AstraZeneca : le stock caché des 30 millions de vaccins en Italie

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Plus les semaines passent et plus le « scandale AstraZeneca » prend de l’ampleur. Selon nos informations, environ 30 millions de doses seraient stockées en Italie. Un stock que se disputent l’UE et la Grande Bretagne.

 Article réservé aux abonnésCôté européen, on s'interroge. AstraZeneca n'a-t-il pas sciemment ralenti la certification de son sous-traitant hollandais, afin de s'assurer que ce "trésor de guerre" ne puisse être préempté que par la Grande Bretagne ?

Côté européen, on s’interroge. AstraZeneca n’a-t-il pas sciemment ralenti la certification de son sous-traitant hollandais, afin de s’assurer que ce « trésor de guerre » ne puisse être préempté que par la Grande Bretagne ?

Béatrice Mathieu et Emmanuel Botta

publié le 23/03/2021 . L’EXPRESS.

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Mauvaise journée pour Sandra Gallina, la directrice générale de la Santé et de la sécurité alimentaire à la Commission européenne. Auditionnée ce mardi matin pendant plus d’une heure par les parlementaires européens, celle qui pilote toute la politique d’achats de vaccins pour l’UE a été sommée de s’expliquer sur ce qui s’apparente de plus en plus au « scandale AstraZeneca ».

Comment expliquer tous ces retards de livraison ? Quelles sont les solutions mises en place pour combler le manque ? Des vaccins d’AstraZeneca ont-ils réellement été exportés hors de l’Europe ? C’est peu dire que les réponses de la diplomate italienne ont été floues, masquant un embarras évident. Car entre les promesses du début d’année et la réalité du terrain, le compte n’y est pas.  

110 millions de vaccins livrés au lieu des 280 prévues

En janvier 2020, au moment où les autorités européennes du médicament délivrent leur feu vert, le laboratoire anglo-suédois promet de livrer à l’UE 100 millions de doses de vaccins au premier trimestre puis 180 millions au deuxième. Très rapidement, c’est la douche froide : finalement, ça ne sera que 30 millions de doses entre janvier et mars – quelques jours après cette annonce, sous la pression, AstraZeneca consentira à livrer 40 millions de doses – et 70 millions à peine entre avril et juin. Du côté du groupe pharmaceutique, on invoque la malchance et on se réfugie derrière les aléas scientifiques et technologiques inhérents à un défi industriel hors norme. « Nous avons une concentration de problèmes sur notre chaine européenne de production du vaccin », avoue un des grands pontes du laboratoire.  LIRE AUSSI >> AstraZeneca : pourquoi l’Europe a donné son feu vert à la reprise de la vaccination

Une chaine de production qu’AstraZeneca a dû monter en quelques semaines à peine. Car le groupe pharmaceutique n’a pas dans son escarcelle d’usines de vaccins. Dans le contrat initial signé avec Bruxelles à la fin de l’été, on dénombre ainsi quatre fabricants de substances actives : deux au Royaume-Uni, un en Belgique et un autre aux Pays-Bas. Sauf que, dès le début, le mécano européen se détraque. Le Brexit s’invite dans la partie et les vaccins fabriqués au Royaume-Uni restent à Londres. Puis l’usine belge située à Seneffe et qui appartient alors au Français Novasep, une entreprise lyonnaise, connait des ratés. Le rendement des cultures cellulaires réalisées dans d’immenses cuves sont inférieurs de près des deux tiers aux objectifs. Comme le processus biologique dure environ 70 jours, il faut tout recommencer à zéro. 

L’énigme du sous-traitant hollandais Halix

Mais c’est plus certainement du côté de la Hollande, à Leiden, qu’il faut creuser pour trouver le noeud du problème. Cette ville moyenne située à une vingtaine de kilomètres de La Haye abrite le sous-traitant Halix, un façonnier bien connu des grands laboratoires, spécialisé dans les vecteurs viraux et les protéines recombinantes. Le 15 avril 2020, ce dernier a signé un accord avec l’université d’Oxford pour produire les vecteurs viraux aux essais cliniques. Le 8 décembre, Halix paraphe cette fois un nouvel accord avec AstraZeneca pour produire à grande échelle la substance active du vaccin. Pour cela, Halix s’engage alors à accroitre les capacités de deux de ses lignes de production. Problème, un mois plus tard, lorsque l’Agence européenne des médicaments (EMA) donne son feu vert pour la commercialisation du vaccin anglo-suédois, Halix a disparu de la liste des sous-traitants.  

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Pour cause, l’EMA n’a jamais reçu l’intégralité des documents détaillants les données scientifiques nécessaires à la certification du site néerlandais. « Et ce n’est pas faute d’avoir multiplié les demandes », fulmine-t-on du côté du cabinet de Thierry Breton, le Commissaire européen au marché intérieur, chargé de surveiller la production des vaccins anti-Covid, qui a dû se résoudre à l’ôter de la liste. Une usine qui, selon les informations recueillies par l’Express, aurait néanmoins produit depuis le mois de septembre dernier l’équivalent de quatre à cinq millions de doses par mois. Des doses qui auraient ensuite été envoyées pour le « fill & finish » (la mise en flacon), vers le site italien d’Anagni, propriété du groupe américain Catalent.

C’est donc plus de 30 millions de vaccins qui seraient en dormance du côté de Rome, au moment même où l’Europe en a le plus besoin. Interrogée sur cet embrouillamini administratif, la direction d’Astrazeneca n’a pas souhaité répondre à nos questions, se bornant à répéter que cette usine néerlandaise n’avait effectivement pas reçu la certification de l’EMA mais que « le dossier était en cours ». 

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