La Chine publie deux documents qui détaillent sa stratégie antiaméricaine

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Alors que le plus haut diplomate chinois est attendu en Russie, Wang Yi, Pékin dénonce la « mentalité de guerre froide » de Washington dans un texte d’une rare violence, et présente Moscou comme une victime des manœuvres occidentales. 

Par Frédéric Lemaître (Pékin, correspondant)

LE FIGARO, 21 février 2023

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Le ministre chinois des affaires étrangères, Wang Yi, et son homologue hongrois Peter Szijjarto, à Budapest, lundi 20 février 2023.

 Le ministre chinois des affaires étrangères, Wang Yi, et son homologue hongrois Peter Szijjarto, à Budapest, lundi 20 février 2023.  ZOLTAN MATHE / AP

Au lendemain d’une première étape qui l’a mené à Budapest, à la rencontre du premier ministre hongrois, Viktor Orban, le plus haut diplomate chinois, Wang Yi, était attendu, mardi 21 février à Moscou, où il devait être reçu par Vladimir Poutine.

Dans le même temps, la Chine publie deux documents qui ne peuvent qu’attiser les tensions et renforcer le climat de « nouvelle guerre froide » entre Washington et Pékin. Le titre du premier – « L’hégémonie américaine et ses dangers » – est explicite. Publié lundi par le ministère des affaires étrangères, il s’apparente à un long réquisitoire contre la politique étrangère américaine des origines à nos jours.

« Depuis qu’ils ont obtenu leur indépendance en 1776, les Etats-Unis ont constamment cherché à s’étendre par la force, y lit-on. Aujourd’hui, en Ukraine, en Irak, en Afghanistan, en Libye, en Syrie, au Pakistan et au Yémen, les Etats-Unis continuent leur vieille tactique et mènent des guerres par le biais d’intermédiaires, de drones [ainsi que des guerres] de basse intensité. » Aux yeux de Pékin, le conflit déclenché par la Russie en Ukraine serait donc le fruit de manœuvres occidentales.

Dans ce document, la Chine dénonce à la fois les « 800 bases militaires » américaines installées « dans 159 pays » et les sanctions économiques – « plus de 3 900 » – établies par l’administration Trump. Le texte va jusqu’à s’en prendre à « la censure draconienne sans précédent » dont seraient victimes les médias russes aux Etats-Unis et en Europe. Néanmoins, conclut-il,  « on ne peut mettre un terme aux tendances historiques de paix, de développement, de coopération, et de bénéfice mutuel ».

Six engagements

Comment ? C’est justement l’objet du second document : un concept paper présentant « l’initiative de sécurité mondiale » (GSI en anglais) chinoise. Régulièrement évoquée par le président Xi Jinping depuis avril 2022, cette initiative était jusqu’ici restée très vague. Pour la première fois, le « Global Paper » l’explicite.

Il comporte une dizaine de pages énonçant des grands principes, mais aussi une vingtaine de points plus précis et une méthode pour y parvenir. Son ambition est grande : « La GSI vise à éliminer les causes à la racine des conflits internationaux, à améliorer la gouvernance de la sécurité mondiale, à encourager les efforts internationaux conjoints pour apporter davantage de stabilité et de certitude dans une ère de troubles et de changements, et promouvoir une paix et un développement durables dans le monde. »

Cette stratégie repose sur six engagements : adhérer à la vision « initiée par Xi Jinping » en 2014 d’une « sécurité commune et durable », respecter la souveraineté et l’intégrité territoriale de tous les pays, se conformer aux principes de la Charte des Nations unies. Mais aussi prendre au sérieux les « préoccupations légitimes de sécurité » de tous les pays, s’engager à résoudre les différends par le dialogue et la consultation et maintenir la sécurité dans le domaine traditionnel, comme dans celui des cyberattaques.

