Par Christophe Cornevin. LE FIGARO
16 mai 2023
Globalement, les cambriolages et tentatives de cambriolages ont augmenté de 10 % l’année dernière. © Bigot / Andia.fr/© Bigot / Andia.fr
ANALYSE – Une étude statistique inédite décortique un fléau qui touche un foyer toutes les deux minutes.
Les Français sont loin d’être tous égaux devant les cambriolages. Ceux qui habitent une maison dans une grande ville, avec un niveau de vie élevé, non loin d’une route nationale et à vol d’oiseau d’une cité sensible, ont toutes les raisons de se faire un sang d’encre. C’est en tout cas ce que révèle la décapante étude nationale que le Service statistique ministériel de la sécurité intérieure (SSMSI) consacre à ce phénomène.
Premier constat, les malfrats versés dans les vols à domicile aiment l’anonymat des grandes agglomérations. «Le taux de cambriolage de logements augmente avec la taille des villes, jusqu’à 8,2 pour mille dans les agglomérations de plus de 700.000 habitants, en particulier celle de Paris, Nantes, Bordeaux, Toulouse, Lyon, Grenoble, Marseille, Aix-en-Provence», note le document. A contrario, les zones campagnardes sont plus épargnées puisque, en 2022, «les 14.700 communes dans lesquelles aucun cambriolage n’a été enregistré en 2022 sont moins peuplées (320 habitants en moyenne) et 99 % d’entre elles sont rurales.» En d’autres termes, la pastorale du brigand qui vole de ferme en ferme renvoie bien souvent à un mythe.
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En outre, même si l’on pouvait le subodorer, l’étude du SSMSI le prouve pour la première fois, chiffres à l’appui: les malfaiteurs écument les périmètres où les niveaux de vie sont les plus aisés. «D’une manière générale, plus les habitants d’une commune ont un niveau de vie élevé, plus le taux de cambriolages et de tentatives de cambriolages y est élevé», assurent les analystes. Et le moindre écart se paie cash: «Par exemple, relèvent les analystes, le taux de cambriolage annuel serait de 4,4 pour mille pour une commune présentant les caractéristiques moyennes du rural périurbain et un niveau de vie médian de 20.000 euros, alors qu’il serait de 5,4 pour mille pour une commune similaire avec un niveau de vie médian de 24.000 euros.» Mais l’étude va plus loin en démontrant que les taux de cambriolages, au-delà de «l’effet revenu», grimpent à mesure que l’on habite à côté de cités défavorisées. «Une commune située dans un bassin de vie avec une pauvreté marquée, et dans une moindre mesure avec d’importantes inégalités de revenus, est susceptible de subir plus de cambriolages», note le rapport. Ainsi, une commune enregistre 5,9 cambriolages par an pour mille logements quand l’«intensité de pauvreté» est de 17,5 %.
La moyenne des «casses» en hausse
Lorsque cet indicateur atteint les 20,5 %, la moyenne des «casses» grimpe à 6,2 par an pour 1000 logements. «Le taux de cambriolages d’une commune est lié à la pauvreté et aux inégalités de revenus dans le bassin de vie dans lequel elle s’intègre, martèle le rapport. Plus globalement, il est corrélé aux difficultés sociales présentes dans son voisinage.» Et la distance à vol d’oiseau qui sépare le domicile d’un quartier prioritaire de la politique de la ville (QPV) prend ici une importance fondamentale. «Le lien est d’autant plus fort que le QPV est proche et il s’amenuise au fur et à mesure que l’on s’en éloigne, jusqu’à devenir quasi négligeable», observent les statisticiens qui fournissent cet exemple implacable: «une commune, aux caractéristiques moyennes de l’urbain dense, est ainsi susceptible de subir 7,7 cambriolages pour 1000 logements sur un an dans le cas où son centre serait situé à trois kilomètres – à vol d’oiseau – du centre d’un QPV, contre 8,6 pour mille dans le cas où cette distance serait de 750 mètres.» L’idée selon laquelle les voyous sévissent non loin de leurs terres est donc confirmée par le SSMSI: «Parmi les personnes mises en cause et habitant un QPV en 2020, 63 % le sont pour un cambriolage commis au sein de leur agglomération de résidence – en dehors des QPV.»
Parmi les critères qui favorisent les cambriolages, le rapport du SSMSI met en évidence de singuliers leviers. Ainsi en est-il du bâti: «Une part élevée de maisons individuelles dans l’habitat de la commune augmente le nombre annuel de cambriolages par logement, vérifiant ainsi la plus grande vulnérabilité des maisons par rapport aux appartements», notent les analystes de Beauvau. Leur travail de «modélisation économétrique» a, en outre, permis de montrer l’impact de la «situation géographique et topographique» sur les courbes statistiques. En clair, assure l’étude, «une commune qui est facile d’accès est susceptible d’enregistrer plus de cambriolages de logements qu’une commune qui ne l’est pas». Là encore, l’affirmation, a priori contre-intuitive pour qui voulait croire que les cambrioleurs ciblent les sites isolés, est étayée: «D’une part, une commune située en dehors d’une zone montagneuse enregistrerait, en moyenne par an, 1,3 cambriolage pour 1000 logements de plus qu’une commune de montagne.»
L’étude renchérit: «D’autre part, une commune traversée par une route nationale aurait 0,8 cambriolage pour 1000 logements de plus par an.» Enfin, la proximité d’une frontière ou une implantation en secteur touristique aurait tendance à attirer davantage les visiteurs indélicats tandis que, à l’opposé, «une commune comptant un point d’accueil de la gendarmerie nationale sur son territoire aurait 0,6 cambriolage pour 1000 logements de moins par an.» À travers le pays, l’évolution des faits constatés entre 2016 et 2022 est contrastée. Ainsi, la Guadeloupe (- 61 %), la Corse (- 47 %) et l’Occitanie (- 34 %) font figure de bons élèves tandis que des régions comme la Provence-Alpes-Côte d’Azur (- 9 %) ou l’Île-de-France (- 7 %) tirent leur épingle du jeu en affichant une baisse pus modérée. En revanche, le phénomène se remet à flamber dans les Pays de la Loire (+ 10 %) et, surtout, en Bretagne (+ 18 %).
Globalement, les cambriolages et tentatives, qui avaient chuté de 20 % pendant la pandémie de Covid en raison des isolements à domicile et du télétravail, ont rebondi de 10 % l’année dernière. S’ils n’ont pas retrouvé les niveaux d’avant la crise sanitaire, ils demeurent très élevés. En 2022, en France hors Mayotte, 211 400 faits ont été répertoriés par les services de police et de gendarmerie. Soit presque un toutes les deux minutes.