Législatives : arc républicain, extrêmes, barrage… pourquoi la diabolisation est devenue inutile

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CHRONIQUE. La stratégie qui consiste à diaboliser ses opposants pour se maintenir au pouvoir, en dépit des aspirations populaires et de l’absence de réformes significatives, à conduit au désordre politique, regrette l’essayiste Paul Melun.

Paul Melun. 28/06/2024 LE JDD

Discours de Marine Le Pen lors du dernier grand meeting du RN pour les élections européennes.
Discours de Marine Le Pen lors du dernier grand meeting du RN pour les élections européennes. AFP / © Francois Pauletto / Hans Lucas

Il s’est écoulé 22 ans depuis le fameux second tour Le Pen – Chirac en 2002. Plus de deux décennies durant lesquelles la diabolisation de l’adversaire a atteint des sommets. D’élections en élections, le Front National, devenu Rassemblement national, a connu une ascension fulgurante jusqu’à se hisser au seuil du pouvoir. Le centre depuis 2017, et avant lui le PS et l’UMP, partis au fond assez similaires, ont tous engagé une même stratégie pour se maintenir au sommet de l’État. Coûte que coûte, le « camp de la raison », pour paraphraser l’ancien ministre Clément Beaune, a diabolisé son adversaire.

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C’est ainsi qu’Emmanuel Macron a accédé et s’est maintenu au pouvoir. Un chantage cynique, sans cesse répété, a permis au bloc central d’avoir l’assurance de gagner les seconds tours. Soit les Français votaient pour « le chaos », « le fascisme », les « idées nauséabondes » ; soit ils choisissaient le « camp du progrès, de la liberté et de la stabilité ». Martelée via tous les canaux dont dispose le système politique, cette équation finissait forcément par un résultat toujours similaire, le « bien » qui triomphe « du mal ».

Ce déni du peuple et de ses aspirations devait forcément mal finir

Une fois aux affaires, le bloc central, dont on aurait pu croire qu’il ait reçu le message adressé par les électeurs au premier tour, l’ignorait sciemment et déroulait sa feuille de route sans souci du peuple. À la différence des Sociaux-Démocrates du Danemark ou des premiers ministres du Royaume-Uni après le Brexit, Emmanuel Macron et ses prédécesseurs ont préféré renvoyer à l’extrémisme toutes les angoisses sociales, migratoires ou identitaires des Français. Gouvernant comme si de rien n’était, les derniers présidents de la Ve République ont poursuivi les politiques qui divisent et inquiètent le pays, à commencer par la poursuite de l’immigration massive, du transfert de souveraineté à l’échelle européenne et de la casse sociale répétée qui en découle.

Ce déni du peuple et de ses aspirations devait forcément mal finir. La diabolisation de l’adversaire, désormais de gauche comme de droite, a conduit Emmanuel Macron à constituer une sorte de parti unique au centre, seul en mesure d’incarner un arc républicain qui varie au gré des mois et se réduit à peau de chagrin, même si l’on y adjoint LR et le PS. Désormais minoritaire dans le pays, ce bloc ne se maintien que par la peur qu’il tente d’inspirer à l’égard du Nouveau Front Populaire et du RN et ses alliés. Chaotique, cette stratégie verrouille la démocratie, la dévalorise même, car elle empêche un débat serein entre partis qui s’affrontent sur le fond.

De barrages, en procès en extrémisme, la politique perd sa grandeur, celle du projet au service de l’intérêt supérieur de la nation.

Le calcul « moi ou le chaos » ne peut se finir que dans le désordre

Si cette stratégie cynique de la diabolisation a permis à un pouvoir minoritaire et impopulaire de se maintenir, il semble que désormais sa fin soit proche. Comme tous les calculs cyniques, celui du « moi ou le chaos », engendré par Emmanuel Macron et ses derniers prédécesseurs, ne peut se finir que dans le désordre et la confusion. Depuis le 9 juin dernier, nous y sommes.

Toutes les combines politiciennes et les artifices de la communication ainsi que les manipulations qui en découlent ont affaibli durablement la qualité du débat politique. En résulte un pays fracturé, avec trois blocs qui semblent se faire face et s’entrechoquer dans une frénésie totale. Si le bloc central avait vraiment voulu prévenir cette situation délétère, il aurait agi au fond. Emmanuel Macron avait de pouvoir. Il aurait pu redonner à la France sa souveraineté, sortir du cycle de l’immigration massive tout en demeurant fidèle à la tradition humaniste de la France, préserver le pouvoir d’achat des plus modestes et garantir la souveraineté populaire en ayant recours au référendum. Tout cela il ne l’a pas fait, préférant ne rien changer à un système dont les Français ne veulent plus.

Par l’impéritie du centre et ses calculs cyniques, la France est livrée au désordre politique. Si Emmanuel Macron et ses prédécesseurs avaient véritablement voulu lutter contre ce qu’ils appellent « les extrêmes », ils auraient agi et remédié aux causes profondes qui nourrissent ces partis. Mais il était plus simple de ne rien changer et de diaboliser l’adversaire. Désormais tout cela ne fonctionne plus. Il y a fort à parier que dimanche prochain l’hégémonie des « modérés » sur la politique française ne soit bel et bien terminée.

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