14 avril 2023
Guillaume Roquette, directeur de la rédaction du Figaro Magazine. Le Figaro
Dans une démocratie digne de ce nom, ni les leaders syndicaux ni les instituts de sondage n’ont la légitimité pour faire la loi à la place des élus.
Ils ont fini par céder. Après plus de trois semaines d’arrêt, les grévistes de la raffinerie de Gonfreville (Seine-Maritime), la plus grande de France, ont repris le travail mardi dernier. Le dernier site pétrolier encore bloqué par la CGT va donc remonter progressivement en production, au grand soulagement des automobilistes exaspérés par ce blocus.
Cette grève incarnait jusqu’à la caricature l’archaïsme du dialogue social dans notre pays. Des salariés indubitablement privilégiés (salaire moyen de 5000 € brut mensuel pour un opérateur en raffinerie de TotalEnergies) ont usé sans vergogne de leur capacité de nuisance pour essayer de bloquer le pays. Avec le soutien énamouré de stars de show-biz en mal de sensations fortes («Ce qu’on veut, c’est instaurer un rapport de force», dixit l’actrice Adèle Haenel, qui avait fait le déplacement) et la complicité d’une justice administrative tentant d’empêcher les réquisitions, une poignée de jusqu’au-boutistes espérait contraindre le gouvernement à retirer son texte de réforme des retraites. Sans succès. Les autorités ont refusé de céder au chantage, utilisant la force publique pour débloquer les raffineries. Comme elles l’ont employé pour faire plier les éboueurs parisiens, malgré l’opposition d’Anne Hidalgo.
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«Il faut tenir», titrait Le Figaro Magazine en janvier, quand le projet de loi repoussant l’âge de la retraite est arrivé devant l’Assemblée. Renonçant pour une fois au «en même temps», Emmanuel Macron a effectivement tenu, résistant à la pression de la rue. Quoi que l’on pense de cette réforme, il a eu raison: dès lors qu’elle figurait dans le programme d’un président réélu il y a moins d’un an par les Français, dès lors qu’il n’y avait pas une majorité de députés pour s’y opposer, elle avait vocation à être votée. Dans une démocratie digne de ce nom, ni les leaders syndicaux ni les instituts de sondage n’ont la légitimité pour faire la loi à la place des élus. Libre aux citoyens de changer ces derniers aux prochaines élections s’ils souhaitent exprimer leur désaccord.
Du contrat première embauche (2006) à l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes (2018), la liste est longue dans notre histoire récente des projets abandonnés sous la pression de manifestants parfois violents.
Et ces précédents ne sont pas pour rien dans l’ensauvagement de notre société : l’idée que l’on puisse obtenir satisfaction par la force quand on est minoritaire s’est petit à petit installée dans notre vie publique.
On voit des apprentis révolutionnaires bloquer leurs établissements scolaires, tandis que leurs aînés saccagent les locaux universitaires ou bloquent les trains en envahissant les voies ferrées.
Chez les syndicats, on n’hésite plus à couper le courant des parlementaires récalcitrants ou à menacer de «mettre l’économie à genoux».
Mais, cette fois, la violence n’a pas eu le dessus. Force est restée à la loi, et c’est tant mieux.
On aimerait qu’il en soit également ainsi dans d’autres domaines, mais qui sait, l’avenir dira…
ARTOFUS