Sexe, Ukraine et réseaux sociaux : l’affaire du portable de Hunter Biden

Depuis 2 ans, des révélations sur les activités du fils du président Joe Biden en Ukraine, trouvées sur un ordinateur abandonné, nourrissent une interminable saga.De notre correspondante aux États-Unis, Claire Meynial

Publié le 13/02/2023 LE POINT

Cette semaine, une commission de la Chambre, lancée par les représentants républicains, s’est adonnée avec passion à un réquisitoire contre l’ingérence des réseaux sociaux en s’appuyant sur « l’affaire du portable de Hunter Biden ». C’est une sombre histoire de drogue, d’ordinateur piraté, de corruption, de politique et de censure, un feuilleton dont les remugles agitent les médias conservateurs avec enthousiasme, et les libéraux, à contrecœur.

Le rebondissement précédent datait du début du mois, quand le fils du président a lancé des procédures judiciaires contre, pêle-mêle, un réparateur de matériel informatique du Delaware ; Rudy Giuliani, ancien avocat de Donald Trump connu pour avoir conforté l’ex-locataire de la Maison-Blanche dans sa conviction que l’élection de 2020 lui avait été volée ; et diverses figures conservatrices.

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De quoi s’agit-il au juste ? À l’automne 2020, les États-Unis sont en pleine campagne présidentielle, Donald Trump a prévenu dès l’été que la seule explication à son éventuelle défaite serait une fraude électorale et Joe Biden, depuis sa cave en raison du Covid, se pose en homme providentiel, raisonnable et conciliateur. Le 14 octobre, coup de théâtre : le tabloïd conservateur New York Post, l’un des journaux les plus anciens du pays, détenu par Rupert Murdoch, publie un article explosif. Dans la version papier, celui-ci est intitulé « Les e-mails secrets de Biden », avec en sous-titre : « Révélation : un employé ukrainien a remercié Hunter Biden de lui avoir donné “l’occasion de rencontrer” son père vice-président ». Sur le site Internet du quotidien, le titre qualifie les e-mails de « preuve irréfutable », littéralement « comme un pistolet fumant ».

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Selon le New York Post, ils prouvent que Hunter Biden « a présenté son père, Joe Biden, alors vice-président, à un responsable d’une entreprise d’énergie ukrainienne moins d’un an avant que Biden père fasse pression sur des hauts fonctionnaires ukrainiens pour qu’ils démettent un procureur qui enquêtait sur l’entreprise ».

Une copie du disque dur de Hunter Biden

Retour sur les faits. Pour commencer, les e-mails. Ils ont été trouvés dans un ordinateur portable du fils du président, déposé en avril 2019 chez un réparateur de l’État du Delaware, où vit la famille Biden, et jamais récupéré (la facture de 85 dollars n’a pas été payée non plus). Le FBI l’a saisi, mais le réparateur avait effectué une copie du disque dur, fournie à Rudy Giuliani, qui l’a lui-même passée au New York Post.

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Ensuite, la mise en contact. Le 17 avril 2015, un certain Vadym Pozharskyi, membre du conseil d’administration de Burisma, une entreprise d’énergie ukrainienne, a écrit : « Cher Hunter, merci de m’avoir invité à DC (Washington, NDLR) et de m’avoir proposé de rencontrer votre père et de passer un peu de temps avec lui. » Joe Biden, alors vice-président de Barack Obama, était très impliqué dans les dossiers internationaux, sa spécialité puisqu’il avait siégé à la commission sénatoriale sur la politique étrangère de 1997 à 2009. En 2014, lorsque la Russie a envahi la Crimée, en Ukraine, Joe Biden a pressé Barack Obama de réagir. À la même période, Hunter Biden, son fils, est entré au conseil d’administration de Burisma, entreprise de gaz naturel qui avait fait l’objet de nombreuses enquêtes pour corruption. Il y touchait le coquet salaire de 50 000 dollars mensuels. Dans un précédent e-mail, en mai 2014, Pozharskyi lui demandait très directement des « conseils sur la manière d’utiliser son influence » en faveur de Burisma.

