseiller de Poutine » ou, métaphoriquement, comme son « Raspoutine ». Il est plus juste de le caractériser comme un « influent allié de Poutine » (The New York Times, 22 août 2022) dans sa guerre néocoloniale non déclarée contre l’Ukraine.
Notes
[1] Marlène Laruelle, « Alexandre Dugin ; esquisse d’un eurasisme d’extrême droite en Russie post-soviétique », Revue d’études comparatives Est-Ouest, 32 (3), 2001, pp. 85-103 ; « Alexander Dugin and Eurasianism », inMark Sedgwick (ed.), Key Thinkers of the Radical Right: Behind the New Threat to Liberal Democracy, Oxford & New York, Oxford University Press, 2019, pp. 155-169 ; Anton Shekhovtsov, « Alexander Dugin and the West European New Right, 1989-1996 », in Marlène Laruelle (ed.), Eurasianism and the European Far Right: Reshaping the Europe-Russia Relationship, New York & Londres, Lexington Books, 2015, pp. 35-53.
[2] Marlène Laruelle, L’Idéologie eurasiste russe ou comment penser l’Empire, préface de Patrick Sériot, Paris, L’Harmattan, 1999 ; La Quête d’une identité impériale. Le néo-eurasisme dans la Russie contemporaine, Paris, Éditions PÉTRA, 2007 ; (ed.), Eurasianism and the European Far Right: Reshaping the Europe-Russia Relationship, New York & Londres, Lexington Books, 2015.
[3] Françoise Thom, « Eurasisme et néo-eurasisme », Commentaire, n° 66, été 1994, pp. 303-309.
[4] Mathyl Markus, « The National-Bolshevik Party and Arctogaia: Two Neo-Fascist Groupuscules in the Post-Soviet Political Space », Patterns of Prejudice, 36, 2002, pp. 62-76.
[5] Pierre-André Taguieff, Sur la Nouvelle droite. Jalons d’une analyse critique, Paris, Descartes et Cie, 1994, pp. 29-42.
[6] Marlène Laruelle, « Le néo-eurasisme russe. L’empire après l’empire ? », Cahiers du Monde russe, 42/1, janvier-mars 2001, p. 74.
[7] A. Douguine, Vladimir Poutine, le pour et le contre (Écrits eurasistes – 2006-2016), préface d’André Chanclu, Nantes, Ars Magna, 2017.
[8] A. Douguine, « Qui es-tu Vladimir Poutine ? » (entretien), Éléments pour la civilisation européenne, n° 163, novembre-décembre 2016b, pp. 78-81.
Auteur
Pierre-André TAGUIEFF. Philosophe. FRONT POPULAIRE
Publié le 27 août 2022