9 février 2023
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Guillaume Roquette, directeur de la rédaction du Figaro Magazine. Le Figaro
Plutôt que de chercher des poux dans la tête des Américains et de crier au protectionnisme, nous ferions mieux de nous inspirer de leur exemple.
C’est une situation si aberrante qu’on a du mal à la croire vraie: en Europe, le prix final de l’électricité est indexé sur les coûts du mode de production le plus onéreux, celui des centrales à gaz. Dans l’indifférence générale, l’Union européenne a mis en place ce curieux système pour le plus grand profit de l’Allemagne et au détriment de la France. En effet, sans cette organisation du marché, nos centrales nucléaires nous permettraient, surtout en ce moment, d’avoir une électricité beaucoup moins chère que celle de nos voisins et concurrents. Un avantage compétitif dont notre industrie aurait bien besoin, mais dont les Allemands ont réussi à nous priver en faisant pression sur Bruxelles. «L’obsession allemande depuis trente ans, c’est la désintégration d’EDF et ils ont réussi», expliquait récemment l’ancien président de l’entreprise publique, Henri Proglio. Comme le dit cocassement l’ancien ministre Arnaud Montebourg: «Nous sommes en train de nous suicider au gaz.»
Le problème de la France est qu’elle veut à tout prix être le meilleur élève de la classe européenne, y compris à son désavantage. Quand d’autres pays comme l’Espagne ou le Portugal ont obtenu de déroger aux règles du marché européen de l’électricité, nous préférons multiplier les boucliers et amortisseurs tarifaires pour modérer l’envolée des prix du kilowattheure, creusant d’autant notre déficit public national. Le gouvernement affirme désormais qu’il veut faire changer le système mais la Commission ne semble pas très pressée.
Comme souvent, les Américains se montrent beaucoup plus pragmatiques que nous. Indifférents aux beaux discours sur la solidarité entre alliés, ils défendent d’abord et avant tout leurs intérêts.
Le Congrès a ainsi adopté l’été dernier un gigantesque plan d’aides publiques (370 milliards de dollars) pour subventionner massivement les investissements favorisant la transition énergétique… à condition que les entreprises aidées produisent sur place. L’Union européenne crie au protectionnisme et déplore les possibles délocalisations d’entreprises européennes aux États-Unis, alors qu’il ne s’agit que d’une politique sensée de préférence nationale (ou de patriotisme économique si l’on préfère).
«Je ne m’excuse pas», a répondu crûment Joe Biden à Emmanuel Macron qui lui reprochait ce plan.
La France a enregistré l’année dernière le pire déficit commercial de son histoire (164 milliards d’euros), qui reflète la faiblesse dramatique de notre industrie. Celle-ci a été victime d’une exposition mortelle à la concurrence étrangère, sinistrant des territoires entiers de notre pays, et nous rendant totalement dépendants des importations de produits aussi essentiels que les médicaments.
Nous ne devons plus accepter que des règles européennes imposées par d’autres nuisent à nos intérêts.