Rémy Mahoudeaux 25 février 2023 BOULEVARD VOLTAIRE

« La guerre n’est que la simple continuation de la politique par d’autres moyens. » Carl von Clausewitz avait raison de l’énoncer, mais il convient de souligner que bien souvent, cette continuation sanctionne un échec de politiques antagonistes incapables de résoudre cette opposition d’intérêts par la diplomatie. Bien souvent et pas exclusivement, puisque certaines guerres sont impériales et ne visent qu’à une prédation. La guerre est aussi (et c’est heureux) une parenthèse qui se referme un jour. Il vient un moment où sa continuation est insupportable aux parties qui la font et, alors, la diplomatie pointe son nez et pose sur la table les compromis et concessions qui naguère avaient été écartés, ou d’autres si la réalité dicte qu’ils sont devenus obsolètes. Plus rarement, c’est un gel qui met fin à un conflit armé, comme pour la guerre de Corée : pas de paix, juste un statu quo.
Bien sûr, il faut promouvoir la diplomatie par principe, mais son « livrable » , c’est un traité. Un papier qui documente les engagements réciproques des parties qui conditionnent la non-reprise du conflit. Malheureusement, certains traités ne sont que des temporisations. À peine l’encre est-elle sèche qu’une ou des parties trahissent leurs engagements, ouvertement ou non. Pensons au pacte germano-soviétique ou aux accords de Minsk. Quand un État s’est récemment montré félon, est-il digne de confiance pour signer un nouveau traité ? Question de pure rhétorique, mais a priori, il vaut mieux se balancer des arguments au-dessus d’une table que des missiles et des obus.
L’initiative de paix chinoise publiée pour l’anniversaire de l’entrée des troupes russes en Ukraine a au moins un mérite : elle existe. Elle ressemble plus à un catalogue de douze vœux pieux qui resteraient assez vagues pour satisfaire tout le monde. Quelques commentaires personnels.
Le point 1 énonce le respect de la souveraineté des pays, mais dans le cadre des principes de la Charte des Nations unies. Quid du droit des peuples (cet agrégat encore juridiquement indéfini) à disposer d’eux même (article 1.2) ? N’oublions pas que la guerre de sécession a débuté en 2014 et que d’autres minorités existent en Ukraine.
Le point 2 tacle la mentalité de guerre froide et l’expansion des blocs militaires. Moscoun et Washington qui fait sa guerre par procuration, sont visés, bien sûr. Mais ce point se conclut par la mention d’un continent eurasiatique à la stabilité duquel il faudrait œuvrer. L’emploi de ce mot traduit-il une simple réalité géographique ou plutôt une ambition impériale larvée de la Chine qui ne s’exprimerait aujourd’hui que par une agressivité commerciale très efficace ?
Le point 8 pourrait sembler naïf : réprouver l’emploi et la menace d’armes nucléaires quand on est une puissance dotée d’armes atomiques, c’est soit inepte, soit hypocrite. Une arme nucléaire est une menace dès qu’elle existe. Il y a sans doute aussi une autre grande hypocrisie à prétendre que la Chine s’opposerait à la recherche sur des armes chimiques et surtout biologiques.
Le point 10 qui propose la levée des sanctions unilatérales devrait nous réjouir : elles n’affectent que nous. Le développement économique de la Chine peut-il se passer d’une demande européenne aussi solvable que possible ?
En matière de droit privé, une bonne transaction qui met fin à un conflit laisse un goût amer : chacun perçoit que ses propres concessions excèdent la simple équité perçue. C’est au prix de ces frustrations que s’acquiert la tranquillité juridique. Il serait peut-être temps que la realpolitik dicte à chacun la liste des renoncements souhaitables pour parvenir à la moins mauvaise paix aussi vite que possible.