L’aveuglement forcené de l’Occident face aux assauts islamistes…

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Des personnes se tiennent au-dessus de la façade d'un magasin alors qu'elles participent à une manifestation "Stand with Palestine", près de l'ambassade d'Israël, dans l'ouest de Londres, le 9 octobre 2023.

©Daniel LEAL / AFP

NAÏVETÉ

L’Occident a laissé se développer une cinquième colonne dans son territoire.

Alexandre Del Valle ATLANTICO. 14 octobre 2023

Atlantico : Quelle a été la naïveté de l’Occident au niveau de la diplomatie vis-à-vis de l’islamisme ?

Alexandre del Valle : L’Occident a énormément misé sur ses relations avec les pays arabes entre les années 50 et les années 2000 auprès notamment de l’Arabie saoudite. Or, l’Arabie saoudite a utilisé son poids diplomatique, économique et pétrolier pour faire accepter par l’Occident sa vision de l’islam. La vision wahhabite de l’islam saoudien est l’une des sources de l’islamisme radical et a été dominante dans la diaspora musulmane en Occident. Au cœur de l’Occident, dans la gestion de l’islam, les mêmes tendances étaient partagées auprès des pays avec lesquels nous étions alliés d’un point de vue diplomatique. Nous étions alliés à l’époque avec l’Etat qui dispensait l’islam le plus violent, le plus conservateur et le plus totalitaire : l’Arabie saoudite avec le wahhabisme.

Cela n’a pas aidé à construire un islam modéré en Europe. Dans les années 2000, l’Arabie saoudite s’est brouillée avec le Qatar. L’Arabie saoudite a cessé d’aider et de financer les Frères musulmans. Depuis l’arrivée de Ben Salmane, l’Arabie saoudite est dorénavant devenue un pays qui lutte contre une forme d’islamisme radical. Mais bizarrement, l’Occident est resté de plus en plus lié avec le nouveau parrain de l’islamisme politique, le Qatar. Cela est stupéfiant. Le Qatar n’a fait que poursuivre l’action de l’Arabie saoudite qui pendant des années a financé les centres des Frères musulmans en Europe, notamment le Centre islamique de Genève de la famille Ramadan mais aussi en Belgique. Dans les années 2000, il y a eu un engouement pour le Qatar qui a pris le relais de l’Arabie saoudite dans le financement de l’islam politique et de l’islamisme radical.

Nous voyons bien l’embarras, aujourd’hui, de nombreux dirigeants politiques, comme Olaf Scholz en Allemagne, car depuis les attaques du Hamas en Israël, les opinions publiques et les citoyens s’élèvent contre les Frères musulmans. Certains pays ne sont pas prêts à rompre leurs liens diplomatiques avec le Qatar malgré ses liens avec les Frères musulmans et sa participation au financement de l’islam politique dans le monde entier. Les pays occidentaux, et notamment en Europe, sont pieds et poings liés avec le Qatar, comme ce fut le cas jadis avec l’Arabie saoudite.

Un autre Etat ami de l’Occident est le Koweït, qui a été soutenu contre l’Irak dans les années 90 lors de la première Guerre du Golfe. Or, le Koweït est aussi un grand sponsor des Frères musulmans, la matrice de l’islamisme radical, juste après le Qatar.

Deux très grands amis de l’Occident, le Koweït et le Qatar, financent donc les Frères musulmans, qui eux-mêmes sont derrière le Hamas qui collecte beaucoup d’argent dans le monde dont en Iran, au Qatar et auprès d’organisations caritatives musulmanes en Europe. Le Koweït et le Qatar aident donc des islamistes qui sont contre l’intégration et contre nos valeurs et qui développent des théologies, notamment qui diabolisent les islamophobes, les apostats et les blasphémateurs. Il n’est pas surprenant que des professeurs soient attaqués comme à Arras ou avec Samuel Paty car il s’agit là de l’idéologie de la charia véhiculée par les Frères musulmans et qui invite à punir de mort les blasphémateurs, les mécréants les sionistes et qui est à l’origine de cette banalisation du crime islamiste. Certains l’appliquent à la lettre comme ce Tchétchène à Arras ou le terroriste ayant ciblé Samuel Paty.

