Avantages pour les cheminots de la SNCF : le « quoi qu’il en coûte » social ?

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PRIVILÈGES. En menaçant de bloquer la circulation des trains au moment des JO, les cheminots ont réalisé un véritable exploit : décrocher des avantages pérennes et totalement démesurés, notamment en matière de retraites.

Lomig Guillo. 05/05/2024 à 14:03. LE JDD

Jean-Pierre Farandou, PDG de la SNCF
Jean-Pierre Farandou, PDG de la SNCF. Hanslucas / © Amaury Cornu

Menacer de faire grève avant un événement d’ampleur internationale pour obtenir des primes et avantages, on pourrait presque dire que c’est de bonne guerre.

Dans l’histoire récente, les syndicats, notamment dans les transports en commun, ont ainsi obtenu des gratifications dans de nombreuses villes où les JO ont été organisés. Mais nos syndicats tricolores ont fait beaucoup plus fort : non seulement ils ont obtenu des primes pour certaines professions (1 900 euros pour les policiers, jusqu’à 2 600 euros pour les agents de la RATP), mais ils ont surtout réussi à décrocher des augmentations et avantages pérennes, qui dureront après l’éventuel surcroît de travail engendré par les Jeux.

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C’est le cas des aiguilleurs du ciel, à qui on a cédé 1 500 euros d’augmentation mensuelle, primes comprises, et jusqu’à douze jours de congé supplémentaires par an. Mais à l’épreuve du coup de pression, ce sont les cheminots qui décrochent la médaille d’or. Leur coup de génie : avoir déposé un préavis de grève courant jusqu’en septembre, après les Jeux paralympiques, qui laissait planer la menace d’une paralysie des transports au moment où tous les yeux seront tournés vers la France.

Résultat, les 145 000 cheminots ont tout simplement obtenu une mesure extrêmement généreuse de « cessation progressive d’activité », qui va leur permettre de gommer les effets de la réforme des retraites de l’année dernière et de partir à la retraite plus tôt, tout en conservant une part de leur rémunération. Les contrôleurs auront ainsi 18 mois travaillés payés à 100 % et 18 mois non travaillés payés à 75 % et 15 mois de chaque pour les conducteurs. En clair, ils pourront continuer à partir avant le nouvel âge légal de départ, à condition d’avoir signé leur contrat avant 2020. Problème ? Le coût de cette mesure.

Les cheminots décrochent la médaille d’or du coup de pression

Selon Agnès Verdier-Molinié, directrice de l’Ifrap, « en 2017 un dispositif similaire était utilisé par 12 % des agents et coûtait 30 à 35 millions d’euros par an aux Français. Si l’on extrapole ce coût au nouveau dispositif, beaucoup plus incitatif, ce serait un coût maximum de 300 millions d’euros par an qui pourrait être atteint ».

Sachant que la SNCF, entreprise aux capitaux 100 % publics, a reçu, en 2022, 20 milliards d’euros de l’État pour combler sa dette, dont plus de 3 milliards pour compenser le déficit de son régime spécial.Pour Fabien Villedieu, délégué syndical Sud-Rail à la SNCF, interrogé sur RTL, « ce n’est pas le contribuable qui financera cet accord. La SNCF est une entreprise rentable, la plus rentable d’Europe. Nous avons fait 1,3 milliard d’euros de bénéfices en 2023, nous avons donc les moyens de financer ce type d’accord ». Le syndicaliste reconnaît en revanche que cet accord « annule clairement une partie de la réforme de 2023. C’est le fruit d’un travail des organisations syndicales et d’un rapport de force ». Les cheminots ont réussi à recréer un nouveau régime spécial, sur le dos des JO.

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Évidemment, cet accord très avantageux provoque des remous jusqu’au sommet de l’État, où personne ne veut assumer la responsabilité d’avoir validé un tel détricotage de la principale réforme portée par Emmanuel Macron. De l’élysée à Matignon, en passant par Bercy et le ministère des Transports, tout le monde semble se renvoyer la balle. Bruno Le Maire devrait prochainement recevoir le patron de la SNCF, Jean-Pierre Farandou, pour lui demander des comptes sur cet accord que le ministre de l’économie juge « très provocant pour beaucoup de nos compatriotes qui travaillent dur et qui ont accepté la réforme des retraites. » Interrogé sur BFM TV, il évoquait même jeudi matin un « sentiment de deux poids, deux mesures ».

Reste que pour beaucoup d’observateurs, il semble improbable que le gouvernement ait été mis devant le fait accompli sans avoir été consulté en amont. Ainsi, selon L’Opinion, au moins un conseiller du Premier ministre avait été mis au courant du deal à la SNCF. Sans, visiblement, avoir trouvé matière à réagir…

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