Ce que Mohamed Sifaoui a vraiment coûté au Fonds Marianne

Par Jeanne Fayol. LE FIGARO

Publié  le 16/06/2023

INFO LE FIGARO – Avances sur salaire, mutuelle de luxe … Le journaliste «expert de l’islam radical» a coûté à l’association, financée par des fonds publics, bien plus que son salaire reconnu sous serment devant les sénateurs.

Entendu par la commission d’enquête ce jeudi, Mohamed Sifaoui, par ses provocations répétées, a failli venir à bout des nerfs des sénateurs. À tel point que ceux-ci n’ont pas relevé un point crucial de sa déclaration, qui a pourtant lancé «l’affaire» : son salaire, alimenté par le fonds Marianne.

Potentiellement en jeu : le détournement présumé de fonds publics destinés à la lutte contre le cyberdjihadisme, étant donné que ses productions de «contre-riposte républicaine» sur les réseaux sociaux ont été jugées très insuffisantes par l’Inspection générale de l’administration.

L’ancien journaliste était salarié par l’USEPPM, association où il occupait le poste de directeur des opérations du projet de lutte contre le cyberdjihadisme financé par le Fonds Marianne. Ce fonds avait été lancé en 2021 par Marlène Schiappa après l’assassinat de Samuel Paty. Face aux sénateurs, Mohamed Sifaoui a déclaré sous serment avoir été salarié «sur douze mois» à hauteur de «43.000 euros et des poussières, dûment déclarés auprès de l’administration fiscale ». Dans son communiqué diffusé sur Twitter le 12 avril après les premières révélations conjointes de Marianne et France 2, il avait précisé sa version des faits : «ma rémunération a été – très précisément – de 43.529,64 euros nets imposables».

Une déclaration pour le moins incomplète, voire carrément trompeuse. D’après nos informations, il aurait en réalité perçu plus de 19.000 euros de plus sous forme d’avances sur salaire ; somme qu’il a partiellement remboursée à partir du moment où le scandale était sur le point d’éclater. Selon une source interne à l’association, corroborée par des documents bancaires auxquels nous avons eu accès, il aurait rendu précisément 7020 euros à ce jour.

Ces avances sur salaire apparaissent sur un document inédit produit récemment par l’expert-comptable de l’association et consulté par Le Figaro. Interrogés à plusieurs reprises sur cette omission, Mohamed Sifaoui et son avocat, Me Bernard Benaiem, ont refusé de répondre.

Ce n’est pas tout : l’ancien journaliste a bénéficié d’une importante mutuelle couvrant sa famille dès novembre 2021, et ce pendant plus d’un an. À raison de 960 euros facturés chaque mois, la somme totale s’élève à 13.440 euros. Le contrat a ensuite été résilié par la société d’assurance en raison de lourds impayés. Là encore, silence du principal intéressé et de son avocat.

Ces documents ont été très récemment obtenus par la gouvernance actuelle de l’association, et n’ont donc pas pu être pris en compte lors de la mission d‘information de l’Inspection Générale de l’Administration mandatée pour éclaircir les dysfonctionnements de la distribution du Fonds Marianne. Dommage, car ils alourdissent nettement le total des sommes allouées à Mohamed Sifaoui, et rectifient – à la hausse – les chiffres qu’il a annoncés sous serment.

Jeu sur les chiffres

L’ancien journaliste «expert de l’islam radical» minimise systématiquement les sommes qu’il a perçues grâce à l’association. Ainsi en va-t-il de la façon dont il présente son salaire : «Sur le fonds Marianne, les salaires imputables qui m’ont été versés sont de l’ordre de 43.000 sur douze mois». Habilement, il en cite le montant annuel, et non la somme totale perçue sur dix-neuf mois d’activité.

Il choisit ensuite d’évoquer le salaire mensuel net imposable, et non le coût global pour l’association. Pourtant la différence n’est pas mince, puisque l’on passe d’une somme de 43.000 euros à… 105.135 euros. Rien n’est factuellement faux dans ses mots, mais il présente les choses d’une façon pour le moins avantageuse.

Car en ajoutant ce montant aux avances non remboursées (12.000 euros) et au coût de sa mutuelle (13.440 euros), on arrive ainsi à une somme totale de 130.535 euros. C’est bien ce montant – et non les «43.000 euros et des poussières» – qu’il faudrait, en toute rigueur, comparer aux 266.000 euros de subventions accordées par le fonds Marianne à l’USEPPM.

Ce que Mohamed Sifaoui a vraiment coûté au Fonds Marianne ? Pas moins de 50% des subventions allouées, très précisément.

À lire aussiAffaire du fonds Marianne : enquête sur la méthode Sifaoui

Fonds propres de l’association ?

Dernier élément de défense de Sifaoui : ces sommes n’auraient pas été touchées intégralement sur le Fonds Marianne, mais aussi sur les «fonds propres de l’association». Sur les plateaux et devant les sénateurs, il reproche aux journalistes la confusion entre les deux. Les statuts de l’USEPPM sont pourtant clairs à ce sujet : «Les membres de l’Union ne peuvent recevoir aucune rétribution à raison des fonctions qui leur sont confiées.»

En outre, plus concrètement, du bilan comptable de l’USEPPM pour l’année 2020, consulté par Le Figaro, il ressort qu’avec des revenus annuels de 30.000 euros et en l’absence de réserves, la structure associative avait juste de quoi assumer le coût de l’immeuble et la petite rémunération que s’accordait son président. Pas de fonds propres, donc, et encore moins de quoi assurer de telles rétributions.

Laisser un commentaire