Gernelle – Prix Nobel de chimie : le festival des tartuffes.

Les politiques qui félicitent Emmanuelle Charpentier ont presque tous soutenu les mesures prohibant l’utilisation de ses découvertes pour l’agriculture…

Par Etienne Gernelle Publié le 09/10/2020  | Le Point.fr 

– C’est un cortège, une procession, où l’hypocrisie le dispute à l’ignorance. Nos politiques rivalisent de superlatifs pour se féliciter du prix Nobel de chimie attribué à Emmanuelle Charpentier… Ils ont raison, évidemment, c’est une très grande nouvelle, et une scientifique hors du commun.

Le problème, c’est que tout ce petit monde ou presque a été et reste partisan de l’interdiction des OGM pour l’agriculture, et donc de l’application des ciseaux génétiques Crispr/Cas9, la découverte d’Emmanuelle Charpentier et de sa colauréate, l’Américaine Jennifer Doudna… Autant de tartuffes, qui font cocorico pour notre Prix Nobel nationale, mais votent des lois qui proscrivent l’utilisation de ses découvertes.

Car outre ses promesses dans le domaine de la santé, notamment des maladies génétiques, Crispr/Cas9 représente un espoir considérable pour l’agriculture. L’une de ses particularités est de recourir à l’implantation des gènes issus de la même espèce que le receveur, contrairement à la technique de la transgenèse, employée pour les OGM actuels. Emmanuelle Charpentier l’expliquait dans une interview au Point en 2018 : « Cela pourrait donner une autre perspective aux habitants des pays où la malnutrition est encore un fléau. Les plantes génétiquement modifiées avaient mauvaise réputation en partie parce que les technologies utilisées jusqu’à présent inséraient de l’ADN étranger dans le génome des plantes. De plus, elles étaient très liées au lobbying des grandes productions. Crispr/Cas9 peut changer cette vision. »

La croisade obscurantiste de Greenpeace

Il ne s’agit d’ailleurs pas seulement de s’attaquer à la malnutrition, mais aussi aux grands défis écologiques, puisque cette avancée permettrait de développer des cultures moins consommatrices d’eau et de pesticides…

Mais voilà, « un homme politique est quelqu’un qui aborde chaque sujet la bouche ouverte », disait Oscar Wilde, qui ne sera pas démenti dans cette affaire. Tous ne se sont pas renseignés sur les études qui depuis des décennies ne décèlent aucun danger dans les produits OGM. Combien d’entre eux ont lu par exemple cette lettre signée par plus de cent Prix Nobel en 2016 pour demander aux gouvernements de ne pas céder à la croisade obscurantiste de Greenpeace contre les OGM et en particulier le « riz doré » ? « L’opposition fondée par l’émotion et le dogme, et contredite par les faits, doit être stoppée », écrivaient les Nobel, concluant par ceci : « Combien de pauvres gens dans le monde doivent mourir avant que nous considérions cela comme un “crime contre l’humanité” ? »

Ce déni n’est certes pas que français, c’est l’Union européenne qui a produit une directive en 2001 pour bannir les cultures OGM. Mais elle a été appliquée avec zèle en France. Et en 2018, lorsque la Cour de justice de l’Union européenne a jugé que les nouvelles techniques de mutagenèse – ce qui comprend Crispr/Cas9 – étaient bien des OGM, donc interdites d’usage agricole, qui a fait alors un communiqué pour s’en réjouir ? Frédérique Vidal, notre ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche. La même qui se félicitait du prix Nobel d’Emmanuelle Charpentier…

On la plaint, on les plaint tous : il va leur en falloir, des contorsions, pour se sortir de ce pétrin-là.

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