Jean de Kervasdoué: «Les écologistes disent des contre-vérités»

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ENTRETIEN – L’économiste de la santé combat les raccourcis idéologiques tels que «la France va manquer d’eau», «les OGM sont dangereux» ou «les pesticides tuent».

Par Eric De La Chesnais LE FIGARO, 24 février 2021.

Ingénieur, diplômé de l’Agro et des Eaux et forêts, celui qui fut conseiller agricole de Pierre Mauroy puis directeur des hôpitaux au ministère de la Santé (1981-1986) a publié plusieurs livres engagés sur l’environnement et les contre-vérités assénées par les écologistes. Le dernier en date porte un titre provocateur: Les écolos nous mentent(Albin Michel).

LE FIGARO.- Pourquoi ce titre?

Jean de KERVASDOUÉ.- Ce livre, coécrit avec Henri Voron, un camarade major de ma promotion à l’Agro, voulait démonter les arguments avancés par certains écologistes. Attribuer le réchauffement climatique aux hommes est caricatural. Quand on construit dans les zones humides, il ne faut pas s’étonner ensuite que des maisons puissent être inondées. Les incendies en Australie s’expliquent par l’exclusion des Aborigènes qui maîtrisaient de façon ancestrale la gestion des forêts. Ceux en Californie, par l’absence de bandes de terrain coupe-feu dénuées d’arbres lors de la construction des maisons dans des forêts. Dans le domaine alimentaire, le bio serait bon et la nourriture issue de l’agriculture conventionnelle mauvaise? L’an dernier, la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) a retiré du marché uniquement des produits bio au motif de leur dangerosité pour la santé humaine!

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Quelles sont les conséquences de ces erreurs?

Le risque de pénaliser inutilement l’industrie, l’agriculture et les ménages. Ainsi dans le domaine de l’électricité, on diabolise le nucléaire au profit d’énergies qui seraient plus vertes. Résultat: pour financer les éoliennes et le photovoltaïque, les Français et les entrepreneurs payent plus cher l’électricité (20% de taxes dédiées). En outre, l’énergie électrique produite en France à partir du nucléaire ou de l’hydraulique est déjà décarbonée. De surcroît, le nucléaire tue 4000 fois moins que le charbon, il exige peu d’espace, ce qui n’est pas le cas des éoliennes et des panneaux solaires qui sont répartis sur de nombreux points du territoire. Quant au traitement des déchets, les éléments les plus radioactifs peuvent être recyclés dans les surgénérateurs. De fait, le vrai danger de l’industrie nucléaire est qu’elle produit du plutonium qui peut servir à fabriquer des bombes. Afin d’éviter cette dérive, il faudra imposer un jour, non seulement le contrôle, mais aussi la gestion mondiale de cette énergie.

Va-t-on vider, au nom de l’écologie, le lac du barrage de Serre-Ponçon ? Pourquoi, tant qu’on y est, ne pas aussi détruire la Camargue, qui doit son existence à l’aménagement du Rhône par les hommes, et donc rien à la nature… ?Jean de Kervasdoué

Quel est le gros inconvénient des éoliennes?

L’énergie du vent est diffuse et aléatoire, avec un niveau de production faible. Quand il y a une haute pression et donc qu’il fait beau, il n’y a pas de vent, EDF doit alors le substituer par du gaz ou du charbon. Le 8 janvier dernier, on a failli avoir un black-out en raison d’un pic de consommation électrique et… de la fermeture de Fessenheim. Heureusement, nous étions confinés et les entreprises, en raison du télétravail, marchaient au ralenti et les magasins étaient fermés.

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Manque-t-on vraiment d’eau en France?

