Chronique de la barbarie ordinaire

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Aussi graves, aussi sordides soient-ils, les agressions, les viols, les meurtres ne défraient plus l’actualité : ils la constituent. Ils ne viennent pas rompre, un temps, la concorde civile, ils l’ont fait depuis longtemps voler en éclats. La ramener en France ne nécessitera pas des réformes ou des renforts, pourtant nécessaires, mais une révolte, voire une révolution. 

Par  La rédaction de Valeurs actuelles

Publié le 20 octobre 2022

Marin et sa mère au tribunal de Lyon. Photo © JEFF PACHOUD / AFP

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Ils se produisent aux quatre coins de la France, dans les banlieues des grandes villes comme dans les campagnes. Ils visent des Français ordinaires, innocents. Des hommes, des femmes, des enfants. Ils ont pour nom viol, agression au couteau, passage à tabac, voiture folle. Ils racontent un pays devenu lentement invivable. Pour dresser cette macabre “chronique de la barbarie ordinaire”, il n’a pas été nécessaire de beaucoup chercher ni de remonter très loin dans le temps. C’est tout le temps, c’est partout : il n’y a qu’à ouvrir les yeux.

A LIRE 

Rudy, victime collatérale de l’ensauvagement à l’école

Adam, la mort sur le trottoir 

Le 21 août 2021, Adam, 9 ans, était percuté mortellement par une voiture alors qu’il se trouvait sur le trottoir en compagnie de sa mère et de ses deux sœurs. Ce jour-là, un chauffard déboule sur l’avenue de Monsieur-Teste, à Montpellier, en excès de vitesse. L’individu est un ressortissant marocain, conduisant alcoolisé et sous l’emprise de stupéfiants. Adam, fauché par la voiture, est mort sur le coup ; sa mère et l’une de ses sœurs sont transportées d’urgence au CHU pour des blessures à la tête et aux jambes. Finissant sa course dans un mur, le chauffard, âgé de 34 ans, est arrêté, mis en examen pour homicide et blessures involontaires, et placé en détention provisoire. Remis en liberté le 22 août 2022, sous contrôle judiciaire, il tente de prendre la fuite vers le Maroc. Il sera interpellé le 25 août à l’aéroport de Marignane et réincarcéré. Pour combien de temps ?

Rudy à l’école de la sauvagerie 

A LIRE 

Affaire Marin : l’agresseur libéré de prison grâce à une remise de peine

Le 3 octobre 2022, vers 14 heures, Rudy est pris à partie par quatre camarades de son lycée dans les rues de Saint-Maxi-min, dans le Var. Provocations, insultes, bousculades, ses agresseurs lui font comprendre qu’il va “déguster”. Coups de pied, de poing, le déchaînement de violence est stupéfiant. Les cartables sont utilisés pour cogner plus fort. Acculé, l’adolescent réplique à l’aveugle, face à des gamins qu’il ne connaît même pas. Cette scène, le jeune Rudy la revivra quelques heures plus tard, cette fois dans l’enceinte même de son lycée professionnel. Un cauchemar qui dure depuis un an. Le jeune homme boite, à cause d’un handicap de naissance. Il y a quelques années, on l’a diagnostiqué hyperactif, et ses camarades en font leur tête de Turc. Il est harcelé en permanence, aux airs de « canard boiteux » ou de « sale handicapé ». Pour l’heure, ses agresseurs ont interdiction de contact avec la victime, et leur jugement aura lieu début 2023. Rudy a changé d’école, mais devra faire une à deux heures de route pour suivre sa formation aux métiers de la sécurité. Même à la campagne, vivre en paix devient un luxe.

