Marc Eynaud 25 avril 2023

Imprimer, enregistrer en PDF ou envoyer cet article
La reconquête de Mayotte navigue en eaux troubles. Elle devrait permettre de soulager l’archipel français du poids de l’immigration clandestine depuis les Comores voisines. L’opération Wuambushu, qui a démarré lundi après bien des interrogations, poursuit ses objectifs de « démantèlement des bidonvilles » abritant bon nombre de criminels comoriens et d’expulsion de « 10.000 clandestins comoriens ». Une goutte d’eau pour certains, un quasi-génocide pour d’autres. Dans ce département français asphyxié par la pression migratoire, les passions se déchaînent jusqu’à la métropole. Terrain d’un bras de fer international entre Paris et Moroni mais aussi entre la NUPES et le reste des formations politiques, l’opération s’accompagne aussi d’une épreuve de force entre Gérald Darmanin et la frange gauchiste de la magistrature.
Une opération saluée par les élus locaux
Face à la Nupes, tous les partis responsables font bloc. Ils ne siègent pas dans le même groupe, mais deux députés ont tous deux salué l’opération lancée par Gérald Darmanin : Estelle Youssouffa (LIOT) et Mansour Kamardine (LR) ont longuement appelé de leurs vœux le retour de l’ordre dans ce département français. Ce dernier a notamment déclaré, hier : « Tous les acteurs institutionnels et la population de Mayotte doivent se mobiliser pour le retour à l’État de droit. (Je lance un) appel à l’engagement pour un retour durable de la sérénité publique et au développement harmonieux du 101e département. » Soutien sans ambiguïté, également, du côté de sa collègue de LIOT : « Cette opération Wuambushu, c’est la lutte contre l’habitat insalubre, l’immigration clandestine et les bandes qui sèment la terreur », a déclaré Estelle Youssouffa, ce matin, sur les ondes de RFI.
Les Comores et le Syndicat de la magistrature font front commun ! LFI embarrassée
Dès 2018, l’antenne locale du Syndicat de la magistrature avait été très claire. Elle avait demandé à la préfecture de Mayotte « l’arrêt immédiat [de la] politique d’interpellation des personnes étrangères en situation irrégulière puisque celles-ci seront immanquablement libérées », en raison du conflit diplomatique avec les Comores. Déjà à l’époque, la mauvaise volonté de Moroni était un argument pour la gauche. Concernant l’opération Wuambushu, le même syndicat avait dénoncé, dès février 2023, « une instrumentalisation dont fait l’objet l’institution judiciaire qui se retrouve mise au service d’une politique pénale décidée par le ministère de l’Intérieur ».
Conséquence directe de cette position, l’arrêt du démantèlement d’un bidonville exigé par le tribunal à Mayotte décidé ce mardi. Depuis la métropole, La France insoumise ne ménage pas ses efforts pour dénoncer la finalité de l’opération. Ainsi, le patron de LFI Manuel Bompard a déclaré, sur CNews : « Ne donnons pas l’impression que c’est l’opération Wuambushu qui réglera les problèmes à Mayotte. » Une position tempérée, sans doute influencée par Mikidadi Abdullah, le porte-parole de l’antenne Insoumise de Mayotte qui avait, quant à lui, botté en touche en déclarant qu’il « ne pouvait se prononcer pour ou contre Wuambushu ».
Du côté de l’ultra-gauche, on reprend carrément les verbatims des Comores. Ainsi, le blog d’extrême gauche Révolution permanente a dénoncé une « opération qui vise à détruire des quartiers entiers et à expulser militairement une partie de la population de Mayotte ». Cette partie de la population comorienne entrée illégalement sur le territoire national fait l’objet d’une déclaration de l’ambassadeur des Comores en France : « Le gouvernement comorien ne peut pas recevoir les expulsés de Mayotte, car ces Comoriens-là sont chez eux. » Cette position est symptomatique de la politique de Moroni qui a toujours considéré Mayotte comme faisant partie de l’Union des Comores. Une opposition calculée : en 2019, le président comorien était reparti de l’Hexagone avec, en poche, une aide de 150 millions d’euros pour aider « au développement » de son pays. Mais les Comores maintiennent leur position : ils n’accueilleront aucun de leurs compatriotes expulsés du territoire français, plaçant la France au pied du mur… Pendant ce temps, la population comorienne s’exaspère.
Le dérapage qui a relancé la gauche !
« À un moment donné, il faut peut-être en tuer. » La polémique est lancée après les propos de Salime Mdéré, premier vice-président du conseil départemental de Mayotte, concernant les délinquants comoriens. Ces propos qualifiés de dérapage trahissent l’exaspération d’une population et d’élus rendus fous par l’impuissance. Ils ont permis à la NUPES de faire de la politique sans remettre en cause le fond du problème mahorais. le parti s’est contenté de couvrir le débat d’une « casserolade » d’indignation. « Cet appel au meurtre ne peut rester impuni, l’opération Darmanin laisse les pires haines se déverser », a réagi Mathilde Panot, ce mardi matin. « Cet appel au meurtre sur une chaîne publique me laisse sans voix », a commenté, pour sa part, l’élue Ersilia Soudais (LFI), rajoutant sa voix à celle du coordinateur national de LFI Manuel Bompard. Ces polémiques politiciennes sur fond de drame mahorais ont, en tout cas, fait réagir Estelle Youssouffa, qui s’en est violemment prise aux forces moralisatrices de gauche :
À ce sujet — [Réaction] André Rougé : « Il y a une ingérence comorienne à Mayotte ! »
Du côté du RN, on salue l’initiative, même si on précise que l’opération gouvernementale risque d’être un retentissant coup d’épée dans l’eau. « Même si cette opération est mal préparée et n’est pas viable à moyen terme, elle va générer une bulle de respiration pour les Mahorais qui vivent dans la terreur », confie à BV André Rougé, eurodéputé RN et spécialiste de l’outre-mer.
Imprimer, enregistrer en PDF ou envoyer cet article
Marc Eynaud
Journaliste à BV