Législatives : le Nouveau Front républicain, un outil de gauche pour conquérir le pouvoir

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CHRONIQUE. La nouvelle alliance de gauche fustige l’« extrême droite » quand la majorité présidentielle renvoie dos-à-dos les « extrêmes ». Derrière ce moralisme anachronique persiste une arme électorale à sous-munition, explique Jean-Marc Albert.

Jean-Marc Albert. 21/06/2024 LE JDD

La nouvelle alliance de gauche fustige l'« extrême droite » quand la majorité présidentielle renvoie dos-à-dos les « extrêmes ».
La nouvelle alliance de gauche fustige l’« extrême droite » quand la majorité présidentielle renvoie dos-à-dos les « extrêmes ». AFP / © Valérie Dubois / Hans Lucas

Le ventre du Front républicain est encore fécond. Usé, il prospère pourtant à proportion de son inefficacité électorale se recyclant avec une régularité stupéfiante. « Républicaine » ou « populaire », cette digue a besoin de dramatiser le danger pour se recomposer. Toute coalition, même contre-nature, est justifiable quand « l’extrême-droite est aux portes du pouvoir ». Historiquement, le Front républicain a pourtant moins cherché à se protéger des ennemis de la République qu’à culpabiliser l’électorat affranchi de la doxa progressiste. Il ne se soucie d’ailleurs plus seulement du salut de notre âme lors des scrutins mais s’invite dans notre quotidien pour nous expliquer qui est fréquentable et ce qui est digne d’honneur.

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Aujourd’hui, la France serait menacée par le retour des vaincus du vichysme et de l’Algérie française. S’il fallait faire le procès en héritage des formations politiques, la généalogie du communisme ou la fondation du parti socialiste version Épinay par un décoré de la francisque pétainiste auraient dû les disqualifier. S’il s’agissait de posture morale, les démocrates devraient s’indigner de l’attelage de gauche où convolent antisémites assumés et apologues de la violence civile. Ayant tari ces différends pour sauver ses sièges et avoir des postes, le Nouveau Front populaire fait, encore, en réalité, du Front républicain un trivial outil de conquête du pouvoir.

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La gauche a édifié un mur dont elle a confié la garde à une droite hypnotisée qui ne cesse de se dire « républicaine » de peur d’être exclue du camp du Bien. L’incantation s’est pourtant diluée. Jordan Bardellal’a reprise pour contrer le « pire du pire » et Gérard Larcher a sorti son propre label « arc républicain ». Si le Front républicain ne veut être réduit à un procédé électoraliste, il devrait d’abord s’inquiéter d’une extrême-gauche qui, elle, veut en finir avec ce système.

Staline pousse les communistes français à exagérer le péril fasciste pour réaliser l’union

Le Front républicain a des antécédents. Dès la Révolution, la notion large d’ « ennemi de la République » est exploitée par les Montagnards pour éliminer leurs opposants, y compris « républicains ».

La Seconde République à l’agonie ne soulève aucun « réflexe » républicain. En revanche, dans une IIIe République sédimentée, la perspective d’une victoire de la droite en 1885 affole radicaux et socialistes révolutionnaires qui implorent la « discipline républicaine ». La manœuvre, grossière, est renouvelée contre les antidreyfusards, puis contre le Bloc national en 1924. Dans les années 30, Staline pousse les communistes français à exagérer le péril fasciste pour réaliser l’union à gauche « contre la tourbe des factieux ».

Le « Front » républicain est « Populaire ». Inaugurant le siècle antifasciste, la gauche y puise son imaginaire et ses méthodes.

En 1947, Jacques Fauvet du Monde évoque « le Front républicain ». Le terme est repris par Servan-Schreiber en 1955 lorsque Guy Mollet coalise les gaullistes de Chaban-Delmas et les radicaux-socialistes contre le droitier Poujade. En 1984, François Mitterrand sème le bacille du Front National à droite pour la diviser et la rendre « inéligible ». Sur la défensive, la droite accepte le cordon sanitaire rocardien isolant le FN qui en joue pour retenir ses élus tentés de s’allier au RPR. Le slogan « ni droite ni gauche » rend étanche cette cloison.

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Après avoir tergiversé, Jacques Chirac finit par stabiliser la voile du barrage anti-FN. En 2002, il sauve la démocratie en refusant de débattre avec son concurrent désigné par le scrutin. Les manifestations d’entre-deux-tours marquent durablement une génération militante qui y trouve un débouché à ses fantasmes. En 2007, la droite n’est pas à la hauteur de ses proclamations. On s’inquiète même de sa fongibilité dans la gauche. Elle périclite alors que le FN s’envole.

Le front républicain agit comme un tamis traquant le préjugé conservateur

La mobilisation faiblit mais la dédiabolisation n’est pas achevée malgré les efforts du RN pour saborder le legs paternel. La préférence rebaptisée priorité nationale est toujours déclarée antirépublicaine. Car le front républicain n’est pas que contingence électorale, il agit comme un tamis traquant au quotidien le préjugé conservateur. Il innerve notre imaginaire avec ses rituels, ses excommunications et sa morale « républicaine » au contenu incertain.

Le Front républicain est un front en tension. Le gauche a besoin de conflictualiser les rapports sociaux. Il lui faut une figure maléfique à haïr, hier le noble et le bourgeois, aujourd’hui la droite, dans toutes ses nuances. Par la diabolisation, la frontière entre le Bien et le Mal censée passer en chacun est déplacée entre un « eux » et un « nous » irréconciliables. Les « Antifas » reportent la responsabilité de leur violence sur le RN accusé, par une sorte de prophétie auto-réalisatrice, du chaos provoqué par d’autres. L’extrême-gauche fait ainsi de la guerre civile son moteur.

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L’État fracturé du pays commande une autre façon de voir la politique. Nicolas Sarkozy, Serge Klarsfeld ou encore François Fillon l’ont compris. Seuls les Insoumis menacent le bloc de constitutionnalité en instillant le poison de la sédition et en délégitimant « la mauvaise République » à laquelle il préfère celle de Chavez ou de Castro. La France devrait moins craindre « l’ordre » souhaité par l’union des droites, que le désordre voulu par l’extrême-gauche.

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