Réservé aux abonnés
Par Emmanuel Magdelaine. LE FIGARO. 23 février 2022
Une équipe mise en place par la préfecture du Pas-de-Calais en a ramassé trois tonnes en trois mois.
Boulogne-sur-mer
Au détour d’un chemin forestier, au sol, au milieu des branchages, un jean, une paire de chaussures, un morceau de sac de couchage… De quoi remplir en quelques minutes quatre gros sacs-poubelles. Ici, au cœur de la forêt d’Écault, près de Boulogne-sur-Mer, des migrants ont laissé, sans doute il y a quelques jours, des affaires personnelles. Pour être le moins chargés possible au moment de prendre la mer dans un «small boat».
La plage n’est qu’à quelques centaines de mètres. «Les migrants sont déposés ici en amont par des passeurs avant leur départ. Ils attendent un, deux ou trois jours dans la forêt que la météo soit favorable», explique Laurent Martin de Morestel, capitaine de la compagnie de gendarmerie de Calais.
À LIRE AUSSICrise migratoire: «Un jour sans fin»
Des zones d’attente qui deviennent des dépotoirs, une fois les migrants partis. De quoi agacer les promeneurs, interpeller les communes, gêner les professionnels du tourisme et inquiéter les gestionnaires des forêts, des dunes ou des plages. «Certains sites étaient devenus de véritables décharges. C’est une pollution à l’impact visuel et environnemental important. Et cela nous prenait beaucoup de temps, détaille Éric Marquette, directeur de l’Office national des forêts du Nord-Pas-de-Calais. Pendant qu’on ramasse, on ne plante pas d’arbres, et quand on dépense pour le nettoyage, on a moins d’argent pour entretenir les espaces protégés.»
200.000€ par an
La préfecture du Pas-de-Calais, face à l’augmentation exponentielle des traversées clandestines de la Manche, a donc décidé de confier la gestion de ces déchets à une association d’insertion, pour un peu plus de 200.000 euros par an. Depuis novembre 2021, une équipe dédiée de sept personnes parcourt les dunes et les forêts du littoral boulonnais. «On a déjà ramassé trois tonnes de déchets, constate David Vasconi, directeur de l’association Rivages propres. L’équipe intervient à la demande de propriétaires privés, de riverains et de mairies qui ont repéré des endroits pollués.»
Une autre équipe gère les plus gros déchets: bateaux, zodiacs, moteurs… «En 2021, 600 bateaux ont été récupérés sur les plages du Pas-de-Calais. Certains sont détruits ou recyclés, d’autres, encore en bon état, sont proposés à la SNSM, aux clubs de voile ou aux forces de l’ordre», explique Dominique Consille, sous-préfète de Boulogne-sur-Mer, devant la dizaine de journalistes qui ont répondu à son invitation.
À LIRE AUSSIMigrants: le ministère de l’Intérieur dans le bourbier de Calais
Médiatiser la gestion des déchets liés à la crise migratoire? Une mauvaise idée qui stigmatise les migrants, selon certaines associations: «C’est une opération de communication assez minable, réagit Pierre Roques, coordinateur de l’association L’auberge des migrants. C’est pour dire que les migrants ne ramassent pas leurs déchets ou pour montrer qu’on retrouve des bouées ou des gilets de sauvetage? Il faut aussi dire que la police saisit les moteurs, crève les bateaux et laisse les déchets sur place, ils ont aussi leur responsabilité…»
Ces dernières semaines, la météo tempétueuse a empêché la plupart des tentatives de traversée. Mais les autorités savent que le printemps va entraîner un retour du phénomène. En 2021, environ 28.000 migrants ont réussi à atteindre les côtes britanniques.