Guerre en Ukraine : que sont les obus à « uranium appauvri », que Londres pourrait fournir à Kiev ?

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Ce lundi 20 mars, la vice-ministre britannique de la Défense, Annabel Goldie, a déclaré que le Royaume-Uni entendait fournir à l’Ukraine des obus « contenant de l’uranium appauvri ». Efficace militairement, ce produit s’avère en réalité radioactif, ce qui soulève des enjeux de santé publique.

Les forces ukrainiennes se préparent à tirer un obus contre les positions russes à Bakhmout, le 2 mars 2023.

Les forces ukrainiennes se préparent à tirer un obus contre les positions russes à Bakhmout, le 2 mars 2023.

AFP

Par Jean-Clément Martin Borella. L’EXPRESS

Publié le 22/03/2023 à 18:42

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Dans l’idée de fournir à l’Ukraine les armes les plus efficaces possibles, afin que la contre-offensive à venir puisse s’avérer décisive, la Grande-Bretagne a annoncé, par la voix de sa vice-ministre de la Défense, qu’elle envisageait de fournir à Kiev des obus contenant de « l’uranium appauvri ». Une annonce qui n’est pas passée inaperçue, tant le sujet de l’envoi ou non de telles munitions est un sujet débattu par les Occidentaux.

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« L’uranium appauvri est une matière produite artificiellement par l’homme, un sous-produit du processus d’enrichissement de l’uranium », explique à L’Express Bruno Chareyron, directeur du laboratoire de la CRIIRAD, la Commission de recherche et d’information indépendante sur la radioactivité. Et l’expert précise d’emblée ce qu’il faut entendre par « appauvri » : ce type d’uranium possède moins d’isotopes 235 que celui présent à l’état naturel. Pourtant, contre la pensée instinctive, la radioactivité globale de ce type d’uranium s’avère être très nettement supérieure à celle que l’on trouve dans l’écorce terrestre. En termes de chiffres, la comparaison est saisissante. Alors que dans la plupart des sols, l’uranium naturel possède une radioactivité de 40 Becquerels (l’unité de mesure de la radioactivité d’une matière) par kilogramme en uranium 238, celle de l’uranium appauvri dépasse, pour une même quantité, les 140 millions de Becquerels.

Une contamination durable des zones concernées

Si la Grande-Bretagne réfléchit à livrer de telles munitions à l’Ukraine, c’est parce qu’elles seraient particulièrement efficaces pour détruire les chars russes. « L’uranium est le métal le plus dense qui existe à l’état naturel, ce qui lui confère un très fort pouvoir de pénétration. De plus, il a la propriété de s’enflammer lors des frottements », note Bruno Chareyron. Une double caractéristique particulièrement utile sur un champ de bataille. L’histoire récente regorge d’exemples où cet uranium fut utilisé. Citons, parmi les principaux conflits où une telle utilisation est avérée, les deux guerres du Golfe de 1991 et 2003, ou encore les affrontements dans l’ex-Yougoslavie tout au long des années 1990. Devant ce possible nouvel usage, la Russie a déclaré qu’elle serait « contrainte de répliquer », laissant craindre une escalade dans le recours à des « armes sales ».

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Mais la logique militaire ne doit pas en occulter d’autres, et d’importants enjeux sanitaires et environnementaux se posent. « Lorsque l’on est à proximité d’un matériau contenant de l’uranium appauvri, on est soumis à une irradiation externe », souligne l’ingénieur en physique nucléaire. « Ensuite, lorsque l’uranium va se désagréger après les tirs, il va se répandre dans l’air et sur les sols sous la forme de poussières, entraînant une contamination des populations par inhalation et ingestion ». Et le temps n’y fera rien puisqu’il faudra attendre 4,5 milliards d’années avant que l’uranium appauvri ne perde la moitié de sa radioactivité.

En 2021, une étude publiée dans la revue scientifique BMJ Global Health indiquait que « les preuves disponibles suggèrent des associations possibles entre l’exposition à l’uranium appauvri et les effets néfastes sur la santé de la population irakienne ». Pour parvenir à une telle conclusion, les chercheurs se sont appuyés sur l’augmentation importante des cas de malformations congénitales et de cancers observés en Irak dans les années qui ont suivi l’intervention américaine. Autorisé par le droit international, le recours aux armes à uranium appauvri dépasse le cadre de la guerre, déplaçant l’attention sur son après, et posant la question de savoir s’il sera ou non possible de retrouver, un jour, un semblant de la vie d’avant.

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