Les associations des Frères musulmans dispensent une idéologie fondée sur la charia dans sa version radicale. Cela conduit ensuite à des passages à l’acte par des personnes qui trouvent refuge dans l’islamisme radical sponsorisé par différents pays comme le Qatar, la Turquie et le Koweït. Nous voyons donc le lien entre nos alliances avec le Qatar, le Koweït et la Turquie et ce qui se retrouve chez nous, un islamisme radical de plus en plus totalitaire et violent.

Cela montre bien que nous nous sommes fondamentalement trompés sur notre diplomatie. Il est normal d’avoir des liens diplomatiques avec des pays comme le Qatar. Mais avoir fait le jeu du Qatar, en ayant laissé libre cours en France à l’islam souhaité par le Qatar, la Turquie et l’Arabie saoudite était une erreur. Nous avons eu tort de reproduire chez nous les agendas des pays islamistes qui sont nos alliés diplomatiques. Il aurait fallu que nos alliés ne puissent pas s’immiscer dans nos affaires communautaristes et pour ne jamais voir se profiler chez nous l’islam radical contraire à nos valeurs qui sévit chez certains de nos alliés. Il n’est pas normal de les laisser chez nous financer nos ennemis civilisationnels. Nos dirigeants devront être comptables de ces choix un jour.

Quels mécanismes de l’islamisme nous ont aveuglés en Occident face à cette menace ?

Le mécanisme diplomatique a permis aux pays occidentaux de trouver des financiers avec l’Arabie saoudite, le Qatar, la Turquie, le Koweït. Des Etats moins sous l’emprise des islamistes radicaux, comme le Maroc, l’Algérie ou le Pakistan, ont alimenté des réseaux qui ne sont pas toujours conformes à nos valeurs. Certains Etats étrangers ne veulent pas que les musulmans en France soient « contaminés » par nos valeurs.

Des organisations transnationales musulmanes, très liées à des Etats du Golfe, et qui ont une idéologie proche des Frères musulmans, qui sont représentées à l’ONU, exercent des pressions sur le Conseil de l’Europe, sur les diplomaties nationales, sur les différents gouvernements, sur les partis politiques, sur les liens privés. Elles exercent des pressions à tous les niveaux (organisations internationales, diplomatie française, ministère du culte…). Il y a tout un processus qui œuvre à poursuivre un agenda qui est celui des Frères musulmans. Les pôles de l’islamisme mondial ont des relais associatifs, des ONG en Europe, qui gèrent des clubs de sport, des lycées islamiques, des mosquées. Par capillarité, il peut même y avoir des financements publics. La mairie de Londres a longtemps payé al-Qaradâwî, l’homme qui donnait les raisons pour lesquelles on pouvait tuer un blasphémateur ou un apostat. Il a été employé de la mairie de Londres. Il était une grande figure mondiale des Frères musulmans et était hébergé au Qatar et non en Iran.

Les relations des pays occidentaux sont donc contradictoires. Nous avons des alliés extérieurs qui sont des ennemis civilisationnels intérieurs et qui font de l’ingérence sur notre sol.

Ce processus, d’un point de vue idéologique et psychologique, était malin de la part des pays en question. Cette démarche visait à motiver des jeunes musulmans à ne pas s’intégrer, les faire se replier d’un point de vue communautaire pour les couper de la société environnante, jugée contaminante et impure. Cela conduit à ce que j’appelle la stratégie de la « paranoïsation » conduisant à la désassimilation. Cela passait par le fait de laisser entendre que tous les mécréants sont islamophobes. Le processus de l’islamophobie a été extrêmement efficace. Il a fait croire à beaucoup de musulmans que tous leurs problèmes venaient de l’islamophobie, que le mécréant passe son temps à faire du tort aux musulmans. Si le mécréant est si horrible, les personnes les plus désespérées comme le Tchétchène à Arras vont décider de passer à l’acte et de s’en prendre physiquement à un mécréant. La doctrine islamiste véhicule l’idée selon laquelle le mécréant souhaite le mal des musulmans et cherche à les pervertir. Cela peut aussi conduire à un repli communautariste et à la construction d’une contre-société. Même dans des sociétés comme au Maroc, l’Occident est souvent considéré comme impur et pervers.

L’Occident a laissé se développer une cinquième colonne dans son territoire. Mais la chose la plus coupable est que nous avons laissé nos citoyens musulmans se fanatiser par des imams, des idéologues, des prédicateurs. Nos hommes politiques ont inauguré des mosquées dans toute la France et dans toute l’Europe sous l’influence d’Etats peu démocratiques ou d’associations ultra radicales islamistes comme les Frères musulmans ou les salafistes. Cela a parfois été financé par les impôts des citoyens via des centres islamiques, des terrains, des allocations, des subventions à des associations islamistes.