Aucun pays spécifique n’est cité dans cette partie du texte. Si le deuxième point sur le respect de la souveraineté des Etats peut être vu comme une critique implicite de la guerre menée en Ukraine par la Russie, la Chine a jusqu’à présent indiqué que les préoccupations de Moscou étaient « légitimes », car, selon elle, la Russie est menacée par l’expansion de l’OTAN. Dans le troisième point, Pékin précise que « la mentalité de guerre froide, l’unilatéralisme, la confrontation des blocs et l’hégémonie contredisent l’esprit de la Charte des Nations unies », autant de qualificatifs habituellement employés pour décrire la politique des Etats-Unis.

Des « priorités de coopération »

Le document liste ensuite une vingtaine de « priorités de coopération » possibles. De la relation entre grandes puissances à la lutte contre le crime organisé international en passant par la gouvernance de l’intelligence artificielle, mais aussi des sujets plus régionaux (Afrique, Pacifique, Moyen-Orient, Amérique latine…), le texte multiplie les propositions de coopération, tout en restant le plus souvent dans des généralités. Ainsi, sur l’Ukraine, qui figure au cinquième point, il est indiqué, sans plus de précision, qu’il faut « soutenir le règlement politique de questions sensibles (…) à travers le dialogue et la négociation ». Il n’est pas exclu que Xi Jinping se prononce plus en détail dans les jours qui viennent sur le sujet, mais cette perspective n’a pas été confirmée.

Se voulant également opérationnelle, la GSI préconise la mise en place ou le développement de plusieurs « plates-formes et mécanismes de coopération ». Outre les institutions de l’ONU, la Chine met en avant les BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du Sud), l’Organisation de coopération de Shanghaï, mise en place par la Chine et la Russie et qui rassemble désormais de nombreux pays d’Asie centrale et de Moyen-Orient, et le « forum Chine-Afrique pour la paix et la sécurité ».

Plus globalement, Pékin recommande de tenir des « conférences de haut niveau » sur la GSI elle-même pour promouvoir « le dialogue et la coopération intergouvernementale ». Le 18 février, à la conférence de Munich sur la sécurité, Wang Yi, directeur du bureau central des affaires étrangères du Parti communiste chinois, a assuré que « plus d’une centaine de pays et d’organisations internationales » soutiennent le projet.

Une autre voie possible

Davantage que sur son contenu exact, la Chine mise sur l’esprit de cette initiative pour promouvoir un nouvel ordre international et accroître son influence comme elle le fait déjà depuis dix ans à travers les « nouvelles routes de la soie ». Parallèlement à la GSI, Pékin commence également à présenter une GDI, une initiative de développement mondial, qui est son pendant économique.

Agacée par la promotion de la démocratie et des droits de l’homme par l’administration Biden, les initiatives occidentales dans l’Indo-Pacifique, l’activisme de l’OTAN en Asie et l’internationalisation de la question de Taïwan, la Chine, prise au dépourvu par les déboires de Moscou en Ukraine et le renforcement de l’alliance entre les Etats-Unis et l’Union européenne, veut montrer aux pays émergents qu’elle n’est pas sur la défensive. Et qu’à la différence de Washington, elle « choisit le dialogue plutôt que la force », selon l’éditorial du China Daily du 20 février.

Conforté par sa reconduction à la tête du Parti communiste en octobre 2022 et par le « miracle que constitue “la victoire” » de la lutte contre le Covid-19, Xi Jinping juge désormais que la « modernisation chinoise » prouve aux pays émergents qu’il y a une autre voie possible de développement que la voie occidentale. La GSI comme la GDI sont des outils au service de son soft power. Certains diraient de son hégémonie.

Frédéric Lemaître (Pékin, correspondant)

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Raison de plus, me semble-t-il, de rechercher un rapprochement avec la Russie en songeant à l’avenir plutôt que de vouloir s’engager dans un conflit avec elle comme le font actuellement les USA de Biden et de ces excités de néoconservateurs. Souvenons de De Gaulle: « L’Europe, de l’Atlantique à l’Oural »…

Artofus

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