Par Marie-Hélène Hérouart et Jean Cittone. LE FIGARO
31 mars 2023
Trois jours après la conférence de Jean-Marc Rouillan dans une université de Bordeaux occupée, sa présence scandalise plusieurs élus girondins. Le militant d’extrême gauche, condamné pour apologie du terrorisme en 2016, a été emprisonné pour deux assassinats à caractère terroriste en 1985 et 1986.
Sa présence au sein de l’université de Bordeaux, même bloquée, gêne autant qu’elle choque. Ce 28 mars, Jean-Marc Rouillan a donné une conférence aux occupants du campus de la Victoire – délogés dans la nuit de jeudi à vendredi après avoir saccagé les lieux à hauteur d’un million d’euros de dégâts. Emprisonné 25 ans pour les assassinats à caractère terroriste de René Audran (1985) et Georges Besse (1986), le cofondateur du groupuscule d’extrême gauche Action directe avait à nouveau été condamné à huit mois de prison ferme en 2016. Un jugement pour apologie du terrorisme : cette année-là, il avait en effet déclaré à des journalistes «trouver courageux» les auteurs des attentats de Paris.
«Vu le passé judiciaire de cette personne , c’est inadmissible qu’il puisse tenir une conférence au sein d’une université, surtout en temps de blocage, où on peut imaginer qu’il y a des appels à la violence», a réagi Sophie Mette, député MoDem de la Gironde. Un avis partagé par son homologue Renaissance, Pascal Lavergne : «Avec l’onction des responsables du blocus ou non, les facultés et l’argent du contribuable n’ont pas à abriter ça. C’est quand même une personne qui a pour objectif de déstabiliser les institutions publiques !»
Sa présence montre très bien la radicalité recherchée par certains mouvements (…) Jean-Marc Rouillan théorise l’enseignement de la déstabilisation de l’État selon des concepts d’inspirations d’ultra-gaucheÉric Pouillat, député Renaissance de la Gironde
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«C’est inquiétant»
La radicalité et la violence du personnage, médiatique et politique, inquiète particulièrement les élus. «J’ai été choqué que quelqu’un qui a du sang sur les mains et qui prône la violence puisse témoigner devant des étudiants», déclare Nicolas Florian, conseiller municipal d’opposition (Les Républicains) et ancien maire de Bordeaux.
Alors que l’université de Bordeaux a servi de «base arrière à plusieurs actions violentes pendant les récentes manifestations», selon la préfecture de la Gironde, le député Éric Poulliat (Renaissance), co-rapporteur d’une mission d’information sur l’activisme violent ouverte en mars, y voit un phénomène alarmant. «Sa présence montre très bien la radicalité recherchée par certains mouvements qui utilisent l’occupation et la violence pour exprimer leur opposition. C’est extrêmement préoccupant car cela n’a plus rien à voir avec de la colère, qui pourrait s’exprimer durant une manifestation. Jean-Marc Rouillan théorise l’enseignement de la déstabilisation de l’État selon des concepts d’inspirations d’ultra-gauche. Et c’est d’autant plus d’inquiétant, qu’il s’adressait à des jeunes», analyse l’élu.
Une intervention jugée «dangereuse»
L’extrême droite est également montée au créneau. Élue Rassemblement national (RN) au Conseil régional de Nouvelle-Aquitaine, Julie Rechagneux assure au Figaro «avoir halluciné» en découvrant cette information. «Je déplore que la lutte contre la réforme des retraites se soit transformée en lutte de l’extrême gauche, qui avance son agenda. Sa présence n’a rien à voir et c’est un terroriste d’extrême gauche : il n’a rien à faire devant des étudiants de l’université de Bordeaux», estime l’élue à la ville de Lormont.
Des propos auxquels Jimmy Bourlieux, délégué départemental du RN en Gironde souscrit. «C’est à vomir», tance le politique, «ce monsieur est un terroriste d’ultra-gauche condamné. On voit quand même le personnage : l’invitation qui lui a été adressée est une provocation de l’ultra-gauche qui montre son vrai visage, loin des valeurs de la République. Il va falloir des sanctions exemplaires pour les bloqueurs qui ont été identifiés». Edwige Diaz, députée et vice-présidente du RN, qualifie même de «dangereuse» cette intervention. «Cette personne prône la lutte armée contre l’État, dans le contexte qui est électrique et au vu des dégradations du campus de la Victoire, faire venir cet homme-là, à cet endroit-là et à ce moment-là, c’est très grave», désapprouve la députée. Avant de dénoncer : «Une dérive dans notre pays qui fait craindre le pire».