Franchement non. Sur les 176 milliards de mètres cubes d’eau de précipitations qui ruissellent ou s’infiltrent, l’activité humaine (irrigation, industrie, refroidissement des centrales thermiques et nucléaires) n’en évapore que 3%, le reste part à la mer. Cessons, encore une fois, de généraliser. Les écologistes scientifiques ont le mérite de s’intéresser à un écosystème précis, c’est-à-dire à un équilibre dynamique local, comme l’eau au nord de Toulouse, en amont de la Garonne qui peut effectivement manquer en été. D’ailleurs, les 1600 retenues collinaires en France, semblables au projet avorté du barrage de Sivens, permettent d’écrêter les crues d’hiver et de remettre de l’eau en été quand la nappe phréatique est basse. Les problèmes d’eaux sont locaux et datés ; le fait de se priver d’eau à Paris ne va pas permettre d’abreuver des éléphants au Zimbabwe!

Certains écologistes veulent détruire des barrages…

Va-t-on vider, au nom de l’écologie, le lac du barrage de Serre-Ponçon? Imagine-t-on détruire ceux qui, en amont de Paris, régulent les crues de la Seine? Pourquoi, tant qu’on y est, ne pas aussi détruire la Camargue qui doit son existence à l’aménagement du Rhône par les hommes, et donc rien à la nature, même si les flamants roses et les chevaux sauvages s’y plaisent?

La biodiversité est-elle menacée en France?

Loin de là. La forêt gagne du terrain. Il manque de chasseurs pour réguler des espèces animales comme les sangliers ou les cervidés qui, trop nombreux, produisent des dégâts dans les cultures agricoles et les plantations forestières. En Bretagne, quand j’étais enfant, il n’y avait pas un phoque parce que les pêcheurs les tuaient. Ils sont aujourd’hui nombreux.

On accueille les vaccins à ARN et le plasma humain produit par des chèvres génétiquement modifiées. En revanche, Français et Allemands refusent de cultiver sur leur territoire des plantes génétiquement modifiées, mais ils les importent.Jean de Kervasdoué

Que penser du référendum sur la biodiversité voulu par Emmanuel Macron?

La biodiversité de quel écosystème? Par exemple, les zadistes de Notre-Dame-des-Landes, opposés à un nouvel aéroport près de Nantes, défendaient le paysage de bocage de l’agriculture de la France de l’Ouest il y a cinquante ans et sa biodiversité. Pourquoi cette référence-là et pas une autre? Ceux qui plaident pour un retour à la forêt primaire oublient le fait qu’il n’est pas possible d’y avancer de plus de deux mètres, la rendant alors totalement inexploitable. Et puis, brûler une forêt dégage le même taux de CO2 qu’un pourrissement à l’état naturel. Enfin, va-t-on aussi supprimer une belle futaie de chênes ou de hêtres qui a mis deux siècles à pousser parce qu’elle est une création humaine?

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Une autre contrevérité porte, selon vous, sur les OGM. Pourquoi?

La plupart des gens ne savent pas que nous nous battons depuis dix mille ans pour avoir des mutations génétiques favorables afin de bénéficier de nourriture abondante et de qualité. Grâce aux progrès de la science, nous avons ainsi des blés avec des pailles courtes, plus protéinés, plus sains. La sélection des gènes, autrefois aléatoires, est aujourd’hui maîtrisée.

Comment alors tolérer qu’il y ait des médicaments issus des OGM et non des aliments?

En effet, on accueille les vaccins à ARN et le plasma humain produit par des chèvres génétiquement modifiées. En revanche, Français et Allemands refusent de cultiver sur leur territoire des plantes génétiquement modifiées, mais ils les importent. Les entreprises françaises qui étaient en pointe ont transféré leurs essais en Amérique du Sud ou du Nord. Néanmoins, les gènes des aliments que l’on ingère sont dormants.

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Pourtant les lauréats du prix Nobel de chimie 2020 ont reçu un accueil réservé?

Cela en dit long sur la perception tronquée de la société à l’égard des OGM. La technique des ciseaux génétiques, découverte conjointement par la Française Emmanuelle Charpentier et l’Américaine Jennifer Doudna, est géniale. Elle a permis de développer facilement le vaccin ARN contre le Covid et les traitements des maladies dues à des déficiences génétiques arrivent. De grands progrès!

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