Guillaume Tabard: «Loi immigration, une répartition des rôles trompeuse»

Par Guillaume Tabard

20 décembere 2022 LE FIGARO

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Gérald Darmanin, ministre de l’Intérieur, est chargé de mener le projet de loi immigration avec Olivier Dussopt, ministre du Travail. KENZO TRIBOUILLARD/AFP

CONTRE-POINT – Il ne suffit pas de brandir d’une main un titre de séjour pour des métiers «en tension», et de l’autre le retour de la «double peine» pour atteindre un équilibre nécessaire entre fermeté et humanité.

Les retraites et l’immigration. Voilà les deux grands chantiers législatifs du premier trimestre 2023. Deux tests de la capacité du gouvernement à construire une majorité. Deux défis majeurs de ce second quinquennat.

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Le projet de loi immigration a ceci de particulier d’être porté par deux ministères n’ayant pas si souvent l’occasion de travailler ensemble, le Travail et l’Intérieur. Paresseusement, on dirait un ministère de gauche et un ministère de droite. Comme si la première avait le monopole du social et la seconde celui de l’autorité. Qu’un Jean-Louis Borloo ait marqué la Rue de Grenelle et Pierre Joxe laissé sa trace Place Beauvau suffit à relativiser les étiquettes.

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Le choix des occupants de ces deux ministères semble pourtant confirmer cette assignation. Gérald Darmanin vient de la droite, Olivier Dussopt de la gauche. Et ils sont souvent présentés comme étant emblématiques de leurs camps d’origine. Mais le macronisme est un art de brouiller les pistes. D’une réforme, discrète mais réelle, de la fonction publique, durant le premier mandat, au report de l’âge légal de départ en retraite, en passant par le durcissement des règles de l’assurance-chômage, Dussopt le socialiste est préposé aux réformes plus salées que sacrées, que l’on qualifierait donc plus spontanément de droite. Quant à Darmanin, il entend s’adresser en priorité aux catégories populaires, ce qui le tient à distance du discours libéral classique, et il est souvent celui qui donne la repartie à Marine Le Penet au Rassemblement national, avec des accents qui furent longtemps ceux de la gauche.

C’est dire si sur ce projet de loi immigration, il n’y a pas le sécuritaire d’un côté et l’humanitaire de l’autre ; le ferme et le laxiste ; le «gentil» et le «méchant» pour utiliser les mots fétiches du ministre de l’Intérieur. Mais il ne suffit pas de prétendre à l’équilibre pour l’atteindre. Il ne suffit pas de brandir d’une main un titre de séjour pour des métiers «en tension» – lesquels ne le sont pas? – et de l’autre le retour de la «double peine» – l’expulsion des étrangers condamnés – pour atteindre un équilibre nécessaire entre fermeté et humanité.

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Le centre de gravité ne se définit pas uniquement par rapport à ce que l’exécutif croit juste, mais aussi par rapport à ce que l’opinion attend, voire exige. Or, dans l’entretien au Figaro, Darmanin dit lui-même que les trois «révolutions» apportées par leur texte touchent à l’intégration, au travail et au respect des règles par les étrangers «présents sur notre sol». L’insistance est donc sur la gestion des étrangers déjà en France – et il y a certes une kyrielle de points à améliorer – pas sur la régulation ou a fortiori la limitation, ou encore moins la diminution de cette immigration. Et la fin de la très relative et très provisoire réduction des visas pour les ressortissants des pays du Maghreb s’ajoute à ce constat.

Pour convaincre l’opinion, il faudra donc faire bouger le curseur vers la droite. C’est de toute façon une obligation politique car, en dépit de cette fameuse volonté d’équilibre affichée, c’est avec LR et LR seulement qu’une majorité peut être trouvée à l’Assemblée et au Sénat. Dans nos colonnes, le ministre de l’Intérieur leur tend clairement la main. Mais le compte peut-il y être? Il n’est pas inenvisageable que le Darmanin de droite ne parvienne pas à embarquer LR alors que le Dussopt de gauche l’a fait sur l’assurance-chômage et pourrait y réussir sur les retraites. Ce ne serait pas une affaire de savoir-faire personnel, mais simplement la preuve que l’étiquetage politique traditionnel n’a plus cours.

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