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Enfin, l’affaire du procureur. Début 2014, Joe Biden, dans un coup de téléphone au président ukrainien Petro Porochenko, avait conditionné l’aide internationale à la lutte contre la corruption. « Il faut que vous soyez blanc comme neige, sinon le monde entier vous abandonnera », avait-il prévenu. Or en juillet 2015, des millions de dollars en diamants et en liquide avaient été trouvés chez deux procureurs. Le Royaume-Uni avait aussi gelé 23 millions de dollars de biens ukrainiens après que l’Ukraine avait refusé de fournir des documents pour une enquête portant sur du blanchiment d’argent. Et depuis des mois, des ONG ukrainiennes demandaient la démission d’un procureur, Viktor Shokin, qui refusait d’enquêter sur des affaires de corruption. En octobre 2015, une manifestation avait eu lieu devant chez lui. Joe Biden, lui, ne s’est penché sur la corruption ukrainienne qu’en décembre 2015. C’est la pression étrangère, exercée par le Fonds monétaire international, d’autres organisations, l’Europe, puis les États-Unis, qui ont fini par pousser le Parlement à démettre Viktor Shokin. Il est vrai que Shokin avait enquêté sur Burisma, mais c’était avant l’arrivée de Hunter Biden. Et aucune nouvelle enquête sur l’entreprise n’était prévue.

Des vidéos de sexe et de consommation de drogues

Quoi d’autre ? C’est là que cela devient sordide. Le disque dur contenait aussi des éléments affreusement gênants sur la vie personnelle de Hunter Biden. Il est de notoriété publique que le quinquagénaire, père de deux enfants, se débat avec ses addictions à l’alcool et à la cocaïne depuis des années. Une vidéo de 12 minutes le montre notamment « en train de fumer du crack tout en ayant des relations sexuelles avec une femme, de même que de nombreuses autres images sexuellement explicites », selon le New York Post. Les réseaux sociaux ont été inondés de ces vidéos qui ressortent de temps à autre.

Le scandale ne s’arrête pas là. Lorsque le 14 octobre 2020, le New York Post a tweeté le lien vers l’article, Twitter l’a supprimé pendant 24 heures, pensant éviter la propagation de matériel piraté. Les républicains ont crié à la censure, dénonçant un biais libéral chez le réseau social, qui aurait changé l’issue de l’élection présidentielle en protégeant Joe Biden des retombées de l’article.

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Celui-ci était visible partout ailleurs que sur Twitter, où il n’a été banni que temporairement, mais les médias traditionnels ont refusé de le prendre au sérieux. À leur décharge, l’auteur principal de l’article du New York Post avait refusé de le signer, estimant que les vérifications étaient insuffisantes. Trump l’a utilisé dans sa campagne, mais l’attaque n’a pris que parmi ses partisans. Beaucoup de médias ont supposé que l’ordinateur ou les e-mails n’étaient pas authentiques. Ces doutes ont été balayés depuis, d’autant plus depuis que Hunter Biden a attaqué les responsables de la fuite. Dans sa lettre, son avocat accuse le réparateur d’avoir causé la circulation de « centaines de gigabits de données personnelles de M. Biden ».

Quelles accusations pour Hunter Biden ?

Sur le fond, pour quel motif Hunter Biden pourrait-il être inquiété ? La formulation de l’e-mail ne permet pas de savoir si la fameuse rencontre entre Burisma et Biden a bien eu lieu. Par ailleurs, la mise en relation relève tout simplement du lobbying, l’une des principales activités de Washington, où plus de 12 000 cabinets étaient actifs en 2022. Le choix de Hunter Biden de travailler avec l’Ukraine démontrait un sérieux manque de jugement et d’éthique, d’autant plus avec une entreprise corrompue, et dans un domaine pour lequel il n’avait aucune compétence. Mais rien de cela n’est illégal et il n’est d’ailleurs pas poursuivi. Au vu d’autres documents, il pourrait en revanche être accusé d’évasion fiscale.

Quant à Joe Biden, il a assuré en septembre 2019 n’avoir jamais parlé de ce qu’il faisait en Ukraine à son fils. Or deux mois plus tôt, Hunter Biden avait dit au New Yorker qu’ils en avaient parlé, quand il l’avait informé qu’il allait travailler pour Burisma, en janvier 2015. « Papa m’a dit : “J’espère que tu sais ce que tu fais” et j’ai dit : “Oui” », avait-il raconté. Biden a donc menti.

La commission de Contrôle de la Chambre des représentants entend prouver bien plus, en enquêtant sur « la famille Biden », comme indiqué sur son site Internet. « Les Américains ont le droit de savoir si les liens du président avec les affaires de sa famille ont joué contre les intérêts américains et s’ils représentent une menace contre la sécurité nationale. » On n’a pas fini d’entendre parler du portable de Hunter Biden.

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A rapprocher de l’affaire du sabotage de Nordstream 2 par la Maison Blanche, dont on parle de plus en plus. Décidément, les Biden ont des tas de choses à raconter…

ARTOFUS

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