[Entretien] Jean Sévillia, père du « terrorisme intellectuel »

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Marc Baudriller 3 avril 2023 BOULEVARD VOLTAIRE

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Marc Baudriller. Dans un entretien au Journal du dimanche puis dans un tweet, le ministre de l’intérieur Gérald Darmanin fait référence au terrorisme intellectuel, un concept que vous avez forgé dans le livre éponyme paru en 2000. « Plein soutien aux policiers et gendarmes auxquels ils font face, non au terrorisme intellectuel de l’extrême gauche qui voudrait nous faire croire que le casseur est l’agressé et le policier l’agresseur », dit le ministre, au grand dam de la gauche radicale. Est-il fidèle à votre idée ?

Jean Sévillia. Je suis content de voir que ce concept perdure, je l’ai lancé il y a 23 ans mais je n’en suis pas propriétaire ! Je trouve qu’en l’occurrence, il y a bien réagi. Nous assistons à une opération de propagande invraisemblable : quoi qu’on pense de la réforme des retraites, il y a une espèce d’inversion incroyable de l’agresseur et de l’agressé. Des types arrivent pour tuer du flic, que ce soit dans les manifestations anti-bassine ou anti-réforme des retraites ! En admettant que cette réforme soit totalement mauvaise, on peut imaginer une opposition raisonnée et démocratique. Là, il s’agit d’un processus fait de terreur physique légitimée par la terreur intellectuelle. L’État qui est à l’initiative d’une loi devient coupable. Je suis frappé de voir la faiblesse de la droite classique sur ce sujet. La société avale beaucoup de discours. C’est inquiétant, car une certaine jeunesse se laisse manipuler. Ce discours radical est lancé par Mélenchon qui court après l’extrême gauche. On ne sait pas où cela va s’arrêter.

M. B. Le terrorisme intellectuel est-il toujours le même ou a-t-il évolué ?

J. S. Aujourd’hui comme hier, le terrorisme intellectuel consiste à diaboliser l’adversaire, à lui assigner la figure du Mal. Comme depuis 1945, la figure du Mal, c’est Hitler, on traite donc les adversaires de nazis. Le principe du terrorisme intellectuel est de délégitimiser son adversaire politique en lui ôtant le droit à la parole et en lui collant toutes sortes d’étiquettes. Dans les années 1950, la dominante était le stalinisme, le crime des crimes était d’être anti-communiste. Ensuite, le communisme stalinien a passé. On est passé au marxisme tiers-mondiste, c’était les années Hô Chi Minh, Fidel Castro, etc. dans les années 1960. À ce moment-là, le criminel était celui qui défendait les Américains ou les Français dans les guerres coloniales. Ensuite, ce fut la crise de mai 68, et l’adversaire était celui qui était contre le libertarisme. Ensuite, dans les années 1980, c’était la philosophie droitdelhommiste : les intellectuels diabolisaient les adversaires de cette philosophie. Le terrorisme intellectuel évolue en fonction de la dominante idéologique du moment. Le mécanisme est identique : diaboliser l’adversaire pour lui ôter le droit à la parole.

M. B. L’idéologie de gauche est-elle toujours aussi dominante aux plans intellectuel et médiatique aujourd’hui ?

J. S. Tout à fait. Il y a cinq ou six ans, certains milieux conservateurs pensaient avoir gagné la bataille des idées : c’est une foutaise ! Les conservateurs restent minoritaires dans le monde des idées. Regardez tout le cirque fait autour de CNews : malgré son audience limitée, on en a fait une espèce de monstre.

À l’université, il y a un renouveau du marxisme. On exalte à nouveau Robespierre comme on le faisait il y a cinquante ans. Les schémas dominants intellectuels restent ceux de la gauche, du progressisme, du wokisme, de la cancel culture ou du néo marxisme. Les poches de résistance sont CNews à la télévision, Boulevard Voltaire sur Internet, et quelques autres sites.

M. B. Quelques raisons d’espérer ?

J. S. Oui, la pensée conservatrice impose des figures nouvelles comme par exemple Mathieu Bock-Côté qui est un personnage rafraîchissant. Des médias s’imposent comme Valeurs Actuelles, Le Figaro Vox et vous, Boulevard Voltaire. On voit bien qu’il y a de jeunes talents à droite et de ce point de vue là, il y a de l’espoir.

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