Comment tolérer que certains Etats, comme le Qatar, financent le terrorisme ? Quels sont ces états et quelle est leur démarche ?

Le Qatar est très malin sur le plan diplomatique. Leurs ambassadeurs et leurs élites sont formés dans les meilleures écoles américaines. Les pays anglo-saxons sont très perméables à l’argent. Certaines chaires dans ces universités ont été achetées par des Etats totalitaires qui veulent développer une bonne image d’eux-mêmes.

Un Etat comme le Qatar finance le terrorisme, accueille les deux cadres principaux du Hamas sur leur sol, Khaled Mechaal et Ismaël Haniyeh, qui ont récemment fait des appels au djihad auprès des musulmans. Même si l’Iran participe à la formation du Hamas, notamment sur le plan militaire, le pays qui aide politiquement, géopolitiquement et financièrement le Hamas est bien le Qatar.

Or, le Qatar est un ami de l’Occident et même d’Israël. Les dirigeants occidentaux lui ont confié une mission d’encadrement, diplomatique, d’aide et de financement alors que ce pays qui se présente comme modérateur tente de nous berner.

Les dirigeants du Hamas et d’autres mouvements terroristes liés aux Frères musulmans, aux talibans ou aux shebab somaliens sont très présents au Qatar et font des déclarations djihadistes depuis le Qatar.

La télévision du Qatar, Al-Jazeera, qui relayait les messages d’Al-Qaïda dans les années 2000, n’a jamais cessé d’avoir une propagande diabolisante envers Israël et les Juifs. Des personnalités au Qatar contestent même la Shoah et sont critiques envers l’Europe qui permet de faire des lois qui interdisent le fait de nier la Shoah. Cette vision au Qatar peut s’apparenter à une dérive négationniste, ce que certains appellent l’islamo-nazisme.  

Quels sont les moyens ou les solutions pour lutter contre ces lâchetés et ces idéologies de haine anti-occidentales et anti-juives sur notre sol ?

Pour lutter contre la haine anti-occidentale et anti-juive, il est possible d’interdire et de s’attaquer à l’antisémitisme des islamistes et de l’extrême droite. Les islamistes ne critiquent pas que les sionistes contrairement à l’extrême gauche, très maline, qui fait souvent croire qu’elle n’a rien contre les Juifs en tant que tel mais qu’elle n’est contre que les sionistes. Les islamistes critiquent les Juifs. Les milliers d’oeuvres islamistes des Frères musulmans, du Millî Görüs turc qui incitent à diaboliser les Juifs et qui rappellent les Protocoles des Sages de Sion ne sont pourtant pas interdites.

Le livre sacré du Millî Görüs (Turc) a été écrit par Necmettin Erbakan. Cette publication antisémite précise que tous les maux que subissent les musulmans sont imputables aux Juifs. Les Frères musulmans ont beaucoup de textes radicaux et antisémites contre les Juifs. Ces contenus sont aussi présents dans des manuels scolaires de pays musulmans et dans des centres islamiques en France. L’ouvrage de Youssef al-Qaradâwî qui incite à tuer pour le blasphème, l’apostasie, l’adultère est en vente libre en France ou « La voix du musulman » de al-Jâzaîri évoque la nécessité de se préparer au djihad. Cela est enseigné sur notre sol. Ces livres incitent à tuer, à frapper, à discriminer ou à haïr les Juifs, les chrétiens, les athées… Les dirigeants politiques estiment qu’interdire ces ouvrages est très complexe car ces publications s’appuient sur des textes religieux et donc cela voudrait dire que la France souhaiterait bannir cette religion.

Le « génie » de l’islamisme radical et du nouvel antisémitisme islamiste consiste à dire que ce n’est pas une idéologie antisémite et que cela correspond à la pratique d’une religion et qu’il est impossible de censurer une religion.

Sous couvert de liberté religieuse, tout ceci est toléré.

Alexandre Del Valle

Alexandre Del Valle

Alexandre del Valle est un géopolitologue et essayiste franco-italien. Ancien éditorialiste (France SoirIl Liberal, etc.), il intervient dans des institutions patronales et européennes, et est chercheur associé au Cpfa  

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