A LIRE 

Alban Gervaise, mort dans l’indifférence

Tués au couteau de boucher 

La ville de l’Anjou, dont la douceur de vivre fut chantée par Joachim du Bellay, n’échappe pas à la terrible réalité du pays. Le 16 juillet 2022, sur le quai de la Maine à Angers, Khawad, un Soudanais de 32 ans en situation irrégulière, vient aborder deux jeunes filles. Il est 1 heure du matin. La présence un peu envahissante du migrant pousse les deux demoiselles à appeler les forces de l’ordre. Quand la police arrive, l’homme décampe une première fois. Il revient à la charge une heure plus tard. Le ton monte, l’échauffourée est proche ; trois jeunes garçons, de passage, s’interposent. À nouveau, l’homme prend la fuite mais réapparaît bientôt armé d’un couteau de boucher et poignarde ceux qui, quelques minutes plus tôt, l’avaient sommé de quitter les lieux. Les garçons s’effondrent, mortellement blessés. Ils avaient 16, 18 et 20 ans. Deux d’entre eux étaient membres du club de rugby de la ville. Venus secourir deux jeunes filles, ils ont perdu la vie au pied du château d’Angers, sur les pelouses où étudiants, ados et familles viennent passer leurs soirées d’été.

Violée dans son appartement 

« Il m’a jetée au sol, il voulait m’embrasser, je l’ai repoussé, je me débattais, mais il était trop fort. Il m’a déshabillée et il m’a violée, en mettant un coussin sur mon visage. » Tel est le témoignage donné au Courrier picard par Béatrice, 58 ans, quelques jours après l’agression dont elle a été la victime le 2 octobre 2022. Alors qu’elle regagne son appartement, à Soissons (Aisne), Béatrice est suivie par un inconnu dans les couloirs de son immeuble. L’inconnu, un réfugié afghan de 26 ans en situation irrégulière, pénètre de force avec elle dans son appartement et se jette sur elle. Violée à deux reprises, Béatrice parvient, à force de hurlements, à alerter les voisins qui appellent les forces de l’ordre. Interpellé, le violeur est placé en garde à vue. Deux ans plus tôt, il avait déjà été mis en cause pour viol. « Il m’a détruite. Pourquoi moi ? Qu’est-ce que j’ai fait ? », se désole Béatrice avant de former un dernier vœu : « Qu’il paye cher. »

L’agresseur de Marin est libre 

Le 11 novembre 2016, Marin s’interpose pour défendre un couple dérangé par un groupe de jeunes. Cet élan d’altruisme, un des jeunes, de 17 ans, ne semble pas le comprendre. L’adolescent prend à partie l’étudiant en droit. Il le frappe violemment à la tête à plusieurs reprises. Marin est laissé pour mort. Plongé dans le coma, il se bat durant onze jours pour rester en vie. Il s’en sort miraculeusement, mais portera pour toujours les stigmates de cette agression. Six ans ont passé. Avec sa mère, Marin fonde l’association La Tête haute pour sensibiliser la jeunesse au civisme et accompagner les familles de patients cérébrolésés. Son dévouement est reconnu par l’État et le pape. En attendant, son agresseur, lui, vient de sortir de prison. Le 13 octobre, la justice lui a fait bénéficier d’une remise de peine. Une libération qui interpelle la mère de Marin. Dans un post Facebook, elle forme le vœu auprès du bourreau de son fils « que cette détention et que la famille qu’il a fondée durant celle-ci auront pu le faire grandir et saisir la fragilité de la vie humaine et le don du ciel qu’elle représente ».

Le journaliste dont la presse n’a pas parlé 

Il avait beau être ancien journaliste, sa mort fut largement ignorée par la presse nationale. Le 18 juillet dernier, Gérard Corneloup était violemment agressé, tabassé, pour une pochette, dans le hall de son immeuble, à Lyon, par des hommes aujourd’hui en fuite. Il succombera à ses blessures huit jours plus tard. Bibliothécaire de formation, cet homme souriant, gentil et passionné de 76 ans connaissait tous les secrets de la capitale des Gaules et avait collaboré à des journaux, comme le Figaro Lyon, où il animait des rubriques sur l’histoire et le patrimoine. L’annonce de son agression et de son décès, d’abord relayée sur les réseaux sociaux, avait fini par déclencher un déluge de réactions indignées, surtout à droite. Même l’ancien maire PS Gérard Collomb avait avoué ne plus reconnaître sa ville, dirigée désormais par les écologistes. « Lyon qui devient la troisième ville où la délinquance et les violences augmentent le plus, quel crève-cœur ! », s’était ainsi désolé l’ex-ministre de l’Intérieur.