Contacté, le maire de Bordeaux, Pierre Hurmic (EELV), n’a pas souhaité réagir auprès du Figaro car les propos tenus par Jean-Marc Rouillan durant cette conférence lui sont inconnus.
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Évacuation de l’université de Bordeaux : six mois de travaux et des dégâts estimés jusqu’à un million d’euros
LE FIGARO. 31 mars 2023
EN IMAGES – Le président de l’université de Bordeaux «s’est résolu» à faire appel aux forces de l’ordre après dix jours d’occupation. La quarantaine d’occupants, évacués dans la nuit de jeudi à vendredi, laisse derrière elle un saccage dont les réparations sont estimées «jusqu’à un million d’euros».
La fête est finie. Dix jours après le début du blocus de l’université de Bordeaux le 21 mars, son président, Dean Lewis, a sollicité l’évacuation du campus de la Victoire par les forces de l’ordre dans la nuit de jeudi à vendredi. «Le seuil critique d’atteinte à la sécurité des personnes et des biens» avait été dépassé «depuis plus de 24 heures», précise au Figaro la présidence – qui «s’est résolue» à faire libérer le site. En dix jours, ses occupants ont saccagé les bâtiments datant du XIXe siècle situés à deux pas de la place bordelaise éponyme, classée aux titres des monuments historiques.
Les lieux, qui se voulaient «QG de la lutte» bordelaise contre la réforme des retraites, ont servi de «base arrière à plusieurs actions violentes pendant les récentes manifestations», précise la préfecture de la Gironde, en charge de l’éviction des militants de gauche et d’extrême gauche. Commandée par Étienne Guyot, la préfet de la Gironde, l’opération a commencé à 4h30 du matin. 80 policiers ont été mobilisés pour contrôler et déloger la quarantaine de personnes qui dormait sur place. L’expulsion s’est déroulée dans «le calme» et «sans usage de la force».
C’est un pilier de la République, qui concerne l’éducation et le savoir qui a été endommagéDean Lewis, président de l’université de Bordeaux
Dans l’édifice, qui fait désormais l’objet d’une expertise sous protection des forces de l’ordre, l’ampleur des ravages est impressionnante. «Dégradations matérielles, tags, dégâts des eaux, destruction des caméras de vidéoprotection et détériorations des équipements de défense contre l’incendie, occultation des portes, mise en place de barricades au niveau des points d’accès du bâtiment, rassemblement d’extincteurs et de bouteilles», les dommages énumérés par la préfecture de la Gironde sont déjà nombreux. Datant du XIXe siècle, seule la bibliothèque universitaire, fermée par la direction à l’annonce du blocus et surveillée par les étudiants du «comité sécurité», n’a pas été dégradée malgré plusieurs tentatives d’intrusion.
«La tenue de soirée de type rave et la présence d’individus sur les toits» ont également été constatées durant l’occupation, souligne la préfecture. Après des débordements, les organisateurs avaient ainsi dû faire voter en assemblée générale (AG) l’interdiction de la vente de stupéfiants et mettre à disposition des poubelles à seringues pour les consommateurs de drogues de dures. Un filtrage pour empêcher l’entrée des personnes en état d’ébriété avait également été amorcé.
Il n’empêche, alors que lors du blocus de 2019 des dégradations moins importantes avaient déjà coûté entre 200.000 et 300.000 euros aux contribuables, le carnage de 2023 pourrait «s’élever jusqu’à un million d’euros», estime Dean Lewis. Selon le président de l’université de Bordeaux, les travaux de cette partie avant du campus de la Victoire devraient durer entre trois et six mois. D’autant plus, qu’il faudra publier des appels d’offres de marchés publics pour choisir les entreprises en charge des rénovations. Les bâtiments resteront donc fermés un long moment sous «gardiennage» des forces de sécurité intérieure. L’établissement universitaire prévoit de déposer plainte dans la journée, a minima contre X, pour dégradation de biens publics.
Blocus du campus de la Victoire de l’Université de Bordeaux
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