[Une prof en France] Tremblez, voyous, la force mobile scolaire arrive !…

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violence lycée

Parents, professeurs, directeurs, braves gens, dormez tranquilles, l’État veille sur vous et sort l’artillerie lourde pour rétablir l’ordre dans les écoles et remettre au pas toute la racaille violente qui y prospère en toute impunité. Après les multiples plans pour renforcer la sécurité dans les écoles, la création des internats-tremplins et des classes-relais, la formation des personnels, les protocoles successifs élaborés depuis dix ans, on a trouvé l’arme fatale, la tant attendue, la décisive : la Force Mobile Scolaire.

On pensait pourtant avoir déjà mis les bouchées doubles, depuis deux ans : on avait créé un prix « Non au harcèlement », on avait promu de gentils élèves ambassadeurs pHARe, on avait fait entrer dans les programmes – à la place du français et des maths, réduits à la portion congrue – l’éducation à la citoyenneté, l’éducation aux médias et à l’information, l’éducation à l’égalité et à la lutte contre les discriminations. Et cela n’a pas suffi… Tant de bonne volonté administrative aurait quand même pu avoir une petite incidence sur le réel. Mais non, le réel est décidément discourtois et ne sait pas gré aux gentils GO de l’Éducation nationale de tous leurs efforts. Alors Mme Belloubet et son mentor Gabriel Attal ont pris les armes et ont annoncé la création de milices, de phalanges, de bataillons, enfin, d’une sorte de CRS 8 de l’école, d’unité d’élite qui interviendra en situation de crise ou de tension aiguë.

Là, on dit « respect ». On sent qu’ils ont enfin pris la mesure de la situation. Mais… ça rappelle quand même quelques souvenirs. Quelle différence avec les équipes mobiles de sécurité, les fameuses EMS créées par Luc Chatel (moi aussi, je l’avais oublié, celui-là…) en… 2009. Vous avez vu ? EMS/FMS, ils ont même presque gardé les initiales, ce qui permettra de recycler les textes en mettant juste un petit coup de blanco sur la base du E. Malin ! On va faire des économies.

À ce sujet — « Ils l’ont jetée dans la fosse aux lions » : l’émotion après le passage à tabac de Samara

Si l’on regarde ce qui est proposé, on voit la reprise à l’identique de l’organisation des EMS, avec un simple changement d’échelle : 20 super-miliciens parcourront le territoire pour régler tous les problèmes en venant en renfort des EMS, dont tous les Français s’accordent à saluer l’efficacité.

Ces équipes mobiles de sécurité sont sous l’autorité directe des recteurs. C’est mauvais signe. Chaque recteur a donc composé « l’équipe mobile de sécurité en respectant le caractère mixte de l’équipe : personnels appartenant à l’Éducation nationale (chef d’établissement, enseignant, conseiller principal d’éducation, infirmière, etc.) et spécialistes de la sécurité issus d’autres ministères ou des métiers de la sécurité ». Si l’on croise cette information avec les missions allouées à cette équipe, on a comme un doute : « Elle assure la protection et la sécurité des personnes et des biens dans les établissements ou à leurs abords immédiats – contrôle, dissuasion, prise en charge temporaire des entrées et sorties des élèves, sécurisation de proximité à l’entrée de l’établissement, etc. – en situation de crise ou de danger avéré. » L’infirmière scolaire va assurer ma sécurité aux abords de l’établissement en cas de danger avéré ? Les vingt jeunes qui ont attendu Samara sur le parvis de son collège pendant quatre heures pour la passer à tabac dès sa sortie ne constituaient visiblement pas un « danger avéré », vu que personne n’a songé à les disperser ni à assurer la sécurité de la jeune fille à sa sortie. D’un autre côté, le texte ministériel rappelle que « les interventions sur la voie publique (abords des établissements scolaires, trajets, transports, etc.) relèvent de la police ou de la gendarmerie ». C’est flou : qui a en charge les abords de l’établissement, l’EMS ou la police et la gendarmerie ? Comment distinguer « l’abord » et « l’abord immédiat » ? Il faudra décider, et l’on pourra jouer à se renvoyer la balle de la responsabilité.

En cas d’urgence, il faut aller vite, mais sans égratigner le protocole : « En cas de besoin, le chef d’établissement alerte l’autorité académique et formule une demande d’intervention de l’équipe mobile de sécurité. Cette demande est instruite par le (ou les) conseiller(s) sécurité pilote(s) de l’équipe mobile de sécurité. L’intervention de l’équipe mobile de sécurité est décidée par le recteur d’académie. » Vous le sentez, l’enfumage ? Vous la voyez, la complexité logistique ? Vous l’imaginez, la petite CPE de 55 kilos montant vite dans sa voiture pour aller à 75 kilomètres de là (équipe mobile…) faire de la dissuasion dans un établissement dans lequel elle ne connaît personne ? Alors, à n’en pas douter, porter le dispositif au niveau national va tout changer. Soyons rassurés, l’Etat protège nos enfants.

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