L’éditorial du Figaro, par Vincent Trémolet de Villers. 31 Mars 2023.
Tout cela ne mérite donc pas une loi, un débat national, un référendum, même?
Pendant que la France, comme un disque rayé, grince les mêmes querelles sur l’âge de départ à la retraite, l’Insee en un rapport imposant nous confirme le phénomène que mille indices indiquaient: l’immigration, en une trajectoire continue, bouleverse en profondeur la démographie française. Comme souvent en cette matière, ceux qui considèrent l’immigration comme une providence sont aussi ceux qui affirment que c’est un fait marginal. Ils s’en prennent ensuite aux «esprits chagrins» en proie aux «paniques morales». Ces nouveaux Pangloss sortiront des travaux de l’Insee le chiffre de 10 % d’immigrés. Ils omettront sans doute de préciser qu’en ajoutant la seconde et la troisième génération le chiffre atteint les 30 %. «Un tiers de la population a un lien avec l’immigration sur trois générations», résume Sylvie Le Minez, de l’Insee. 19 millions de personnes. Rien n’indique que la pression migratoire devrait baisser, c’est même tout le contraire. À ce rythme-là, où en serons-nous dans vingt ans?
Pourtant, ce processus aux conséquences en cascade (culturelle, économique, sociale) n’est l’objet, en France, d’aucune délibération collective approfondie.
Celui qui s’inquiète de la puissance de déstabilisation de tels mouvements de population est immédiatement disqualifié. Pour tout débat, on se contentera de quelques empoignades stériles. Selon la formule de Michèle Tribalat, on préfère garder «les yeux grands fermés». Pourtant la Grande-Bretagne, le Danemark, la Suède, l’Italie agissent pour tenter de réguler, de contenir, le grand déménagement du monde.
Pour inverser la trajectoire climatique, nous remettons en cause les moindres détails de nos existences. Pourquoi serait-il impossible de définir une politique d’immigration ferme, sereine, efficace? Les enquêtes d’opinion nous disent que sept Français sur dix l’attendent. Ils ont compris, mieux que ceux qui nous gouvernent, que l’immigration anarchique est le ferment d’une fragmentation sociale et culturelle dont les effets, si rien n’est fait, peuvent être vertigineux. On s’épuise sur une réforme minoritaire, mais l’on évite soigneusement de répondre à une urgence majoritaire.
MEMORABILIA 