La galaxie européenne des Frères musulmans

FRÈRES SANS FRONTIÈRES 2/5. La mise en place d’un impressionnant tissu associatif a permis à la confrérie de se rapprocher des centres de pouvoir.

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Les obsessions des associations de défense des droits civiques gravitant dans l’orbite des Frères musulmans européens sont connues : il s’agit de « lutter contre le racisme », tout en assurant la promotion du voile, et de « lutter contre l’islamophobie » dans sa version la plus extensive, quitte à entraver la critique des religions et à renégocier les limites à la liberté d’expression. Dans cet « agenda frériste » en apparence dépourvu de toute ambition religieuse, certaines organisations jouent un rôle clé. C’est le cas, par exemple, du Forum des organisations européennes de jeunes et d’étudiants musulmans (Femyso).

Ce dernier, fondé en 1996, entend représenter « les intérêts et les préoccupations des jeunes musulmans » et affirme « lutter pour les droits et les libertés civiles des jeunes musulmans ». C’est notamment grâce au travail de ces militants que l’on a vus fleurir sur les réseaux en novembre dernier une campagne de communication provoile du Conseil de l’Europe (dans le cadre du programme pour l’inclusion et la lutte contre les discriminations), qui entendait alors « agir pour remplacer les discours de haine antimusulmans par des récits basés sur les droits de l’homme ».

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« Mon voile, mon choix »

L’institution européenne a publié une série de visuels accompagnés de slogans qui auraient tout à fait pu avoir été conçus par une organisation religieuse : « La beauté est dans la diversité, comme la liberté est dans le hidjab », ou « Mon voile, mon choix ». Devant le scandale déclenché en France par cette campagne célébrant une identité religieuse réformiste et fondamentaliste, les visuels ont été retirés quelques jours après leur mise en ligne.

Le Femyso a vivement protesté, estimant qu’on lui faisait payer là le prix de sa réputation frériste, une « allégation calomnieuse », expliquait l’association dans un communiqué… Malgré les dénégations rituelles, de nombreux éléments permettent d’établir des liens organiques entre la confrérie et cette fédération d’« associations de jeunesse ». Il y a d’abord les témoignages des anciens Frères musulmans, comme Mohamed Louizi ou Michaël Privot, qui tous deux défendent désormais un islam loin des Frères. Et puis il y a le profil des membres actuels…

Pouponnière européenne des Frères musulmans

Parmi les membres du Femyso, on croise de nombreux enfants des cadres des Frères musulmans. Il y a l’Irlandaise Fatima Halawa, fille de Hussein Halawa, membre du Conseil européen pour la fatwa et la recherche (fondation frériste chargée de la doctrine), ou encore Intissar Kheriji, fille de Rached Ghannouchiprésident du parti frériste tunisien Ennahdha. On croise aussi Youssef Himmat, fils présumé d’Ali Ghaleb Himmat, l’un des fondateurs de la banque Al-Taqwa et cadre des Frères musulmans. Il y a aussi, au cœur de cette campagne provoile, Hiba Latrèche, fille de Mohamed Latrèche, militant français de l’islam politique, soutien, en son temps, de Saddam Hussein et frayant en compagnie du négationniste Serge Thion. Un arrêté de mai 2014 établissait que Mohamed Latrèche faisait l’apologie du djihad armé et gelait ses avoirs « dans le cadre de la lutte contre le terrorisme ». Parmi les trente-deux associations membres du Femyso, on relève la présence des associations françaises considérées comme affiliées aux Frères musulmans, à savoir Musulmans de France (ex-UOIF), Étudiants musulmans de France (EMF) et l’Institut européen des sciences humaines (IESH). Difficile de considérer qu’il ne s’agit pas là de la pouponnière européenne des Frères musulmans.

« ONG internationale »

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Si le Femyso – que les réseaux religieux officiels turcs (Ditib) présentaient en 2015 comme « une ONG internationale » – s’est retrouvé au cœur de cette campagne européenne de lutte contre les discriminations, c’est que le réseau est plutôt bien introduit dans les institutions. Il est, par exemple, membre du Conseil européen de la jeunesse (Conseil de l’Europe) et participe régulièrement à des événements de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) ou des Nations unies. Pour mener ses activités, le Femyso dispose d’un bureau à deux pas de la Commission européenne, au-dessus d’un restaurant italien. Le loyer a été longtemps payé par la Wamy, l’Assemblée mondiale de la jeunesse musulmane (World Assembly of Muslim Youth), une ONG saoudienne reliée à la Ligue islamique mondiale (LIM), qui a longtemps financé en Europe un islam très conservateur.

Registre des lobbys

Le Femyso est inscrit au registre des lobbys – ou registre de transparence – depuis 2015. Cela permet à son représentant de solliciter – et d’obtenir – des rendez-vous auprès des commissaires européens. En avril 2015, par exemple, le Femyso a été reçu par le commissaire Tibor Navracsics (Culture, Jeunesse et Sports) pour parler de la radicalisation des jeunes. « La Commission ne peut pas refuser de recevoir une association légalement établie et enregistrée, ce qui fait que, même avec de tout petits moyens, on pouvait accéder aux institutions », explique l’ex-cadre du bureau exécutif du Femyso (et ex-Frère musulman) Michaël Privot.

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Fraternité, respect, tolérance

De quoi discutent les cadres fréristes lorsqu’ils dialoguent avec les fonctionnaires et les élus des institutions européennes ? Jamais de religion au sens strict du terme, mais plutôt de défense des valeurs humaines, de fraternité et de respect, de tolérance… « Il y a, au niveau européen, une vraie ouverture à l’altérité », analyse l’ex-membre de la confrérie. « Ce qui a permis l’influence des Frères sur ces sujets, c’est la mise en place en 2015 d’un coordinateur de l’Union européenne chargé de la lutte contre la haine antimusulmans », explique-t-il. Les financements alloués par la Commission européenne fonctionnent par appel à projets. 

À LIRE AUSSI« L’Union européenne favorise aussi la recherche proche du mouvement décolonial »« Si vous êtes une association légalement enregistrée, sans casier judiciaire rattaché à l’association, que vous vous engagez à respecter toutes les valeurs européennes et que vous faites un bon projet avec les bons partenaires…. vous serez probablement financés ! » raconte Michaël Privot, qui connaît bien les arcanes des institutions. Effectivement, comme le montre le système de transparence de la Commission européenne, entre 2007 et 2019, le Femyso a touché 590 000 euros de fonds publics, dans le cadre d’appels à projets lancés par la Commission européenne.

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