Stéphane Buffetaut 27 janvier 2023. BOULEVARD VOLTAIRE

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Le lancement du film Vaincre ou mourir consacré au chevalier de Charette et aux guerres de Vendée a déchaîné la fureur vengeresse de la critique de gauche. Rien qui ne puisse surprendre, car ces spécialistes du travestissement historique et du révisionnisme marxiste-léniniste ne pouvaient tolérer que l’on montre au grand public ce que fut la réalité de la Révolution française à partir de l’instauration de la tyrannie jacobine. En guise d’inauguration, la République première du nom encouragea les massacres de septembre (2 au 7 septembre 1792) où femmes, enfants, religieux et détenus furent dépecés avec sauvagerie. Il fallait frapper de terreur ceux qui auraient eu des velléités de s’opposer au nouveau régime issu du renversement de l’ordre constitutionnel. La Terreur « légale » allait bientôt suivre.
Pour la critique de gauche, venue du Monde en passant par Libération, Première ou Télérama, le mot d’ordre est à la démolition. Les arguments cinématographiques cachent mal le combat idéologique. Libération ironise sur les « méchants républicains » et les « bons royalistes ». Mais en effet, lorsque les républicains exterminent deux cent mille personnes en quelques mois (hommes, femmes, enfants et vieillards), il est permis de considérer qu’ils ont été très « méchants ». Dans mon propre village de Vendée, une des colonnes infernales massacra 102 personnes. Un révolutionnaire qui tenait un cahier précis des horreurs a noté : « La fusillade d’Apremont a ôté la vie à soixante-quinze hommes et vingt-sept femmes, en tout cent deux » et d’ajouter que, parmi les femmes, se trouvaient « trois jeunes filles très jolies et plusieurs femmes enceintes. Elles ont toutes été fusillées sans réserve. » Oui, M. Quinio, c’est en effet assez « méchant » et ceci s’est reproduit dans toute la Vendée.
Pourquoi tant de fureur ? Tout simplement parce que la Révolution est le mythe fondateur de la République. Clemenceau, en affirmant que « la révolution est un bloc », n’a pas rendu service à la cause car il rendit indissociables les espoirs du début de la Révolution et les ignominies jacobines, comme s’il eût été impossible d’avoir les uns sans les autres. Ce que l’Histoire de bien de nos pays voisins dément. La dictature jacobine fut bien le premier exemple de totalitarisme moderne : un clan qui investit les rouages de l’État et se substitue à lui, la suppression de toutes les libertés élémentaires, les persécutions religieuses, les guerres de conquête idéologique et territoriale, les crimes de masse légalisés, le changement de noms des communes, les discours fleuves plein d’enflure, la propagande et jusqu’au terme « citoyen » qui annonce le camarade du XXe siècle.
Les faits sont connus, indubitables : les massacres sur des populations désarmées, voulus, planifiés et légalisés. La confrontation des décrets adoptés, des ordres écrits donnés, des correspondances échangées doit être rapprochée de la jurisprudence du tribunal de Nuremberg, des horreurs de l’ex-Yougoslavie, du Rwanda ou encore du Cambodge. La conclusion est sans appel : la Première République a été coupable de crimes de guerre, de crimes contre l’humanité et de génocide. Le diplomate et juriste Jacques Villemain l’a clairement démontré (Génocide en Vendée 1793-1794 CERF).
Voilà qui écorne la fable officielle de la République apportant la liberté au monde. C’est donc intolérable pour la gauche, d’autant que la révolution jacobine a été l’inspiratrice de la révolution bolchevique. En 1918, Lénine n’avait-il pas fait adopter par le conseil des commissaires du peuple le décret sur la Terreur rouge, dont Trotski fut un exécuteur zélé. Et l’on peut affirmer que la division Das Reich aurait pu prendre pour exemple les colonnes infernales qui ont multiplié les « Oradour-sur-Glane » à travers toute la Vendée. Elles se sont distinguées, de façon sinistrement emblématique, aux Lucs-sur-Boulogne où furent massacrées 564 personnes, dont 127 enfants de moins de 10 ans (février 1794). Depuis les jacobins, le totalitarisme a pris plusieurs formes, marxiste-léniniste ou national-socialiste. Frères ennemis qui se firent la guerre mais qui commirent des ignominies similaires et méprisèrent la vie humaine avec la même cruauté et le même cynisme. Si bien des politiciens, des intellectuels et des artistes se sont aveuglés par idéologie sur cette réalité, un homme, chef spirituel et chef du plus petit État du monde, lui, ne s’est pas laissé abuser : Pie XI qui, à huit jours d’intervalle en mars 1937, a condamné successivement le nazisme (encyclique Mit brennender Sorge) et le communisme (encyclique Divini redemptoris). Rare lucidité d’un homme qui « incarnait la résistance des droits les plus sacrés des hommes aux assauts furieux de l’absolutisme totalitaire » (René Pinon, Revue des deux mondes, mars 1939).
La République française qui aime faire repentance et qui, depuis 1990, a fait du négationnisme des crimes contre l’humanité un délit passible de poursuites serait bien inspirée, pour ce qui concerne la Vendée, de s’appliquer à elle-même sa propre législation.