Sabine de Villeroché 4 avril 2023

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« Qu’est-ce qui vous ferait penser que je plaiderais moins bien avec mon voile ? » C’est ce type d’interpellation à l’adresse des lecteurs de La Croix, en février 2021, par Liliane Bouziane, étudiante en droit, qui embarrasse sérieusement la profession d’avocat. Au point que le Conseil national des barreaux a décidé de s’en saisir pour une réponse au niveau national. Avis prévu à la fin de l’année.

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Récemment, la même Liliane Bouzian toute voilée affrontait Damien Rieu sur le plateau de « Touche pas à mon poste ! » Tête de gondole des revendications de ces jeunes femmes diplômées qui veulent le beurre et l’argent du beurre : l’émancipation, le diplôme, la liberté des femmes françaises et le voile musulman : « Je suis française et je ne me vois pas quitter mon pays aux valeurs duquel je suis attachée, dont la laïcité […] je refuse de choisir entre mon voile et ma robe d’avocate », précisait l’étudiante, à La Croix.

Jusqu’à présent, cette question de compatibilité entre la robe d’avocat et le port du voile se réglait au niveau de chaque barreau. Si la question devient nationale, c’est bien que les provocations se multiplient. Il n’y a pas de fumée sans feu… Comme à l’école, dans les piscines, les entreprises ou sur les terrains de sport, c’est à petits pas que que ces revendications se font jour, jusqu’à devenir un « fait de société ». En 2015 à Paris, c’est dans l’amphithéâtre de l’EFB (École française du barreau) que, selon la description du bâtonnier Pierre-Olivier Sûr, éclate entre un enseignant et ses élèves « une altercation qui a vite tourné au scandale » au sujet du voile. Un échange musclé (« Nous avons complètement perdu la maîtrise de l’affaire », témoignera le bâtonnier) qui contraint le Conseil de l’ordre de Paris à un ajout à son règlement : « L’avocat ne peut porter avec la robe de signe manifestant ostensiblement une appartenance religieuse, communautaire ou politique. »

En 2019, cette même interdiction adoptée par le Conseil de l’ordre de Lille lui vaudra d’être traîné en justice par une certaine Sarah B., élève avocat. « Comment prétendre être avocate, défendre les libertés des autres, si je ne défends pas mes propres libertés ? » plaide la jeune musulmane, abondamment soutenue et médiatisée par le Bondy Blog, média familier de Marlène Schiappa (c’est là qu’elle a fait ses premières armes de blogueuse). Mais ni la cour d’appel de Douai ni la Cour de cassation ne trancheront en faveur de Sarah B.

D’autres Conseils de l’ordre pour d’autres « incidents » ont été forcés d’interdire le port du voile. Bobigny, Montpellier et Toulouse en 2016, Bordeaux en 2019, et encore Paris en janvier 2022 lorsqu’une élève avocat se présente voilée lors de la prestation de son « petit serment » (réservé aux futurs stagiaires). Récemment, ce fut le tour du barreau de Lyon. À Cherbourg, et selon Le Figaro, l’interdiction a été votée de justesse, le résultat du vote interne ayant été « très serré ».

« Je vais me battre, intellectuellement, pour faire bouger les choses », avait promis Liliane Bouziane. Elle n’est pas seule. À la suite de l’affaire de Lille, 250 de ses confrères publiaient une tribune sur le Club de Mediapart pour protester contre ces décisions d’interdiction prises par les barreaux et lutter contre cette « discrimination caractérisée à l’égard de femmes musulmanes ou perçues comme telles ».

Tribune contre tribune, celle de Marianne n’a réuni que 40 avocats pour s’opposer au voile à la barre : « Seul le port de la robe doit prévaloir, symbole d’autorité, de neutralité et de dignité de la justice, valeurs communes aux gens du palais. Seul le port de la robe garantit l’unité de l’ensemble des serviteurs de la justice. Seul le port de la robe nous transcende. »

Une lutte encore inégale qui penche encore du côté de ceux qui refusent le communautarisme. Mais pour combien de temps encore ? Les chiffres de l’immigration, toujours en hausse, et cette intéressantes étude de l’INSEE sur la diversité religieuse publiée le 30 mars dernier nous apprenant que « la proportion de personnes se revendiquant de la religion [catholique] a chuté de 8 points entre 2008 et 2019, et que le nombre de musulmans sur notre sol a gagné 3 points » ( INSEE) pourraient bien renverser la vapeur à terme. De quoi imaginer à quoi ressemblera l’avocate de demain.

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