«Les choses» et leur contraire
Georgia Ray CAUSEUR
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28 janvier 2023

La rééducation mentale menée par les woke bénéficie de la complicité de nos plus grands musées. «
Face aux maîtres anciens, il faut désormais parler féminisme, colonisation et écocide.
Preuve au Louvre, avec l’exposition « Les choses. Une histoire de la nature morte », qui se souciait plus d’accuser l’homme de crime contre la nature que de faire honneur aux chefs-d’œuvre qu’elle présentait.
« Les choses : une histoire de la nature morte » : c’est le titre de l’exposition (heureusement) temporaire que le Musée du Louvre propose depuis le 12 octobre à un public enthousiaste à l’idée de retrouver la vie silencieuse des fleurs, fruits, pêche, chasse et objets disposés au fil des siècles par des peintres qui y ont raconté nos croyances, nos goûts, nos habitudes, nos craintes et nos rêves. Le monde évanoui de la nature morte, des vanités de Philippe de Champaigne aux vases de Giorgio Morandi, en passant par la corbeille de fruits du Caravage, le cardon de Sánchez Cotán, le citron pelé de Heda ou la brioche de Chardin, a fait naître des récits de matière et d’âme que nous continuons à écouter du regard. Ces tableaux dont nous sommes absents parlent de nous, mais plus discrètement qu’un portrait ou qu’une peinture d’histoire ne saurait le faire, et, baignés d’une lumière qui ne nous éclaire pas, nous sommes touchés au cœur par la peau des choses.
Ne pas heurter les sensibilités et faire pénitence
C’est justement ce mot – les « choses » – que la commissaire d’exposition Laurence Bertrand Dorléac, historienne de l’art, a désiré substituer à l’appellation « nature morte », jugeant cette dernière « bêtement inventée au XVIIIe siècle », « imbuvable » et « inadaptée à la situation », dans un ouvrage humblement intitulé Pour en finir avec la nature morte (2020) dont l’exposition du Louvre est une forme (heureusement, à nouveau) condensée.
Ce curieux tapage sémantique sert une cause admirable : il n’est plus possible, aujourd’hui, de dire de la nature qu’elle est morte et il est temps d’en finir avec une expression si peu ajustée aux nouvelles sensibilités contemporaines.
L’écho à l’exposition de 1952, conduite en son temps à l’Orangerie des Tuileries par le conservateur du Louvre Charles Sterling, ne sera donc pas un « remake » (sic) : « Notre projet n’est pas de dresser un panorama de la nature morte, mais de nous intéresser à certains points aveugles ou qui méritent d’être reconsidérés à la lumière de notre sensibilité actuelle. À cet égard, ce seront les artistes contemporains qui nous donneront envie de visiter les temps anciens. » Points aveugles à reconsidérer, sensibilité actuelle, artistes-guides contemporains : le triptyque post-culturel préposé à la rééducation du regard renvoie Charles Sterling et sa magnifique histoire de La Nature morte (…)
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