La grand-mère et les trois petits jeunes 

Elle s’appelle Angèle Houin. Elle est retraitée, a 89 ans. Le 29 août 2022, elle regagne son domicile, après avoir fait ses courses à Cannes, dans le quartier de la Bocca. Trois jeunes s’approchent d’elle. La vieille dame ne se méfie pas. Elle a tort. Un premier coup part, bientôt suivi de nombreux autres. L’un des jeunes lui subtilise son sac pendant que le troisième agresseur, comme souvent, filme la scène. Angèle Houin ne s’était même pas rendu compte qu’elle était attaquée. « Je n’ai rien vu, rien senti. Quand je me suis réveillée, j’ai dit aux pompiers : “Je suis tombée. ” Ils m’ont dit : “Non. ” » Ce n’est qu’à l’hôpital que la grand-mère visionne les images de sa violente agression. La Cannoise souffre de multiples fractures faciales et de nombreuses contusions. L’octogénaire porte plainte contre ses agresseurs, trois mineurs de 14 et 15 ans. On apprendra que la famille de l’un des accusés avait proposé de l’argent en échange du silence de la victime. Les trois suspects comparaîtront devant un tribunal pour enfants le 30 novembre prochain. Ils ont été placés sous contrôle judiciaire dans des centres éducatifs fermés, à Marseille, Bordeaux et Saint-Étienne.

La douleur de Karine 

Le 29 juin 2022, au tribunal d’Évry, le verdict est tombé. Bamdad A. est reconnu coupable. Pour deux viols, sur Karine et Samantha, et une agression sexuelle en récidive, il est condamné à six ans de prison. En réalité, quatre ans avec sursis et deux ans ferme mais aménageables. Le chauffeur violeur est donc ressorti libre du tribunal. La victime, Karine Sanzalone, 25 ans, est désespérée par cette peine qu’elle juge dérisoire. Elle a été violée quand elle avait 19 ans et son agresseur ne fera pas de prison ferme. Pourtant, le tribunal a reconnu la répétition d’un mode opératoire chez l’homme, déjà condamné en 2016 pour trois agressions sexuelles sur mineur. Il n’avait écopé alors que d’un an de prison. En juin 2022, le tribunal justifie cette faible peine au prétexte que « six ans se sont écoulés depuis les faits » et qu’entre-temps l’homme a « stabilisé sa vie », étant désormais « père d’une petite fille de 2 ans ». Quand la justice préfère la réinsertion (supposée) du prédateur sexuel à sa mise hors d’état de nuire.

Alban Gervaise, le père tranquille 

Ce 10 mai 2022, aux alentours de 18 heures, Alban Gervaise se gare en face de l’école privée Sévigné, petite citadelle catholique plantée au cœur des quartiers nord de Marseille, où sont scolarisés ses deux garçons de 3 et 7 ans qu’il est venu chercher. À l’arrière, dans son siège auto, sa petite fille de 16 mois babille. À peine ce médecin militaire de 41 ans a-t-il ouvert la porte de sa voiture qu’un forcené se jette sur lui et lui assène des coups de couteau au thorax. Trois hommes tentent de stopper l’enragé qui s’acharne sur sa victime. Ils parviennent à l’immobiliser en attendant l’arrivée de la police et des marins-pompiers de Marseille, qui porteront les premiers secours au jeune père en arrêt cardio-respiratoire, qui succombera à ses blessures seize jours plus tard. « Laissez-moi le finir, c’est le diable. Au nom de Dieu il l’a mérité, je lui ai planté trente coups de couteau », aurait jeté l’agresseur aux policiers dépêchés sur place, selon une source proche du dossier. Pour la justice, le meurtrier, Mohamed L., 23 ans, n’est ni fou ni terroriste : à l’issue de sa garde à vue, il a été placé en détention provisoire plutôt qu’interné en psychiatrie. L’hypothèse terroriste a quant à elle été écartée, aucune trace de radicalisation n’ayant été retrouvée à son domicile.

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