L’Otan n’a pas assez de munitions pour l’Ukraine

Par Jean-Louis Tremblais LE FIGARO

Publié  le 24/02/2023

Selon des estimations américaines, l’armée ukrainienne tire quotidiennement 5000 obus, soit 150.000 par mois. YASUYOSHI CHIBA / AFP

DÉCRYPTAGE – Alors que le conflit russo-ukrainien entre dans sa deuxième année, l’Otan s’inquiète car Kiev consomme plus de munitions que l’Alliance n’en produit!

Volodymyr Zelensky réclame toujours plus d’armements et de munitions. C’est le leitmotiv de chacun de ses déplacements extérieurs. Le hic, c’est que les stocks de l’Otan fondent comme neige au soleil. Car la «guerre d’attrition» (utilisation massive de l’artillerie) que se livrent Moscou et Kiev est vorace en missiles, roquettes et obus. C’est ce que vient de rappeler Jens Stoltenberg, secrétaire général de l’organisation atlantique, dans une déclaration où l’inquiétude est palpable: «Il est clair que nous sommes dans une course à la logistique. La résistance de Kiev face à Moscou dépense une énorme quantité de munitions et épuise les stocks de ses alliés.» Et le patron de l’Otan d’alerter sur une éventuelle pénurie: «Le rythme actuel d’utilisation de munitions est beaucoup plus élevé que notre rythme actuel de production.»

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Selon des estimations américaines (à considérer avec précaution puisque aucun des camps ne communique évidemment sur ce point), l’armée russe tire 20.000 obus par jour en moyenne tandis que son homologue ukrainienne en utilise 5000 (donc 150.000 par mois). Néanmoins, au plus fort des combats, les observateurs ont comptabilisé jusqu’à 60.000 projectiles (des deux côtés), soit la production annuelle de la France! «Cela met nos industries de défense sous pression»,reconnaît Jens Stoltenberg. Même le complexe militaro-industriel de l’Oncle Sam est à la peine. Sa capacité de production mensuelle en obus est passée de 15.000 à 90.000, mais c’est seulement 60 % de la consommation mensuelle ukrainienne. A contrario, la Russie s’est convertie rapidement à l’économie de guerre (ce qui a fait mentir tous les pronostics occidentaux), et ses usines tournent à plein régime, soit 24 heures sur 24. Rien de tel chez les alliés de l’Ukraine malgré les injonctions de leurs dirigeants. Un exemple entre mille: celui du fameux canon Caesar, donné à Kiev par Paris. Il faut neuf mois au munitionnaire Nexter Arrowtech pour fabriquer son obus de 155 mm. Tel est le prix de la qualité.

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Le problème qui se dessine pour les munitions concerne également le matériel. Comme nous le signale un officier artilleur ayant servi ledit canon en Irak, «sa durée de vie est de 500 coups en situation opérationnelle». Là encore, pas de miracle: l’usinage d’un tube de Caesar prend vingt-quatre mois, même si Emmanuel Macron a demandé à Nexter de raccourcir ces délais. Les faits sont têtus. Comment notre pays pourrait-il subvenir aux besoins de l’Ukraine alors que notre niveau de réserves ne permettrait pas à nos armées de tenir plus de quelques semaines en cas de conflit de haute intensité, selon le rapport de la commission de la Défense de l’Assemblée nationale publié le 17 février?

La grande disponibilité ­d’armes dans le conflit actuel entraînera la prolifération d’armes illicites dans la phase postconflitJürgen Stock

Par ailleurs, l’impressionnant arsenal livré à l’Ukraine depuis le 24 février 2022 commence à inquiéter certains spécialistes, qui ne craignent pas de s’épancher dans des médias assez peu suspects de sympathies prorusses, comme CNN ou le Washington Post. Selon ces sources, le Pentagone n’a aucun moyen de contrôler la traçabilité des armements qui, parvenus à Kiev, tomberaient «dans un trou noir».Interpol ne prend pas cette éventualité à la légère, si l’on en croit les déclarations de son chef, Jürgen Stock: «La grande disponibilité d’armes dans le conflit actuel entraînera la prolifération d’armes illicites dans la phase postconflit.»«Les criminels sont déjà en train de se concentrer sur cela»,conclut-il.

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Ce n’est pas faire injure à l’Ukraine que de rappeler son lourd passif en matière de trafic d’armes : à la chute de l’URSS, un tiers des équipements de l’Armée rouge avaient «disparu» en Afghanistan ou au Liberia! Certes, pour rassurer ses alliés et bailleurs, Volodymyr Zelensky a récemment lancé une opération «mains propres» au sein de son gouvernement. Elle n’est guère rassurante puisqu’elle a abouti à la démission du vice-ministre de la Défense et du numéro deux de l’administration présidentielle, accusés de corruption portant sur des fournitures (rations alimentaires et gilets pare-balles) destinées aux soldats du front…


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