Rassemblement national : à l’Ouest, du nouveau

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VAGUE. Le RN a réalisé une percée historique dans une région bretonne qui jusqu’ici lui résistait encore et toujours…

Humbert Angleys, envoyé spécial en Bretagne17/06/2024 LE JDD

Senven-Léhart dans les Côtes-d'Armor.
Senven-Léhart dans les Côtes-d’Armor. © Humbert Angleys

La Bretagne, il la gagne ; au Rassemblement national, historiquement loin des premiers rôles dans cette région modérée, « on a a été surpris, mais pas vraiment étonnés ». Arrivée en tête dans chacun des quatre départements bretons aux élections européennes, la liste menée par Jordan Bardella atteint 25,6 % pour l’ensemble de la région, contre 17,3 % en 2019. Il n’y a plus d’exception bretonne.

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Pontivy, Morbihan, 15 000 habitants, plein centre de la région : le RN n’avait même pas réussi à y présenter une liste aux dernières municipales, et le voilà à près de 29 %. Au comptoir d’un bistrot, un jeune retraité qui a toujours voté à gauche clame fièrement avoir voté RN pour la première fois. Pour les législatives qui approchent, rebelote assurée : « Ah ça oui, je ne vais pas en démordre ! On dit qu’ici c’est une ville tranquille, mais ça, c’était avant ! Depuis cinq, six ans… » Une voisine poursuit : « Ce sont les migrants qui sont arrivés, avec des mineurs sans repères qu’on ne peut pas intégrer. Il y a des agressions, je ne suis plus sereine quand je rentre le soir… La ville a changé, voyez, il y aura bientôt plus de kebabs que de crêperies ! » 

Dans un autre troquet, Pascal, fin connaisseur de la politique locale, trouve exagérée cette inquiétude qui gagne. « Dans cette ville plutôt sans histoires et un peu vieillissante, il y a des problèmes, comme partout, il y a un peu d’immigration, oui, mais bon… Il n’y en a jamais eu ici, donc on les voit plus, ça fait réagir, c’est tout… J’ai l’impression que les gens ont surtout voté dans une dynamique nationale ! » Dans beaucoup de villes bretonnes, on proteste ce week-end, comme à Saint-Brieuc vendredi soir : « Pas de fachos en Bretagne, ni en ville ni en campagne ! », scandent une petite centaine de manifestants dans ce bastion de gauche où Raphaël Glucksmann est arrivé en tête. Le défilé fait sourire Enora et ses deux copines : l’une préfère Attal, l’autre a un faible pour Bardella… Elles les suivent sur TikTok uniquement.

Il n’y a plus d’exception bretonne

Fracture territoriale et autre ambiance à Senven-Léhart : au fin fond de l’Argoat, la Bretagne des terres intérieures, le village des Côtes-d’Armor paraît abandonné à son calvaire en granit. Un distributeur de baguettes trône à côté d’un panneau de soutien à l’hôpital public. Il n’y a plus de boulangerie depuis longtemps ; boucherie, restaurant, bar-tabac ont aussi baissé le rideau ces dernières années. Sonia, la cinquantaine, a voté RN sans hésiter, comme la majorité absolue de son village de 239 habitants, qui a placé la liste Bardella à 55,8 %, le plus gros score de Bretagne. Pourquoi ? « C’est simple, tout se dégrade ! », lance-t-elle, avant d’égrener la vie chère, les problèmes que pose l’immigration, qui se rapprochent quand les services publics s’éloignent…

La colère paysanne, qui a achevé de radicaliser ce pays agricole, revient dans toutes les bouches, et le tout s’incarne dans Emmanuel Macron, qui nourrit tous les ressentiments. Dans ce même village, Marion Maréchal avait fait un tabac lors de sa venue il y a une dizaine d’années, se souvient Odile de Mello, responsable départementale du RN pour les Côtes-d’Armor. Diserte sur les effets de l’attelage Marine Le Pen – « les gens l’aiment » – et Jordan Bardella – « providentiel ! » –, elle prépare les législatives dans une dynamique inédite : adhésions et demandes de procurations affluent. Dans son village, Sonia espère une grande claque mais reste circonspecte : « Dans trois semaines, on va voir si les Français sont hypocrites ! »

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